L'appétit d'un géant - ccifc
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Le défi de l’énergie<br />
une nouvelle instance régulatrice avec<br />
l’ambition d’arriver à une coordination<br />
horizontale entre les différents acteurs<br />
et même de recentraliser certaines décisions.<br />
La re-création du Ministère de<br />
l’énergie fait l’objet d’un débat fébrile.<br />
Deux institutions se partagent les décisions<br />
au sommet: le Groupe dirigeant<br />
pour les questions énergétiques, présidé<br />
par le Premier ministre Wen Jiabao,<br />
et assisté dans son fonctionnement<br />
quotidien par une structure administrative<br />
réduite; et le Bureau de l’énergie,<br />
subordonné à la NDRC. Ce dernier<br />
est devenu une instance régulatrice,<br />
autonome par rapport au Groupe dirigeant.<br />
Mais ce n’est pas pour autant<br />
que la politique énergétique a été unifiée,<br />
ni même centralisée. Les décisions<br />
de principe qui sont prises au sommet<br />
souffrent parfois de ne pas être appliquées<br />
par des canaux très efficaces. La<br />
pratique, très ancienne, de la consultation<br />
itérative demeure. Les textes sont<br />
ainsi transmis à tous les départements<br />
et bureaux concernés pour relecture,<br />
commentaires et modifications, la décision<br />
qui est enfin adoptée étant le<br />
résultat d’un consensus entre ces différents<br />
acteurs. Mais de ce fait, le temps<br />
d’approbation des textes est souvent<br />
très long, les résultats sont, par leur<br />
nature consensuelle, assez vagues et<br />
risquent, en outre, d’être vite dépassés<br />
par la réalité.<br />
Cette lourdeur institutionnelle et l’absence<br />
de véritable autorité politique<br />
ont parfois affaibli le contrôle du gouvernement<br />
sur le secteur énergétique.<br />
Les secteurs de production se développent<br />
avec leurs propres ressources<br />
et sans que ce développement ne suive<br />
les rythmes prévus – tout comme<br />
la consommation, qui a explosé dans<br />
divers domaines, mais avant tout dans<br />
les transports. A défaut de mécanismes<br />
juridiques ou fiscaux perfectionnés,<br />
un outil important pour la mise<br />
en œuvre des politiques reste la cooptation<br />
politique des responsables. Cet<br />
outil pèse-t-il vraiment au quotidien,<br />
face à la croissance économique effrénée<br />
du pays et aux impératifs qui guident<br />
les gouvernements locaux dans<br />
leurs choix d’investissements ?<br />
Pour peu contrôlé qu’il soit, le secteur<br />
a pourtant fait face aux besoins : alors<br />
que tout le monde prédisait un goulot<br />
d’étranglement énergétique au début<br />
des années 1980, la production pétrolière<br />
et gazière a beaucoup augmenté<br />
– et surtout de puissants groupes<br />
chinois sont capables d’aller chercher<br />
les ressources<br />
sur le marché<br />
et dans les zones<br />
de production,<br />
fût-ce à un<br />
coût élevé. Le<br />
gouvernement<br />
est capable de<br />
développer divers<br />
secteurs<br />
de production,<br />
et par là-même<br />
« d’échantilloner<br />
» les technologies<br />
étrangères.<br />
Le développement<br />
économique,<br />
la motorisation<br />
croissante du pays ainsi que la<br />
hausse des niveaux de vie provoquent<br />
une hausse considérable de l’énergie<br />
consommée par le secteur résidentiel<br />
et les transports, hausse qui devrait se<br />
maintenir. Le grand défi du pays reste<br />
toutefois d’abaisser la consommation<br />
énergétique par unité de production<br />
industrielle (60% de la consommation<br />
énergétique chinoise), dans la métallurgie<br />
et les industries extractives.<br />
De ce fait, l’auto-suffisance énergétique<br />
est un objectif impossible à atteindre,<br />
si on met de côté l’immense production<br />
charbonnière, qui comporte des<br />
inconvénients environnementaux : si<br />
bien que dans le domaine du charbon<br />
propre, les progrès deviennent une<br />
cause non seulement nationale, mais<br />
même internationale.<br />
Mais dans le domaine pétrolier, l’évolution<br />
de la consommation chinoise n’est<br />
pas loin de celle des pays industrialisés<br />
les plus individualistes. Le maintien de<br />
prix artificiellement bas afin de protéger<br />
la population rurale ne permet<br />
pas encore de refléter les coûts de la<br />
consommation des différentes ressources<br />
énergétiques, ni d’encourager<br />
de façon efficace la transition vers des<br />
modes de consommation plus économes<br />
et plus « verts ». Si l’environnement<br />
est désormais inscrit parmi les<br />
Prévisions de la demande en énergie<br />
en millions de tonnes équivalent pétrole<br />
Source : BP Yearbook 2006 IEA WEO 2006.<br />
Excludes biomasse and waste<br />
objectifs du « développement scientifique<br />
» du pays, la mise en application<br />
de ses objectifs reste subordonnée<br />
aux impératifs de la croissance économique<br />
et de la stabilité sociale qui en<br />
découle.<br />
La politique énergétique chinoise se<br />
heurte donc à la fois à la politique<br />
industrielle et à la politique sociale<br />
du gouvernement. Il existe certes de<br />
chauds partisans d’une libéralisation<br />
et d’une régulation par le marché :<br />
mais pour améliorer l’efficience énergétique,<br />
il faut aussi une forte politique<br />
incitative – et donc des outils<br />
administratifs et fiscaux très affinés,<br />
ce qui contredit une libéralisation<br />
irréfléchie. •<br />
François Godement<br />
Asia Centre/Sciences Po<br />
Michal Meidan<br />
Asia Centre/Inalco<br />
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