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interview<br />
Philippe Faucon<br />
« Le piège<br />
s’est refermé<br />
sur les harkis »<br />
Le nouveau long-métrage<br />
de ce cinéaste engagé raconte<br />
les trajectoires et le combat<br />
des soldats autochtones<br />
au sein de l’armée<br />
française, pendant la guerre<br />
d’indépendance de l’Algérie.<br />
Une œuvre forte sur le sort<br />
complexe et douloureux<br />
de ces supplétifs, aujourd’hui<br />
encore marginalisés.<br />
propos recueillis par Astrid Krivian<br />
Pendant la guerre d’indépendance algérienne,<br />
l’armée française a recruté environ<br />
200000 supplétifs au sein des autochtones<br />
pour combattre le Front de libération nationale<br />
(FLN). Membres d’unités militaires nommées<br />
« harkas » (signifiant « mouvements » en<br />
français), ces hommes se sont engagés pour<br />
diverses raisons aux côtés des colons. Lorsque l’Algérie obtient<br />
l’indépendance en 1962, les harkis voient leur destin pris en étau :<br />
menacés de sanglantes représailles dans leur pays, car considérés<br />
comme traîtres, ils sont abandonnés par l’État français, qui<br />
refuse un rapatriement massif. Quelque 42 000 soldats (et leurs<br />
familles) sont évacués officiellement, et 40000 autres le seront<br />
par des filières clandestines. Pour ceux restés en Algérie, marginalisés,<br />
certains seront massacrés : entre 10 000 et 25000 morts<br />
selon l’historien Benjamin Stora, et entre 55 000 et 75000 selon<br />
le général et politologue Maurice Faivre. C’est cette histoire complexe,<br />
douloureuse, aujourd’hui encore épineuse, que relate le<br />
nouveau film de Philippe Faucon, Les Harkis, présenté à la Quinzaine<br />
des réalisateurs à Cannes. Suivant quatre personnages,<br />
depuis leur enrôlement en 1959 jusqu’à la fin du conflit, il plonge<br />
au cœur des opérations militaires menées par un groupe de harkis,<br />
sous les ordres d’un lieutenant. Interprété avec justesse et<br />
56 AFRIQUE MAGAZINE I 433 – OCTOBRE 2022