ENFANTETSOCIÉTÉATELIERLAÏCITÉLaïcitéÀ l’épreuve du concretPour Michel Miail<strong>le</strong>, la laïcité est d’abord un principe constituant de la République. El<strong>le</strong> est ainsiplacée au sommet des normes régissant <strong>le</strong>s institutions. El<strong>le</strong> est d’abord une règ<strong>le</strong> de la viequotidienne. À ce titre l’éco<strong>le</strong> se trouve au cœur de ces questions. Il revient donc au présidentde la Ligue de l’enseignement de l’Hérault lors de cette 12 e université d’automne du <strong>SNUipp</strong>,d’ouvrir <strong>le</strong>s débats et de proposer des pistes concrètes dans <strong>le</strong> souci d’as<strong>sur</strong>er la paix d’unesociété partagée.12 e UNIVERSITÉ D’AUTOMNE DU SNUIPP - 26-27-28 OCTOBRE 201284q Un par<strong>cours</strong> quotidien à l’éco<strong>le</strong>Suivre <strong>le</strong> par<strong>cours</strong> d’un enfant àl’éco<strong>le</strong> permet de se rendrecompte des défis affrontés parla laïcité au quotidien. Ainsidès que l’enfant entre dans sonéco<strong>le</strong>, des questions se posent. S’il s’agitd’une fil<strong>le</strong>, par exemp<strong>le</strong>, pourra-t-el<strong>le</strong> veniravec un foulard <strong>sur</strong> la tête ? Depuis la loide 2004, cela est impossib<strong>le</strong>, mais enrevanche, l’interdiction ne concerne pasla mère qui l’accompagne. Plus globa<strong>le</strong>ment,el<strong>le</strong> s’adresse à tous <strong>le</strong>s signes religieuxquels qu’ils soient. Deuxième étape,lors de l’entrée dans la classe. Les locauxdoivent être absolument neutres et ce,depuis <strong>le</strong>s lois Ferry de 1881. « Que fairecependant avec <strong>le</strong>s arbres de Noël, quiapparaissent dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s mais aussidans nombre de services publics ? C’estmaintenant une pratique assez répandue,désolidarisée de la religion et donc acceptab<strong>le</strong>» souligne Michel Miail<strong>le</strong>. L’élève suitensuite <strong>le</strong>s <strong>cours</strong> en classe. Tout enseignementreligieux est absent de l’éco<strong>le</strong>publique à l’exception de l’Alsace Mosel<strong>le</strong>.« Mais en histoire, comme en <strong>le</strong>ttres ou ensciences naturel<strong>le</strong>s, l’enseignant doit aborder<strong>le</strong>s faits religieux objectivement c’estparfaitement dans la logique laïque ».Lorsdu sport, là encore, sauf pour des raisonsmédica<strong>le</strong>s aucune absence n’est acceptab<strong>le</strong>,même si dans certains cas, on peutimaginer des aménagements pour ne pasmettre <strong>le</strong>s enfants dans la situation derefus. « Mais tout cela doit faire l’objet dediscussion et chaque cas est un cas particulier» conclut <strong>le</strong> président de la Liguede l’enseignement de l’Hérault.
« Un défi de la vie quotidienne »12 eUNIVERSITÉd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Que représente la laïcitéaujourd’hui ?M. m. C’est fina<strong>le</strong>ment une manièrede vivre ensemb<strong>le</strong> et de manièrepacifique. En tant que présidentde la Ligue de l’enseignement enfaisant beaucoup d’activités avec<strong>le</strong>s enfants et avec <strong>le</strong>s scolairesc’est une idée que je mets enavant. Sans la laïcité, nous serionsdans une vie de conflictualitépermanente. Grâce au respectmutuel que nous accordons, nouspouvons nous par<strong>le</strong>r et échanger.C’est une acceptation de ce quequi nous différencie dans <strong>le</strong> respectmutuel.Quel<strong>le</strong> est l’évolution de lalaïcité au fil de l’histoire ?M. m. La laïcité, principe constitutionne<strong>le</strong>st devenue une règ<strong>le</strong>très consensuel<strong>le</strong>. Même s’il y ades débats et des projets de « toi<strong>le</strong>ttage», <strong>le</strong> principe n’est pasréel<strong>le</strong>ment mis en cause. Évidemment,il faut ajouter au tab<strong>le</strong>au,la présence de l’Islam qui revendiqueune visibilité longtempsoccultée. Ce n’est que tardivementque la société française apris conscience du problème.Rappelons nous que loi de 1905a été votée dans une atmosphèreextrêmement tendue et mêmevio<strong>le</strong>nte. Depuis é<strong>le</strong>vée au rangconstitutionnel, la laïcité apparaîtcomme un « totem » irrécusab<strong>le</strong>.La mise en œuvre de la loi a ététrès prudente. Le vote en 1959 dela loi Debré accorde certes dessubventions à l’éco<strong>le</strong> privée maisen même temps lui a imposé desprogrammes et <strong>le</strong>s formations demaîtres contrôlés par l’Etat. Denouveaux problèmes sontensuite apparus avec <strong>le</strong> développementde la religion musulmaneen raison du comportement dejeunes issus de l’émigration qui,à la différence de <strong>le</strong>urs parents,protestent devant l’inégalité dessituations. La situation n’est plusseu<strong>le</strong>ment confessionnel<strong>le</strong> maisproprement socia<strong>le</strong> et politique.Michel Miail<strong>le</strong>Michel Miail<strong>le</strong> est Président de la Ligue de l’enseignement de l’Heraultet professeur émérite de droit public science politique de l’Université deMontpellier 1. Il est ancien directeur du département de sciencepolitique, directeur du centre de la théorie de l’État et doyen de lafaculté de gestion enseignements en droit public et science politique.Il intervient <strong>sur</strong> la laïcité principe constituant de la République, mise audéfi de la vie quotidienne. Il prépare un petit livre de la col<strong>le</strong>ctionDALLOZ (à 3 euros) <strong>sur</strong> la Laicïté, à paraître début 2013.Quels sont <strong>le</strong>s défisauxquels el<strong>le</strong> estconfrontée ?M. m. La laïcité représente la possibilitéd’avoir un rapport pacifiqueavec celui qui est différent.Toutes <strong>le</strong>s sociétés ont rencontréce problème d’intégrer dans <strong>le</strong>ursein des gens différents. Maisaujourd’hui il y a d’autres problèmes.Pendant longtemps l’intimeconviction était organiséepar des institutions, par desc<strong>le</strong>rcs, cadrée par des conventionsexpliquant comment ondevait penser. Tout cela a volé enéclats c’est une espèce de bricolagepour reprendre un terme deLevi-strauss qui fait que chacundoit s’arranger avec sescroyances, ses rituels, sesmanières de faire et son vocabulaire.Pour <strong>le</strong>s populations en difficultéce bricolage va êtreincompréhensib<strong>le</strong>. Un exemp<strong>le</strong>,<strong>le</strong> respect d’un islam en réalitécomplètement fantasmé est, enfait, une manière de défendre uneidentité. On n’est pas très bienpréparé à cette façon dont <strong>le</strong>sgens assument <strong>le</strong>ur identité. Cesformes d’expressions ont toujoursà voir avec des conflitsmajeurs dans notre société, internationauxmais aussi avec nosconflits hexagonaux. C’est ce quela laïcité doit gérer de la manièrela plus compréhensive et la plusouverte qui soit.Comment appliquer cettecompréhension et cetteouverture dans la classe ?M. m. Il existe souvent une mauvaiseinformation des enseignants de cequ’est la laïcité. On navigue entredes clichés mal compris de la III e« Plus <strong>le</strong>s problèmessont chauds plus il fautgarder la tête froide »République. Le premier conseil estd’être au clair <strong>sur</strong> ce qui se passedans la société et <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s principesde la laïcité. Plus <strong>le</strong>s problèmessont chauds plus il faut garder latête froide. C’est un thème qui estlié à la vio<strong>le</strong>nce dans la société eton ne <strong>le</strong> résoudra pas sans comprendrepourquoi tel ou tel élèvedit tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> chose. Ce n’estqu’après avoir engagé <strong>le</strong> dialogueque l’on peut comprendre et préciser<strong>le</strong>s limites. Il faut être ferme,rien ne sert de négocier, il y a deschoses <strong>sur</strong> <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s on ne peutpas revenir, l’égalité entre l’hommeet la femme, <strong>le</strong> respect de l’autreque l’on doit à toute personnequel<strong>le</strong> que soit son origine, la cou<strong>le</strong>urde sa peau. Fermeté <strong>sur</strong> <strong>le</strong>sprincipes et ouvertures dans lamise en œuvre, on est <strong>sur</strong> labonne voie.Peut-on évoquer une« spiritualité laïque » ?M. m. Certainement car la spiritualiténe se limite pas au cerc<strong>le</strong> desreligions. En ce sens, la laïcitén’est pas une coquil<strong>le</strong> vide. El<strong>le</strong>ouvre <strong>sur</strong> des règ<strong>le</strong>s et des positions« positives » que sont <strong>le</strong>sva<strong>le</strong>urs de la République. Lemaître ne doit pas céder devantquelque forme que ce soit,d’éventuels refus de cette spiritualitélaïque. Se pose <strong>le</strong> problèmeaussi des enseignementsqui doivent aborder la questiondes religions. Il faut expliquer auxélèves ce qui différencie un enseignementlaïque fondé <strong>sur</strong> la Raisonet un enseignementdogmatique. Là encore, il ne fautpas céder pour vouloir être« neutre ». La fermeté laique doits’allier à la sagesse du dialogue,en toutes circonstances.Propos recueilliis par fabienne berthet85ENFANTETSOCIÉTÉ