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Lire le Fenêtres sur cours n°375 (Spécial Université d ... - SNUipp

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« La vio<strong>le</strong>nce vient toujours nousconfronter au langage »12 eUNIVERSITÉd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Pourquoi vous êtes-vousintéressé particulièrementaux vio<strong>le</strong>nces conjuga<strong>le</strong>s ?É. D. Avant d’enseigner à l’éco<strong>le</strong>nationa<strong>le</strong> de la magistrature, j’aiété tour à tour juge des enfants,juge aux affaires familia<strong>le</strong>s, jugeau tribunal correctionnel. Danschacune de ces fonctions, j’ai prisconscience de la fréquence trèsimportante des situations de vio<strong>le</strong>nceconjuga<strong>le</strong>. Au moins 30 %des dossiers qui m’ont été soumisen tant que juge des enfants, qu’ilsaient trait à l’assistance éducativeou à la délinquance des mineursrelèvent de la vio<strong>le</strong>nce conjuga<strong>le</strong>.En faisant quelques recherches, jeme suis aperçu que, particulièrementen France, l’impact des vio<strong>le</strong>ncesconjuga<strong>le</strong>s était assez peupris en considération et j’ai euenvie d’en savoir plus pour mieuxadapter ma pratique professionnel<strong>le</strong>.À partir de quel niveaupeut-on par<strong>le</strong>r de vio<strong>le</strong>nceconjuga<strong>le</strong> ?É. D. Les vio<strong>le</strong>nces conjuga<strong>le</strong>s sontde plusieurs formes : physiques,psychologiques, sexuel<strong>le</strong>s ou économiques.Comme toute forme devio<strong>le</strong>nce, il s’agit d’un modè<strong>le</strong>appris car la vio<strong>le</strong>nce n’est pasnaturel<strong>le</strong> mais culturel<strong>le</strong>. Les vio<strong>le</strong>ncesconjuga<strong>le</strong>s s’inscriventdonc dans des rapports de genreinégalitaires entre <strong>le</strong>s hommes et<strong>le</strong>s femmes. Il me semb<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong>sdoivent être pensées comme unrapport de force : la vio<strong>le</strong>nce est unmoyen utilisé par un sujet pourobtenir <strong>le</strong> pouvoir <strong>sur</strong> un autre. Sion ne part pas de là en matière devio<strong>le</strong>nce conjuga<strong>le</strong>, on va se heurterà des diversions successivespour la dénier : ce pourra être « el<strong>le</strong>l’a bien cherché » ou « c’est culturel» ou bien « l’homme est vio<strong>le</strong>ntphysiquement mais la femme l’estde façon beaucoup plus pernicieuseet ça ne se voit pas » ouencore « pourquoi el<strong>le</strong> reste ? ». Ilfaut évacuer toutes ces diversionsÉdouard DurandMagistrat depuis 2004, Édouard Durand a exercé à Aix-en-Provence,puis comme juge à Marseil<strong>le</strong>, exerçant <strong>le</strong>s fonctions de juge des enfantset de juge aux affaires familia<strong>le</strong>s Il est aujourd’hui. détaché commeenseignant à l’Éco<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong> de la magistrature pour <strong>le</strong>s fonctions dejuge des enfants. Édouard Durand est l’auteur d’ouvrages <strong>sur</strong> <strong>le</strong> droit dela famil<strong>le</strong> dont <strong>le</strong> dernier paru aux éditions Esprit en mai 2012 : « Laplace du père ».car <strong>le</strong>s études montrent que <strong>le</strong>svio<strong>le</strong>nces conjuga<strong>le</strong>s ont <strong>sur</strong> lamère et <strong>le</strong>s enfants des impactstraumatiques considérab<strong>le</strong>s.C’est un sujet diffici<strong>le</strong> àaborder sereinementÉ. D. Pour <strong>le</strong> professionnel, cela supposedéjà se confronter à l’intimitéfamilia<strong>le</strong> et à ses propres représentationsdu coup<strong>le</strong> et de lafamil<strong>le</strong>. Il doit aussi al<strong>le</strong>r contre lapeur de chacun face à la vio<strong>le</strong>nceet face à la réponse qu’il doit luidonner. C’est peut-être cette peurqui conduit à une forme de dénique certains auteurs ont pu qualifierde complicité institutionnel<strong>le</strong>.Les juges ne sont pas <strong>le</strong>sseuls professionnelsconfrontés à ces situations ?