APP-RENTIS-SAGESATELIERORTHOGRAPHEOrthographeOn refonde !« On peut continuer à compter <strong>le</strong>s fautes ou avoir une approche qualitative, on peut évaluer <strong>le</strong>smanques ou bien me<strong>sur</strong>er <strong>le</strong>s acquis. On peut ne voir que <strong>le</strong>s programmes ou bien partir desélèves. On peut faire de la norme orthographique un point de départ ou au contraire un but àatteindre ». Daniè<strong>le</strong> Cogis sort <strong>le</strong> débat orthographique du café du commerce pour <strong>le</strong> replacerau cœur de la recherche. El<strong>le</strong> nous invite à un nécessaire changement de pratique, possib<strong>le</strong>pour peu qu’il soit accompagné.12 e UNIVERSITÉ D’AUTOMNE DU SNUIPP - 26-27-28 OCTOBRE 201236q La formation, sans faute !des supports telsque la dictée, <strong>le</strong>senseignants nesavent pas légitimer«Sur<strong>le</strong>urs pratiques quidépendent beaucoup de la façon dont ilsont appris eux-mêmes. L’enjeu de la formationest donc d’importance.» HervéBaud, IEN, introduit la conférence deDaniè<strong>le</strong> Cogis, conviée dans l’Ain pourprolonger la formation des formateurs dudépartement. « Les démarches en orthographesont en retard quand on <strong>le</strong>s compareaux maths avec la résolution deproblèmes ou aux sciences avec ladémarche d’investigation» poursuit l’inspecteurdevant la trentaine de formateursprésents, IEN, CPC et PEMF. « Cette formationnous fait du bien, el<strong>le</strong> nous confortedans l’idée qu’il faut s’attacher aux notionsclés et partir des élèves, si on veut qu’il yait apprentissage, confie une CPC, mais ily a <strong>sur</strong> <strong>le</strong> terrain une demande forte deprogrammations, de planification pour êtresûr de répondre aux demandes de l’institution.»Une collègue poursuit « si <strong>le</strong>s inspecteurss’inscrivent dans la démarche,cela permet plus faci<strong>le</strong>ment de mettre àdistance cette pression des programmeset des progressions. C’est important pournous <strong>sur</strong>tout avec <strong>le</strong>s enseignants débutants».La formation implique un réaménagementde la prescription, la cohérenceentre <strong>le</strong>s formateurs semb<strong>le</strong> l’autoriser. Unautre conseil<strong>le</strong>r confirme « Dans notre circonscription,ça marche. Suite au stage del’année dernière <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s ateliers de négociationgraphique, des équipes entières sesont engagées. El<strong>le</strong>s expérimentent et onpeut <strong>le</strong>s accompagner.»
« L’apprentissage, pas l’obéissance »12 eUNIVERSITÉd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Refonder l’orthographe,c’était aussi l’objectif duprécédent ministre del’éducation nationa<strong>le</strong> ?D. C. Oui mais cette circulaire secontentait de recommander « unenseignement explicite et progressifde l’orthographe » ainsiqu’ « une attention permanente »à cel<strong>le</strong>-ci. Mais c’est ce que fonttous <strong>le</strong>s enseignants ! De plus, <strong>le</strong>dépliant qui l’accompagnait proposait« quelques pistes d’exercicesuti<strong>le</strong>s », dans <strong>le</strong> désordre, enfaisant l’impasse <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s nombreusespistes de travail issuesdes recherches de ces 20 dernièresannées en France et ail<strong>le</strong>urs.On était loin d’une réformeen profondeur de l’enseignementde l’orthographe.Pourtant, il y a urgence,vous avez-vous-mêmepointé la baisse de niveaudes élèves.D. C. Oui mais la baisse de niveaune signifie pas une baisse de l’apprentissage: l’éco<strong>le</strong> fait encoreapprendre et <strong>le</strong>s élèves progressenttoujours au <strong>cours</strong> de <strong>le</strong>urscolarité. Il faut tenir compte d’uncontexte diffici<strong>le</strong> : <strong>le</strong>s missions del’éco<strong>le</strong> se multiplient, <strong>le</strong>s exigencessont plus fortes, ondemande aux élèves d’écrirecomme des professionnels alorsque <strong>le</strong> volume horaire du françaisa diminué. Comme <strong>le</strong> dit PierreEncrevé, « on voudrait qu’on fasseaussi bien que <strong>le</strong>s autres alorsqu’on a l’orthographe la plus diffici<strong>le</strong>au monde et aussi bienqu’avant alors qu’on a deux foismoins de temps pour <strong>le</strong> faire ».Pour refonder l’orthographe, ilfaut rompre avec <strong>le</strong> cadre de lafaute. Mais on commente toujours<strong>le</strong>s résultats des élèves par l’irréf<strong>le</strong>xionet la négligence : entre lafaute et la norme il n’y a