2.4. Indépendance et relations de travail postcolonia<strong>le</strong>sLa décolonisation en 1968, et la rupture qui s’ensuivit entre <strong>le</strong> gouvernementindépendant de Macías Nguema et l’ancienne métropo<strong>le</strong>, se traduisirent parl’effondrement d’une grande partie de l’économie colonia<strong>le</strong>, caractérisée parson extrême dépendance. Le gouvernement espagnol élimina <strong>le</strong>s prix préférentielset <strong>le</strong>s bénéfices à l’importation des produits guinéens 73 . Les grandspropriétaires espagnols abandonnèrent <strong>le</strong>urs exploitations agrico<strong>le</strong>s et de bois,qui furent nationalisées et occupées par <strong>le</strong>s nouveaux hommes forts du pays.Le démantè<strong>le</strong>ment de la précaire infrastructure économique héritée de l’époquecolonia<strong>le</strong> donna lieu à une période de vertigineuse décadence économique, d’iso<strong>le</strong>mentet d’autarcie qui, secondée par la répression politique dont fit preuve<strong>le</strong> nouveau gouvernement, affecta gravement l’activité économique des citoyens,en particulier des petits producteurs, qui s’étaient fait <strong>le</strong>ur place sur <strong>le</strong>marché colonial. Avec <strong>le</strong> plongeon de l’économie d’exportation, la majorité dela population se tourna vers une agriculture de subsistance basée sur <strong>le</strong> travailfamilial, qui s’est perpétuée jusqu’à l’époque actuel<strong>le</strong>, malgré la transformationéconomique expérimentée avec l’apparition de nouvel<strong>le</strong>s ressources minéra<strong>le</strong>sdans <strong>le</strong>s années quatre-vingt-dix.Le régime postcolonial établit un système politique de parti unique, d’inspirationmarxiste-maoïste, appelé précisément Parti Unique National des Travail<strong>le</strong>urs(PUNT). Le travail était considéré <strong>com</strong>me <strong>le</strong> premier devoir et obligation de toutcitoyen, sans contrepartie quel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> soit et avec, pour justification, que “<strong>le</strong>travail créateur et révolutionnaire” rehausse la dignité de l’homme. Dans cecontexte, toute sorte de revendication quant aux conditions de travail était “contre-révolutionnaire,subversive et propre des ennemis de la patrie”.L’activité des entreprises était en veil<strong>le</strong>use, sauf pour une poignée de modestes<strong>com</strong>pagnies de construction espagno<strong>le</strong>s de la fin de l’ère colonia<strong>le</strong>, et s’employantfondamenta<strong>le</strong>ment à des travaux publics et d’extraction de bois. Lereste de la médiocre activité d’entreprises était aux mains de l’État, <strong>com</strong>me <strong>le</strong>sentreprises nationa<strong>le</strong>s de <strong>com</strong>merce qui, utilisant des cartes de rationnement,vendaient des artic<strong>le</strong>s importés <strong>com</strong>me des vêtements, boissons, appareilsé<strong>le</strong>ctroménagers ou vélos; l’entreprise nationa<strong>le</strong> des transports, avec une flotted’autocars qui assuraient <strong>le</strong>s trajets entre <strong>le</strong>s têtes de district; ou l’entreprisenationa<strong>le</strong> du pétro<strong>le</strong>, qui vendait des produits dérivés.Travail<strong>le</strong>r dans la fonction publique ou dans une entreprise nationa<strong>le</strong> était réservéà quelques privilégiés. Pourtant, ces travail<strong>le</strong>urs n’avaient aucune garantiede <strong>le</strong>urs droits de travail, ni même de percevoir un salaire régulièrement, et ils73 ABAGA, 1997.35
pouvaient passer de longs mois sans <strong>le</strong>urs avoirs. Tout acte de protestationétait considéré <strong>com</strong>me une activité subversive et puni d’emprisonnement sinedie. Qui plus est, <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs des entreprises nationa<strong>le</strong>s n’avaient pas laliberté de résilier <strong>le</strong>ur contrat de travail sans cause justifiée.En 1975, tous <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs nigérians furent expulsés des plantations decacao qui existaient encore dans l’î<strong>le</strong>, et partiel<strong>le</strong>ment remplacés par une maind’œuvre importée à la force de Río Muni et de l’î<strong>le</strong> d’Annobon. Chaque villageet chaque famil<strong>le</strong> du continent étaient alors tenus d’envoyer dans l’î<strong>le</strong> un quotade travail<strong>le</strong>urs pour sauver la récolte de cacao, ce qui fit resurgir <strong>le</strong> trafic despersonnes d’époques passées. S’ils ne se présentaient pas spontanément, ilsétaient détenus et transférés de force de <strong>le</strong>ur village vers <strong>le</strong>s plantations decacao de l’î<strong>le</strong>; ces ouvriers n’avaient droit à aucun salaire et ne recevaient qu’unemaigre portion alimentaire. Sans assistance médica<strong>le</strong> ni d’autre type et sansparents ou connaissances auxquels recourir pour survivre, ces bagnards ducacao en étaient réduits à vo<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s propriétés des