É. D. Non, <strong>le</strong>s questions que seposent <strong>le</strong>s juges peuvent intéresser<strong>le</strong>s thérapeutes, <strong>le</strong>s éducateurset <strong>le</strong>s assistants sociaux du champde la protection de l’enfance maisaussi <strong>le</strong>s enseignants. Pour <strong>le</strong> juge,<strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces conjuga<strong>le</strong>s peuventêtre identifiées et révélées aumoment d’une plainte mais trèssouvent il y est confronté à partirdes conséquences <strong>sur</strong> <strong>le</strong> développementdes enfants. Cette dernièresituation concerne aussi <strong>le</strong>senseignants. Il faut donc s’interroger<strong>sur</strong> <strong>le</strong>s signes de l’expositiondes enfants à la vio<strong>le</strong>nce conjuga<strong>le</strong>.Comment <strong>le</strong>urs comportements,<strong>le</strong>urs apprentissages, <strong>le</strong>ssymptômes de souffrance somatico-psychiquespeuvent être desindicateurs de cette exposition.Comment repérer cessignes ?Il y a des signes spécifiques quisont associés au syndrome de«Au moins 30 % desdossiers qui m’ont étésoumis en tant que jugedes enfants relèvent dela vio<strong>le</strong>nce conjuga<strong>le</strong> »stress post-traumatique : cauchemars,réminiscences, penséesenvahissantes... et puis des signesnon spécifiques. Certains relèventd’atteintes à soi-même commel’énurésie, la dépression, d’autressont dirigés vers l’extérieurcomme l’agitation, l’incapacité àse concentrer, <strong>le</strong> refus de reconnaîtrel’autorité d’une femme...Pour un juge comme pour unenseignant, c’est essentiel desavoir analyser ces phénomèneset faire <strong>le</strong> lien avec <strong>le</strong> contexte devie de l’enfant.Comment peuvent intervenir<strong>le</strong>s enseignants ?É. D. Il me paraît essentiel que <strong>le</strong>senseignants et <strong>le</strong>s autres professionnelsqui travail<strong>le</strong>nt avec <strong>le</strong>senfants puissent réfléchir enéquipe lorsqu’ils sont confrontésà ces situations. Il est <strong>sur</strong>toutimportant qu’ils comprennent <strong>le</strong>fonctionnement du phénomènedes vio<strong>le</strong>nces conjuga<strong>le</strong>s et sesressorts. En termes d’action, cequi me semb<strong>le</strong> prioritaire, c’est denommer <strong>le</strong> fait. La vio<strong>le</strong>nce vienttoujours nous confronter au langage. Si la vio<strong>le</strong>nce n’est pas désignéepar un tiers, il est impossib<strong>le</strong>de la penser et donc d’entrevoird’autres possibilités. Il faut doncdans la me<strong>sur</strong>e du possib<strong>le</strong>, utiliser<strong>le</strong>s instances qui permettentde dialoguer avec <strong>le</strong>s enfants et<strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong> pour parvenir à nommer<strong>le</strong>s faits. L’éco<strong>le</strong> a, en cedomaine, un rô<strong>le</strong> majeur de préventionet d’éducation comme <strong>le</strong>prévoit la loi du 9 juil<strong>le</strong>t 2010. *propos recueillis par Philippe Miquel*LOI n° 2010-769 du 9 juil<strong>le</strong>t 2010 relativeaux vio<strong>le</strong>nces faites spécifiquement auxfemmes79ENFANTETSOCIÉTÉ

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