rien, cequi revient à faire l’impasse <strong>sur</strong>l’apprentissage. Pourquoi cettedifférence entre <strong>le</strong>s sciences etl’orthographe qui, el<strong>le</strong>, n’est pasDaniè<strong>le</strong> CogisDaniè<strong>le</strong> Cogis est chercheuse en linguistique au laboratoire MoDyCo del’Université de Paris Ouest. El<strong>le</strong> a été maître de conférences en sciencesdu langage à l’IUFM de Paris (Université de Paris Sorbonne). El<strong>le</strong>poursuit des recherches <strong>sur</strong> l’acquisition et l’apprentissage del’orthographe, <strong>sur</strong> <strong>le</strong> niveau orthographique des élèves, ainsi que <strong>sur</strong> <strong>le</strong>sdémarches didactiques innovantes et <strong>le</strong>ur appropriation par <strong>le</strong>senseignants. Derniers ouvrages parus : Comment enseignerl’orthographe aujourd’hui (Hatier 2011) avec Catherine Brissaud,Orthographe, à qui la faute ? (ESF 2007) avec Daniè<strong>le</strong> Manesse,Pour enseigner et apprendre l’orthographe (Delagrave 2005).considérée comme un objet deformation ? On considère l’erreurcomme un indice du niveau deconceptualisation en maths, maispas en orthographe.Il faut donc modifier notrereprésentation del’orthographe ?D. C. Nous devons en effet adopterune autre perspective centrée <strong>sur</strong>l’acquisition et l’apprentissage etpas <strong>sur</strong> l’obéissance. C’est-à-diretravail<strong>le</strong>r l’orthographe commeun système en étudiant prioritairementses régularités. Ensuitetravail<strong>le</strong>r « <strong>le</strong> mur invisib<strong>le</strong> desconceptions orthographiques»en permettant qu’el<strong>le</strong>s s’expriment.Enfin travail<strong>le</strong>r l’intégrationde l’orthographe à la productiond’écrits. Il faut en finir avec <strong>le</strong>modè<strong>le</strong> traditionnel : <strong>le</strong>çon,exemp<strong>le</strong>, règ<strong>le</strong>, exercices, dictée,correction. On compte <strong>le</strong>s fauteset on recommence parce que çane marche pas sans remettre encause <strong>le</strong> postulat de départ. Ondoit travail<strong>le</strong>r mieux dans un cadrehoraire qui a diminué . Des dispositifsinnovants existent.Lesquels ?D. C. Dans <strong>le</strong>s recherches didactiquesde ces dernières années, ily a des convergences fortes <strong>sur</strong><strong>le</strong>s principes et <strong>le</strong>s activités à promouvoir.D’abord <strong>le</strong> fait de différentier<strong>le</strong>s connaissances et <strong>le</strong>urmise en œuvre : si un élève ne metpas un « s » au pluriel, cela nesignifie pas qu’il ne connait pas larèg<strong>le</strong>. S’il écrit « ont va aucinéma », ce n’est pas parce qu’il« Des dispositifsinnovants »a confondu avec <strong>le</strong> verbe avoirmais parce qu’il pense que « on »c’est plusieurs et au pluriel on meto-n-t. La réf<strong>le</strong>xion méta linguistiquedoit donc occuper une placecentra<strong>le</strong>. Il ne suffit pas de répéterpour comprendre. Les recherchesmontrent encore l’intérêt des activitésde résolution de problèmes.El<strong>le</strong>s insistent <strong>sur</strong> la durée, l’intensitéet la répétition nécessairesdans <strong>le</strong>s activités orthographiques.Enfin, el<strong>le</strong>s préconisentde partir soit de la norme soit desécrits spontanés des élèves et de<strong>le</strong>s confronter.Des exemp<strong>le</strong>s ?D. C. Dans la « phrase dictée dujour », après la dictée et <strong>le</strong> recueildes différentes graphies, <strong>le</strong>sélèves vont débattre <strong>sur</strong> un mot.Le but est de permettre auxélèves de dire et s’entendre direcomment ils ont fait, pour qu’ilsprennent conscience de <strong>le</strong>ursprocédures et en évaluent <strong>le</strong>bienfondé. C’est un temps capital.La difficulté pour l’enseignantest de ne pas donner la réponse,ne pas valider tout de suite.Ensuite la classe échange pourélaborer la norme et on introduitla notion de preuve. Dans la« phrase dictée donnée », il y adictée, re<strong>le</strong>cture et correctionpersonnel<strong>le</strong>, puis confrontationavec la phrase normée écrite autab<strong>le</strong>au. L’élève doit justifier lanorme avant la formalisation.Nous avons maintenant desétudes qui montrent que <strong>le</strong>s progrèssont accentués avec ces dispositifs.Les difficultésorthographiques persistent maisdavantage d’élèves franchissentdes étapes. On peut donc gagneren se remobilisant <strong>sur</strong> l’enseignementde l’orthographe.Propos recueillis par A<strong>le</strong>xis Bisserkine37APP-RENTIS-SAGES