LES MAFIAS MILITAIRES DU KREMLIN
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la mafia commerçante. Car comment un milicien pourra-t-il nourrir sa<br />
famille, si les voleurs cessaient d’enlever chaque jour 120 voitures neuves<br />
dans les rues de Moscou, ou si le parlement décidait de punir par 10 à 15<br />
années de réclusion ou par la confiscation des biens (au lieu d’un an avec<br />
sursis comme aujourd’hui) les voleurs de voitures ? L’assurance auto est<br />
pratiquement inexistante chez nous, mais, par contre, chaque bande de<br />
voleurs a « son » inspecteur à la milice routière, lequel fabrique en un tour<br />
de main de nouveaux documents permettant de vendre la voiture volée. Il<br />
n’y a plus qu’à suivre le nouveau propriétaire pour revoler la voiture et la<br />
revendre grâce à des papiers fictifs d’un quelconque retraité qui y trouve<br />
aussi son compte : ainsi a-t-on vendu neuf fois de suite en un mois une<br />
même voiture, d’autant plus facilement que les voleurs ont un double des<br />
clés. Un certain Tchourkine, inspecteur du poste n° 36 de la milice<br />
routière de Moscou, « refit » les papiers de 50 voitures étrangères coûteuses<br />
rien qu’en octobre 1993, pour seulement 300 dollars chacune. Si le<br />
scélérat s’est fait prendre, c’est sans doute qu’il partageait mal avec ses<br />
supérieurs.<br />
Nos lois sont si imparfaites et leur application si aléatoire que n’importe<br />
quel petit fonctionnaire d’un office d’habitation peut mettre à un<br />
autre nom un appartement venant tout juste d’être privatisé ; l’escroc n’a<br />
alors aucun mal à vendre cet appartement, et même plus d’une fois. Il y a<br />
encore un an, lorsque tous les logements appartenaient à l’État, le processus<br />
d’obtention et d’échange des appartements était parfaitement clair,<br />
quoique long et compliqué. Mais après être devenus propriétaires de leur<br />
appartement, des centaines de milliers de vieillards, de malades et d’alcooliques<br />
ont perdu d’un coup leur logement pour avoir signé le mauvais<br />
document (quand on n’a pas contait leur signature). Il suffit qu’une personne<br />
seule s’absente pour qu’à son retour elle tombe sur de nouveaux<br />
locataires dans son propre appartement : tout est « légal » ; ni la milice ni<br />
la justice ne viendront en aide au malheureux. La privatisation des logements<br />
est devenue une affaire dangereuse en Russie, mais c’est avantageux<br />
pour la milice qui vend volontiers les informations sur les personnes<br />
seules.<br />
Notre milice se plat également à laisser pénétrer les voleurs dans les<br />
entrepôts, les aérodromes, les trains de marchandises gardés par elle, car<br />
c’est une source de gros profits pour qui sait y faire. Dans la lointaine<br />
Tchetchnie, c’est par villages entiers qu’on va à l’assaut des trains (en<br />
avant, les femmes et les enfants, pour que les gardes ne tirent pas ; derrière,<br />
les djiguites armés). Mais laissons ce folklore aux journalistes. Les<br />
vols les plus importants sont le fait des cheminots eux-mêmes et de la<br />
milice chargée de la surveillance des trains. Les cibles préférées se trouvent<br />
dans la région de Moscou (jusqu’à 20 % des pertes causées par le vol<br />
sur les voies ferrées de l’immense Russie), dans les grandes gares de<br />
marchandises, là où les voleurs ont à leur disposition matériel, transport,<br />
etc.<br />
La population se « criminalise » de plus en plus. Comme tout le monde<br />
se considère pauvre, tout le monde accepte des pots-de-vin, depuis l’in-<br />
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