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Lire le Fenêtres sur cours n°375 (Spécial Université d ... - SNUipp

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« Une image d’eux-mêmes dégradée »12 eUNIVERSITÉd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Qui sont <strong>le</strong>s « incasab<strong>le</strong>s » ?J. Y. B. Ce sont des jeunes quimettent en difficulté de façonrécurrente <strong>le</strong>s institutions et <strong>le</strong>sprofessionnels censés <strong>le</strong>s prendreen charge. Au début des années2000, l’Observatoire national del’enfance en danger a lancé unappel à projet de recherche <strong>sur</strong><strong>le</strong>s jeunes à difficultés multip<strong>le</strong>set <strong>le</strong> CEDIAS a été l’une des troiséquipes retenues.Quel<strong>le</strong> est la nature del’étude que vous avezmenée ?J. Y. B. Le premier objectif était deréaliser un travail exhaustif auprèsde tous ceux qui interviennentauprès de l’enfance en danger :Aide socia<strong>le</strong> à l’enfance, protectionjudiciaire de la jeunesse, professionnelsdu secteurmédico-social, enseignants. Il afallu avec eux définir de façonprécise <strong>le</strong> profil de ces jeunes ensituation d’« incasabilité » enexcluant tout ce qui pouvait êtrediscutab<strong>le</strong>. Nous avons circonscritnotre champ d’investigation àdeux départements d’une populationpratiquement équiva<strong>le</strong>nte(1 million 300 000 habitants) <strong>le</strong>Val de Marne et <strong>le</strong> Val d’Oise.Qu’y avez vous constaté ?« Plus de 80% desenfants ciblés avaientsubi un traumatismegrave »Jean-Yves BarreyreJean-Yves Barreyre est sociologue, directeur du CEDIAS (Centred’études, de documentation, d’information et d’action socia<strong>le</strong>s) etresponsab<strong>le</strong> du pô<strong>le</strong> « Études, Recherches et Observation » del’association nationa<strong>le</strong> des centres régionaux d’études et d’animation<strong>sur</strong> <strong>le</strong> handicap et l’insertion. Il est l’auteur de Évaluer <strong>le</strong>s besoins despersonnes en action socia<strong>le</strong> (avec C. Peintre), 2006, Dunod et de Élogede l’insuffisance. Les configurations socia<strong>le</strong>s de vulnérabilité (à paraître).J. Y. B. Nous avons re<strong>le</strong>vé un nombrecomparab<strong>le</strong> de situations, entre42 et 45 par département. Celapeut semb<strong>le</strong>r très peu mais quandon prend en compte l’argentpublic mobilisé et <strong>sur</strong>tout la préoccupationque cela représentepour <strong>le</strong>s personnes concernées,c’est considérab<strong>le</strong>. Une populationde professionnels assiste auxsouffrances d’un enfant pour <strong>le</strong>squelsils sont inefficaces et développeun sentiment de culpabilitéet d’échec.Comment expliquer cetéchec ?J. Y. B. Nous avons travaillé <strong>sur</strong> l’hypothèseque <strong>le</strong>s professionnels neconnaissent pas <strong>le</strong> par<strong>cours</strong> desenfants. Leur formation et <strong>le</strong>ur discipline<strong>le</strong>ur laissent supposer que<strong>le</strong>s quelques informations dont ilsdisposent suffisent pour donnerdu sens à <strong>le</strong>ur action. Noussommes allés chercher tous <strong>le</strong>séléments du par<strong>cours</strong> de vie dechaque enfant en explorant <strong>le</strong>sdonnées venant des professionnels,des parents, des jeunes euxmêmespour construire une gril<strong>le</strong>biographique. Le principal enseignementde ce travail, c’est <strong>le</strong>constat que plus de 80 % desenfants ciblés avaient subi un traumatismegrave (arrachement,mort, rejet, vio<strong>le</strong>nces physiquesimportantes) et que celui-ci n’étaitpas connu des professionnels quiaccueillaient l’enfant au momentde l’enquête. Leur implication et<strong>le</strong>urs compétences ne sont pas encause mais la plupart du temps,par méconnaissance, ils ne s’attaquentpas aux véritab<strong>le</strong>s causesdes difficultés de l’enfant.Quel<strong>le</strong> serait la réponseadaptée ?J. Y. B. Il faut essayer de comprendreavec ces enfants ce qui est insupportab<strong>le</strong>,jamais exprimé et qui <strong>le</strong>sconduit à ce que j’appel<strong>le</strong> un processusd’échappement. Ce n’estpas <strong>le</strong>ur capacité d’attachementqui est en cause, mais une imaged’eux-mêmes tel<strong>le</strong>ment dégradéequ’ils sont incapab<strong>le</strong>s de rentrerdans tout projet.Comment être plus efficacedans la prise en charge deces enfants ?J. Y. B. À l’image d’autres domainescomme <strong>le</strong> handicap, cette situationcomp<strong>le</strong>xe remet en cause l’ensemb<strong>le</strong>du dispositif. La protectionde l’enfance est complètementdépassée. El<strong>le</strong> est structurée par <strong>le</strong>sme<strong>sur</strong>es : AEMO, placements... avectous <strong>le</strong>s écarts entre la prise de décisionset <strong>le</strong>ur mise en place. Onretrouve <strong>le</strong>s mêmes problèmes àl’éco<strong>le</strong> qui a <strong>le</strong> plus grand mal àgérer <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s du comportement,accepte <strong>le</strong>s élèves <strong>le</strong>s plusdoci<strong>le</strong>s quel que soit <strong>le</strong> problème etexclut <strong>le</strong>s perturbateurs. Comme laloi de 2007* a tenté de <strong>le</strong> faire, il fautchanger de paradigme. Face à desenfants particulièrement compétentspour laminer toutes <strong>le</strong>s structuresd’autorité, il faut faire tomber<strong>le</strong>s murs entre <strong>le</strong>s institutions.Chaque professionnel doit réaliserqu’il est nécessaire et insuffisant.Cela suppose une évolutiondes mentalitésJ. Y. B. Oui, cela signifie par exemp<strong>le</strong>que <strong>le</strong>s éducateurs, <strong>le</strong>s soignants,<strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs sociaux doiventpouvoir rentrer à l’éco<strong>le</strong> pour travail<strong>le</strong>ravec <strong>le</strong>s enseignants. Onpasse d’un système mécanique àun système organique capab<strong>le</strong>d’évoluer en fonction des sollicitations.Ce ne sont plus <strong>le</strong>s personnesqui doivent s’adapter à desinstitutions inamovib<strong>le</strong>s mais l’inverse.La situation devient premièrepar rapport aux institutions.Dire ça fait peur à tout <strong>le</strong> mondecar nos identités personnel<strong>le</strong>s etprofessionnel<strong>le</strong>s sont construitespar rapport à nos appartenancesaux institutions. Il nous faut êtreun adulte citoyen responsab<strong>le</strong> quia un rô<strong>le</strong> par rapport à des mineursprotégés ou à toute personne quin’a pas <strong>le</strong>s moyens de s’insérerdans la société.propos recueillis par Philippe Miquel*Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformantla protection de l’enfance77ENFANTETSOCIÉTÉ

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