Luxembourg - Entreprises magazine
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Ressources humaines<br />
Invoquer une faute grave<br />
à l'appui d'un licenciement<br />
Attention au délai<br />
A la différence du licenciement<br />
avec préavis, le licenciement avec<br />
effet immédiat est enfermé dans<br />
un délai strict. Le Code du travail<br />
précise en son article L.124-10 (6)<br />
que « le ou les faits ou fautes susceptibles<br />
de justifier une résiliation<br />
pour motif grave ne peuvent être<br />
invoqués au-delà d’un délai d’un<br />
mois à compter du jour où la partie<br />
qui l’invoque en a eu connaissance,<br />
à moins que ce fait n’ait donné<br />
lieu dans le mois à l’exercice de<br />
poursuites pénales ».<br />
Bien que cet article ne vise<br />
pas la procédure de mise à pied<br />
des délégués du personnel, il n’y<br />
a pas de différence à faire entre la<br />
faute grave du salarié et celle du<br />
délégué protégé, de sorte que le<br />
délai d'un mois leur est également<br />
applicable.<br />
Le respect du délai d'un<br />
mois est essentiel. En effet, s'agissant<br />
d'un délai de forclusion, un<br />
licenciement avec effet immédiat<br />
prononcé sur base d'une faute qui<br />
se serait produite plus d'un mois<br />
auparavant, serait automatiquement<br />
abusif, indépendamment de<br />
la gravité du motif invoqué.<br />
Le délai d'un mois n'empêche<br />
cependant pas l'employeur<br />
d'invoquer une faute plus ancienne<br />
à l'appui d'un licenciement, si ce<br />
motif s'ajoute à une nouvelle faute<br />
intervenue elle, dans le mois du<br />
licenciement.<br />
Le respect de ce délai<br />
implique l'obligation d'indiquer<br />
dans la lettre de licenciement la<br />
date de la faute, voire la date de<br />
sa connaissance par l'employeur<br />
lorsque ces dates ne sont pas<br />
concomitantes. Cette précision<br />
permet ainsi de vérifier l'ancienneté<br />
du motif invoqué et la validité du<br />
licenciement sur ce point.<br />
Il convient de préciser que<br />
lorsque l'employeur est tenu de<br />
procéder à un entretien préalable,<br />
c'est l'envoi du courrier de convocation<br />
à cet entretien qui devra<br />
intervenir dans le délai d'un mois, et<br />
le licenciement pourra alors suivre,<br />
même au-delà du délai.<br />
Le point de départ du délai<br />
d'un mois<br />
Le Code prévoit que le délai<br />
d'un mois court à partir du jour<br />
où l'employeur a eu connaissance<br />
du fait ou de la faute. Or, dans<br />
certains cas, l'employeur est mis<br />
au courant d'un fait ou d'une faute,<br />
sans que l'implication du salarié<br />
ne soit donnée. Dans une telle<br />
situation, la jurisprudence considère<br />
que l'employeur ne peut<br />
pas se fier à des apparences pour<br />
licencier son salarié, sous peine de<br />
se voir reprocher d'avoir agi avec<br />
une légèreté blâmable. Aussi, il<br />
incombe à l'employeur de s'assurer<br />
que la faute découverte est<br />
imputable au salarié avant de<br />
pouvoir le sanctionner. Le délai<br />
d'un mois ne commence alors à<br />
courir qu'à partir du moment où<br />
la certitude de l'implication du<br />
salarié est acquise. Dans ce cas,<br />
la charge de la preuve du respect<br />
du délai pèse sur l’employeur<br />
qui devra établir qu’il n’a eu une<br />
connaissance exhaustive des faits<br />
que tardivement.<br />
Il arrive également qu'un<br />
supérieur hiérarchique ait connaissance<br />
d'une faute et n'en informe<br />
qu'ensuite l'employeur. La Cour a,<br />
à ce propos, précisé dans un arrêt<br />
du 7 février 2013 l'identité de la<br />
personne dont la connaissance de<br />
la faute était susceptible de marquer<br />
le point de départ du délai<br />
d'un mois. Dans cette affaire, le<br />
gérant de fait d'un établissement<br />
a eu connaissance de faits graves<br />
commis par une salariée-déléguée.<br />
Il en informe par la suite la direction<br />
de la société qui, seule habilitée<br />
à procéder à une résiliation du<br />
contrat de travail, procède à la<br />
mise à pied de la salariée-déléguée<br />
dans le mois suivant sa prise de<br />
connaissance. Or, selon la Cour, le<br />
délai d'un mois était déjà écoulé<br />
puisqu'il avait commencé à courir<br />
au moment où le gérant de fait<br />
avait eu connaissance des fautes<br />
graves et non au moment où la<br />
direction en a été informée. En<br />
effet, ce gérant de fait, supérieur<br />
hiérarchique et interlocuteur patronal<br />
des salariés, a été assimilé, dans<br />
ce cadre, à l'employeur.<br />
Le point de départ du délai<br />
a enfin suscité des questions en<br />
présence d'une absence injustifiée<br />
continue. Jusqu'à récemment,<br />
si une absence injustifiée<br />
avait commencé plus d’un mois<br />
avant la date du licenciement mais<br />
perdurait jusqu'au licenciement,<br />
la jurisprudence considérait que<br />
le salarié réitérait chaque jour sa<br />
faute de ne pas se présenter au<br />
travail, l'aggravant ainsi jour après<br />
jour. L'employeur pouvait alors<br />
reprocher au salarié un comportement<br />
fautif qui avait certes débuté<br />
plus d’un mois auparavant, mais<br />
qui avait perduré jusqu’au licenciement.<br />
Dans un arrêt du 17 janvier<br />
2013, la Cour a adopté une position<br />
inverse : le salarié était absent<br />
de son lieu de travail depuis le<br />
6 septembre. L'employeur avait<br />
dès lors connaissance de l’absence<br />
« injustifiée » du salarié au plus<br />
tard à partir du 9 septembre (date<br />
à laquelle le délai de 3 jours pour<br />
l’envoi d’un certificat de maladie<br />
était écoulé). La Cour a considéré<br />
que le délai d'un mois pour se<br />
prévaloir de l’absence injustifiée<br />
commençait à courir à compter<br />
du 9 septembre pour se terminer<br />
le 9 octobre. La Cour a ainsi jugé<br />
abusif le licenciement avec effet<br />
immédiat du mois de novembre,<br />
basé sur l'absence injustifiée.<br />
Autre précision importante,<br />
en cas de maladie du salarié fautif,<br />
dûment portée à la connaissance<br />
de l'employeur le délai d'un mois<br />
peut être suspendu.<br />
Enfin, il convient de noter<br />
que le respect du délai d'un mois<br />
est également applicable en cas<br />
de démission avec effet immédiat.<br />
Ainsi, une démission avec<br />
effet immédiat pour des faits qui<br />
remonteraient au-delà d'un mois ne<br />
serait pas justifiée et l'employeur<br />
pourrait réclamer une indemnité<br />
compensatoire de préavis.<br />
Bien que court, le délai d'un<br />
mois n'est partant pas à négliger,<br />
son non-respect étant lourd de<br />
conséquences. <br />
M e Gabrielle Eynard<br />
Senior Associate<br />
Allen&Overy <strong>Luxembourg</strong><br />
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