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COUPE<br />
DU MONDE<br />
2022<br />
Le Villaggio Mall, centre commercial de la démesure situé dans la capitale.<br />
dans le monde entier… Exemples les<br />
plus récents, l’accord entre les États-Unis<br />
et les Talibans en Afghanistan (sous l’ère<br />
Trump, et avant le retrait chaotique de<br />
l’armée américaine sous Biden). Ou la<br />
toute récente médiation entre les factions<br />
tchadiennes. Le pays se lance aussi dans<br />
une politique d‘aide au développement<br />
assez active, par le biais du Qatar Fund<br />
for Development.<br />
CHEIKHA MOZA, UN EXEMPLE<br />
L’épouse de l’émir Hamad joue un<br />
rôle essentiel. La célèbre Cheikha Moza<br />
bint Nasser Al Missned, fille d’une grande<br />
famille réformatrice, prend sa part dans<br />
l’immense chantier de modernisation.<br />
En 1995, Cheikha Moza est à l’origine<br />
de la Qatar Foundation. Elle en fait<br />
l’épicentre et le laboratoire des projets<br />
réformistes. L’éducation devient le palier<br />
nécessaire au changement sociétal. C’est<br />
sous sa direction de la fondation que<br />
naît et grandit Education City. Elle porte<br />
souvent des caftans, avec des couleurs<br />
et de l’audace. Elle apparaît en public.<br />
Elle s’exprime, elle voyage. Elle fait<br />
reculer les tabous, « décoince » la société.<br />
Et du coup, elle entraîne avec elle une<br />
bonne partie des Qataries, portées par<br />
son exemple. Le Qatar wahhabite est un<br />
espace étonnamment féminin. Elles sont<br />
présentes dans les écoles, les universités,<br />
les entreprises, les bureaux, au gouvernement,<br />
mais aussi dans les lieux publics…<br />
On peut voir des couples le soir, dans les<br />
restaurants, ou des assemblées d’amies<br />
qui se retrouvent. Le voile prend alors<br />
des tonalités moins austères. La plupart<br />
des Qataries ont fait des études, elles sont<br />
indépendantes financièrement et ne sont<br />
pas soumises au carcan des règles rétrogrades<br />
que l’on retrouve ailleurs, comme<br />
encore en Arabie saoudite. Un mariage<br />
sur trois aujourd’hui se conclut par un<br />
divorce, un véritable phénomène de<br />
société. Cette émancipation ne fait pas<br />
que des mâles heureux dans une société<br />
qui reste dominée par de puissants codes<br />
tribaux et patriarcaux. Mais personne ne<br />
souhaite vraiment contredire l’exemple<br />
donné par Cheikha Moza et le Father<br />
Emir (« Père Émir ») Hamad… Father<br />
Emir parce que, à la surprise de tous, il<br />
renonce au trône en 2013 et transmet le<br />
pouvoir à l’un des fils issus de son deuxième<br />
mariage, Tamim, alors âgé de<br />
33 ans.<br />
La transmission tranquille, sans<br />
turbulences familiales, souligne le rôle<br />
prééminent pris par Cheikha Moza dans<br />
le processus de consolidation politique.<br />
Mais aussi la volonté d’une transition<br />
générationnelle. Le jeune Tamim se glisse<br />
assez facilement dans le costume du père,<br />
les équilibres sont préservés. Le programme<br />
ne change pas : développement<br />
économique, soft power, indépendance<br />
politique, équilibrisme diplomatique…<br />
L’objectif supérieur, transcendant, c’est<br />
de protéger l’indépendance, la souveraineté<br />
du pays, des appétits des uns et des<br />
autres. Ils ne veulent pas être prisonniers<br />
de leur situation géographique, l’Arabie<br />
saoudite dans le dos et l’Iran en face. Ils<br />
cherchent des marges de manœuvre. En<br />
multipliant les passerelles politiques et<br />
les stratégies sécuritaires. Mais aussi en<br />
investissant massivement dans les amitiés<br />
aux quatre coins du monde. Au fond,<br />
il s’agit autant de survie que d’ambition.<br />
ALAMY STOCK PHOTO<br />
38 AFRIQUE MAGAZINE I 433 – OCTOBRE 2022