LES MAFIAS MILITAIRES DU KREMLIN
LES MAFIAS MILITAIRES DU KREMLIN
LES MAFIAS MILITAIRES DU KREMLIN
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
fort du putsch d’octobre, se sont lavé les mains durant vingt-quatre<br />
heures. « Ces chiens nous ont à nouveau trahis, ils nous ont piégés en se<br />
cachant eux-mêmes dans les buissons pour attendre de voir qui l’emporterait<br />
! », dit un officier de la milice au correspondant de Stolitsa (n°<br />
47, 1993).<br />
Les commandos du fasciste Barkachov et des dizaines d’officiers de<br />
l’armée de Transnistrie (république autoproclamée en Moldavie) ont pu<br />
s’enfuir sans encombre, cependant que des milliers d’innocents venaient<br />
remplir les prisons de Moscou sous prétexte de l’état d’urgence. Il va de<br />
soi que ces personnes ont été libérées vingt-quatre heures plus tard, les<br />
poches vidées, pour céder la place à de nouvelles fournées de « richards »<br />
qui, après une fouille en règle, sont repartis plus pauvres. Quant à ceux qui<br />
ont osé protester contre ce vol, on les a battus sans pitié. Et les femmes ont<br />
bien évidemment été violées. Lorsque Moscou a donné ensuite de la voix,<br />
la milice a fait porter le chapeau à l’OMON des autres villes, soi-disant<br />
plus dépravé. Nul doute que le prestige du pouvoir d’État a fait alors une<br />
chute sérieuse. Tout le monde comprenait que Golouchko et Erine<br />
avaient été décorés au Kremlin soit pour leur dérogation à la loi, soit pour<br />
les amadouer.<br />
Les journaux moscovites (qui ne sont pas diffusés au-delà du centre de<br />
la capitale), et non pas la télévision, ont pris l’initiative de dire qu’Eltsine<br />
ferait bien de procéder enfin à une épuration de l’armée, du ministère de<br />
l’Intérieur, des organes de la sécurité, des tribunaux et du Parquet<br />
(Moskovski komsomolets, 16 octobre 1993 ; Ségodnia, 23 octobre 1993).<br />
La faute de Barannikov n’est pas que son épouse et celle de Dounaev<br />
se soient rendues en Suisse avec l’argent donné par Yakoubovski et en<br />
aient ramené 21 valises de « cadeaux » valant une centaine de milliers de<br />
dollars. La disgrâce de Dounaev n’est pas liée au fait qu’il a rapporté de<br />
Kaliningrad, en avion militaire, des tonnes de parures en ambre pour les<br />
revendre, alors que Golouchko, le nouveau chef de la sécurité, a gagné<br />
tous ses galons en persécutant les dissidents. Non, la raison véritable est<br />
que, grâce à ces officiers, le mot « mafia » est devenu en Russie aussi populaire<br />
que « vodka », « ours » ou « balalaka ».<br />
Nous croyions déjà nous être débarrassés du goulag et que les temps<br />
terribles étaient révolus. Mais non, ce n’est pas mieux aujourd’hui. Le<br />
ministère de l’Intérieur et le KGB se sont débrouillés pour convertir toute<br />
la CEI en une « zone ». Comme au goulag, les mœurs en Russie sont celles<br />
du bizutage dans l’armée, du cruel arbitraire qui, dans les prisons et les<br />
camps, s’abat sur les pauvres et les faibles. Les truands, les mafiosi<br />
respectables, flanqués d’une armée d’aides brutaux et féroces, contrôlent<br />
absolument tout dans le pays. L’administration (la milice, la sécurité) n’a<br />
plus qu’à observer les événements, à donner des instructions aux truands<br />
et percevoir un tribut.<br />
En conséquence, le contribuable est dépouillé deux fois : il lui faut<br />
subvenir à l’entretien des forces de l’ordre et payer en sus à la mafia criminelle<br />
et commerciale. Les médias russes font également des bénéfices<br />
179