habitants de l’î<strong>le</strong>,devant l’impuissance de ces derniers, qui n’avaient aucune instance à laquel<strong>le</strong>dénoncer <strong>le</strong>s “travail<strong>le</strong>urs révolutionnaires”, <strong>com</strong>me on <strong>le</strong>s appelait à cette époque.Ces personnes ne pouvaient pas retourner dans <strong>le</strong>urs villages et dans descas exceptionnels seu<strong>le</strong>ment, ils obtenaient une autorisation de déplacementou “créance”.Les conditions de travail étaient similaires dans <strong>le</strong> secteur de la construction,notamment sur <strong>le</strong>s chantiers de certaines infrastructures, <strong>com</strong>me pour la construction,par exemp<strong>le</strong>, de la centra<strong>le</strong> hydroé<strong>le</strong>ctrique de Bikomo, où <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>ursguinéens percevaient à peine, et de manière irrégulière, un salaire de3000 bikwe<strong>le</strong>, qui <strong>le</strong>ur suffisait juste pour manger pendant cinq jours.Tous <strong>le</strong>s samedis, <strong>le</strong>s fonctionnaires publics et la population en général devaientse prêter à des tâches publiques, <strong>com</strong>me <strong>le</strong> nettoyage de l’herbe des rues (ou“désherbage des vil<strong>le</strong>s”). Quel<strong>le</strong> que soit l’heure et n’importe où, <strong>le</strong>s agents de lasécurité pouvaient arrêter <strong>le</strong>s gens et <strong>le</strong>s forcer à des travaux de nettoyage.L’institution du travail forcé gratuit et généralisé avait un nom; on “travaillait pour <strong>le</strong>PUNT”. À part ce travail forcé généralisé, <strong>le</strong>s prisonniers du pénitentier central deBlack Beach étaient employés, sans rémunération aucune, à des travaux publics,au nettoyage des vil<strong>le</strong>s ou dans <strong>le</strong>s propriétés de l’État et <strong>le</strong>s plantations privéesd’aliments des maîtres du régime, pour travail<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> cacao.L’indépendance eut, on <strong>le</strong> constate, une profonde répercussion sur l’économie et<strong>le</strong>s relations de travail issues de l’époque colonia<strong>le</strong>. Toutefois, au lieu de transformer<strong>le</strong> caractère despotique de ces relations, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s exacerba au maximum,<strong>le</strong>s faisant recu<strong>le</strong>r jusqu’aux temps de la plus cruel<strong>le</strong> exploitation colonia<strong>le</strong>.C’était une époque où la règ<strong>le</strong> était <strong>le</strong> travail forcé et son exception, <strong>le</strong> travailvolontaire et librement choisi.36
- Page 1 and 2: TRAVAIL ETlibERTÉSsYNDICALES eNGui
- Page 4 and 5: TRAVAIL ET LIBERTÉS SYNDICALESEN G
- Page 6: TABLE DES MATIÈRESPrésentation .
- Page 9: Guinée a fini par ratifier - en 20
- Page 12 and 13: ABRÉVIATIONSACPAECIAIASDBEACCCACCO
- Page 14: INTRODUCTIONL’objet de cette étu
- Page 17 and 18: syndicale des petits Paysans (OSPA)
- Page 19 and 20: “sauf celles que la loi établira
- Page 21 and 22: dans l’enseignement secondaire, e
- Page 23: D.2. Travail et genreLa main d’œ
- Page 26 and 27: ENSEIGNEMENTLe système d’enseign
- Page 28: démocratique de l’opposition pol
- Page 31 and 32: de braceros rencontra une résistan
- Page 33: que les premiers pouvaient être ob
- Page 39 and 40: inaliénable mais comme un devoir i
- Page 41 and 42: 1993, le Pacte national réunit le
- Page 43 and 44: ses recommandations 80 . Tout cela
- Page 45 and 46: démontrent le manque de volonté p
- Page 47 and 48: autres personnes morales sont assuj
- Page 49 and 50: exceptions admettant le travail à
- Page 51 and 52: Les subsides ou aides légalement r
- Page 53 and 54: LOI 5/1999 DE RÉGLEMENTATION DES A
- Page 55 and 56: À l’instar de ce que nous avons
- Page 57 and 58: CEACR, qui s’enquiert des gestion
- Page 59 and 60: Les effets de la production du pét
- Page 61 and 62: contre la population et les procès
- Page 63 and 64: sont des hommes), travaillaient dan
- Page 65 and 66: autant, ce pourcentage continue à
- Page 67 and 68: SEGESA y ENERGE, compagnies de dist
- Page 69 and 70: émigrer 116 D’autre part, les mu
- Page 71 and 72: comme la SONAVI, entreprise qui mon
- Page 73 and 74: De leur côté, les travailleurs du
- Page 75 and 76: Les mécanismes de solution de conf
- Page 77 and 78: foyer). Les principaux problèmes a
- Page 79 and 80: comme le Cameroun, à travers ces m
- Page 81: Avec le gouvernement formé par Obi
- Page 85 and 86:
être facilitée par son caractère
- Page 87 and 88:
L’UST, malgré son caractère cla
- Page 89 and 90:
Witness cherche à mettre en évide
- Page 91 and 92:
des obligations de la banque en ce
- Page 94 and 95:
CONCLUSIONSLa situation des droits
- Page 96 and 97:
PROPOSITIONSs’adressant à la sol
- Page 98 and 99:
CHRONOLOGIE1850-1880 Début de la p
- Page 100 and 101:
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES DOCUMENTAI
- Page 102 and 103:
COOPER Frederick, Africa since 1940
- Page 104 and 105:
International Alert Conference Livi
- Page 106:
www.ccoo.es/pazysolidaridad