Téléchargez le programme - Opéra de Lyon
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ALEXANDRE POUCHKINE<br />
Ils traversèrent une longue enfila<strong>de</strong> <strong>de</strong> pièces remplies <strong>de</strong><br />
serviteurs polis et empressés. Il y avait fou<strong>le</strong> partout. Des généraux<br />
et <strong>de</strong>s conseil<strong>le</strong>rs privés jouaient au whist. Des jeunes<br />
gens étaient étendus sur <strong>le</strong>s divans, prenant <strong>de</strong>s glaces et<br />
fumant <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s pipes. Dans <strong>le</strong> salon principal, <strong>de</strong>vant une<br />
longue tab<strong>le</strong> autour <strong>de</strong> laquel<strong>le</strong> se serraient une vingtaine <strong>de</strong><br />
joueurs, <strong>le</strong> maître <strong>de</strong> la maison tenait une banque <strong>de</strong> pharaon 1 .<br />
C’était un homme <strong>de</strong> soixante ans environ, d’une physionomie<br />
douce et nob<strong>le</strong>, avec <strong>de</strong>s cheveux blancs comme la neige. Sur<br />
son visage p<strong>le</strong>in et f<strong>le</strong>uri, on lisait la bonne humeur et la bienveillance.<br />
Ses yeux brillaient d’un sourire perpétuel. Naroumof<br />
lui présenta Hermann. Aussitôt Tc h e kalinski lui tendit la main,<br />
lui dit qu’il était <strong>le</strong> bienvenu, qu’on ne faisait pas <strong>de</strong> cérémonies<br />
dans sa maison, et il se remit à tail<strong>le</strong>r.<br />
La tail<strong>le</strong> dura longtemps ; on pontait sur plus <strong>de</strong> trente<br />
cartes. À chaque coup, Tchekalinski s’arrêtait pour laisser aux<br />
gagnants <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s paroli, payait, écoutait civi<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong>s réclamations, et plus civi<strong>le</strong>ment encore faisait<br />
abattre <strong>le</strong>s cornes qu’une main distraite s’était permises.<br />
Enfin la tail<strong>le</strong> finit ; Tchekalinski mêla <strong>le</strong>s cartes et se prépara<br />
à en faire une nouvel<strong>le</strong>.<br />
– Permettez-vous que je prenne une carte ? dit Hermann<br />
allongeant la main par-<strong>de</strong>ssus un gros homme qui pontait à<br />
cet endroit.<br />
Tc h e kalinski, en lui adressant un gracieux sourire, s’inclina<br />
poliment en signe d’acceptation. Naroumof complimenta en riant<br />
Hermann sur la fin <strong>de</strong> son austérité d’autrefois, et lui souhaita<br />
toute sorte <strong>de</strong> bonheur pour son début dans la carrière du jeu.<br />
1. Le pharaon est un jeu simp<strong>le</strong> et dangereux. Le banquier tail<strong>le</strong>, il joue seul<br />
contre <strong>le</strong>s autres joueurs, qui pontent. On se sert <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux jeux <strong>de</strong> cartes. Chaque<br />
joueur mise sur une ou plusieurs cartes choisies dans <strong>le</strong> premier jeu. Le banquier<br />
mélange et fait couper <strong>le</strong> second jeu ; il en tire <strong>de</strong>ux cartes qu’il pose l’une<br />
à sa gauche, l’autre à sa droite. Cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> gauche fait gagner aux joueurs <strong>le</strong>s<br />
sommes qu’ils ont misées sur une carte i<strong>de</strong>ntique ; cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> droite fait gagner<br />
au banquier <strong>le</strong>s sommes misées sur une carte i<strong>de</strong>ntique. ( N d E )<br />
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