L'appétit d'un géant - ccifc
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© Marie Christine de Lavergne<br />
Pour combattre les<br />
clichés sur l’Asie, il est<br />
urgent de venir<br />
se plonger dans son<br />
cinéma d’auteur.<br />
profondeur des réalisateurs malaisiens et thaïlandais. Deux<br />
hommages ont été rendus à des cinéastes jeunes mais<br />
déjà très féconds: le coréen Park Chan Wook, 43 ans, dont<br />
le film « Joint Security Area » avait battu tous les records<br />
d’audience en Corée en 2000. Il s’est fait mieux connaître<br />
depuis par sa trilogie sur la vengeance (Sympathy for Mr<br />
Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance). Il présentait cette<br />
fois une fable consacrée à l’amour « Je suis un cyborg».<br />
L’autre hommage fut consacré au sino-malaisien, James<br />
Lee, scénariste, réalisateur, producteur et chef opérateur<br />
à seulement 36 ans et déjà une filmographie impressionnante<br />
( Room to let, The beautiful washing machine, Before<br />
we fall in love again…).<br />
Dans les trois catégories, « Jury compétition », « Panorama»<br />
et « Action Asie », les thématiques abordées ont été nombreuses.<br />
Beaucoup de films d’action - d’époque ou situés<br />
dans l’Asie urbaine d’aujourd’hui - mais aussi des films plus<br />
lents qui observent de près la vie quotidienne, loin de tout<br />
exotisme. Beaucoup de destins de femmes qui se battent<br />
pour survivre comme la Mongole Tuya - « Le mariage de<br />
Tuya » - menacée par l’alcoolisme de ses hommes dans<br />
un décor immense, la Chinoise malaisienne Ah Ping entraînée<br />
par l’amour vers la prostitution - « Love conquers<br />
all», passionnant premier film de Tan Chui Mui (2006) - , la<br />
Chinoise Qian Yehong, prise dans les mailles de l’histoire<br />
chinoise entre 1977 et 1987 - « Teeth of love », premier<br />
film de Zhuang Yuxin (2006)- ou encore la jeune japonaise<br />
Eriko dans « route 225 » de Nakamura Yoshihiro, qui bascule<br />
dans l’adolescence et ses errances. A noter que dans<br />
ces films d’auteurs, les destins individuels sont toujours<br />
placés dans un contexte social qui l’explique, sans le définir<br />
entièrement. Parfois, même, comme dans l’excellent<br />
«Syndromes and a century » du Thaïlandais Apichatpong<br />
Weerasethakul (2006), la beauté formelle des images et<br />
leur symbolisme permet de saisir de l’intérieur les mutations<br />
d’un pays basculant d’une vie baignée dans une<br />
douceur tropicale à une urbanisation déshumanisante. Ce<br />
film a d’ailleurs remporté le « Lotus d’or 2007 », décerné<br />
par le Jury présidé par Benoît Jacquot. Le « prix du Jury »<br />
a été attribué à « King and the Clown » de Lee Jun-ik, un<br />
film historique qui a attiré en Corée plus de 12 millions de<br />
spectateurs. Cette superproduction située vers 1500 retrace<br />
une histoire d’amour homosexuel dans le monde du<br />
théâtre et de la cour impériale. « Ad-Lib Night » du Coréen<br />
Lee Yoon-ki a reçu le « prix de la critique » et « Dog Bite<br />
Dog », du cinéaste hongkongais Soi Cheang a remporté la<br />
« compétition Action Asia » .<br />
Des cinémas asiatiques<br />
Pour Bruno Barde, directeur du festival, il est difficile de<br />
parler en général du cinéma asiatique : « Il y autant de cinémas<br />
asiatiques qu’il y a de pays, de régions voire de villes.».<br />
Le festival va chercher les films qu’il présente sur les<br />
grands marchés du cinéma mais aussi, de plus en plus, reçoit<br />
des propositions spontanées et suit la carrière de jeunes<br />
auteurs comme la Chinoise Li Yu, 33 ans, lauréate l’année<br />
dernière avec « Dam street » et revenue cette année<br />
avec l’execellent : « Lost in Beijing » . « Nous avons voulu<br />
faire de Deauville une véritable capitale culturelle avec des<br />
festivals consacrés aux deux plus importants cinémas du<br />
monde aujourd’hui: le cinéma asiatique et américain, explique<br />
Bruno Barde. Les Etats-Unis ont conquis le monde<br />
avec leur culture. L’Asie a plutôt envie de se dénuder que<br />
de conquérir.»<br />
Aux yeux du cinéphile et de l’amoureux de l’Asie, la cuvée<br />
2007 a montré la maturité d’un cinéma en plein essor<br />
dans l’ensemble de la zone. Les films d’auteurs, en prise<br />
directe avec les problématiques sociales et esthétiques de<br />
leur temps, témoignent d’une grande subtilité d’analyse.<br />
Pour combattre les clichés sur l’Asie, il est urgent de venir<br />
se plonger dans son cinéma d’auteur. •<br />
Anne Garrigue<br />
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