Rapport d'activité - Assemblée nationale
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— 18 —<br />
conditions de travail et de vie se confondent souvent, constitue de fait une nouvelle<br />
classe populaire » (1) .<br />
Les mouvements de population sont à cet égard particulièrement<br />
éloquents. On assiste actuellement à Paris comme dans la plupart des grandes<br />
villes françaises à une relégation des classes moyennes en grande banlieue, tandis<br />
que les couches supérieures se concentrent dans les centres villes, y compris dans<br />
les quartiers populaires, où elles côtoient les couches populaires immigrées qui se<br />
maintiennent dans les logements sociaux ou insalubres. Le renchérissement du<br />
prix des logements dans les centres et la spécialisation du logement social dans<br />
l’accueil des plus précaires ne permettent donc plus à la classe moyenne de<br />
demeurer dans les villes-centres alors même que ses membres sont parmi les<br />
premières victimes du chômage de masse et de la précarisation.<br />
Lors de son audition devant la Délégation, M. Louis Chauvel, sociologue,<br />
professeur à l’IEP de Paris, a ainsi mis en relief le déclassement subi par la<br />
classe moyenne, et notamment par les personnes les plus jeunes qui la composent.<br />
La précarité menace de plus en plus les jeunes sur un marché du travail dégradé,<br />
même quand ceux-ci sont titulaires d’un diplôme. « Alors que les générations<br />
entrées dans le monde du travail en 1973 avaient un taux de chômage dans les<br />
deux ans suivant la fin des études de 6 % pour les hommes et de 10 % pour les<br />
femmes, ces taux sont en 1984-1985 passés respectivement à 33 % pour les<br />
hommes et à plus de 40 % pour les femmes. » L’impact en terme de déclassement<br />
est énorme. « Avec trois années d’études en plus en moyenne par rapport à leurs<br />
parents, les jeunes sont, à leur entrée dans la vie professionnelle, dans une<br />
situation sociale moins favorable que leurs parents à qui le baccalauréat<br />
permettait d’accéder aux professions intermédiaires, voire de devenir cadres<br />
supérieurs. Aujourd’hui, nombre de jeunes, dont les parents furent cadres à 21 ou<br />
22 ans, sont encore, à 27 ans, employés ou dans la catégorie C de la fonction<br />
publique. »<br />
De par la pyramide des âges, les générations du baby-boom étant<br />
particulièrement fournies, les jeunes éprouvent de grandes difficultés à s’insérer<br />
sur le marché du travail. « Les nouvelles générations sont sur le front du<br />
changement du régime de système économique. Elles sont les premières victimes<br />
du chômage de masse à l’entrée dans la vie active, des problèmes de logement, et<br />
de la dévalorisation salariale » (2) .<br />
Cette situation ne peut être à terme que porteuse d’instabilité sociale, du<br />
fait notamment de la dichotomie entre la position de l’élite, qui continue à<br />
développer des stratégies pour « s’en sortir » et le reste de la population. Comme<br />
l’exprime M. François Dubet, sociologue, professeur à l’Université Victor Segalen<br />
(Bordeaux II) et directeur d'études à l'EHESS, « notre marché du travail est de<br />
nature dualiste : les uns sont protégés, alors que les autres ne le sont pas par un<br />
(1) In Atlas des nouvelles fractures sociales en France, Christophe Guilluy et Christophe Noyé, Autrement,<br />
2004.<br />
(2) Audition du 27 juin 2006.