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Aux côtés de ses parents, Ridha et Samira, et de son époux et préparateur physique, Karim Kamoun.<br />

FRANCK SEGUIN/PRESSE SPORTS<br />

Symboliquement, ce qui est perçu comme une réussite individuelle<br />

pourrait, à un niveau collectif, redonner à la Tunisie un<br />

tant soit peu de grinta et l’envie de gagner. « Ons est un exemple,<br />

elle démontre que le collectif est gagnant : c’est depuis qu’elle est<br />

en synergie avec son équipe technique qu’elle réalise de meilleures<br />

performances », commentait l’une de ses camarades d’entraînement<br />

du club de Monastir en juillet dernier sur la chaîne<br />

El Watanya. D’autres, très pragmatiques, tentent d’évaluer ses<br />

gains en se disant que le sport à haut niveau rapporte gros en<br />

contrepartie de quelques années de sacrifice. Ils n’ont pas tort :<br />

elle a engrangé près de 4,5 millions de dollars en 2022. De quoi<br />

rendre le tennis très séduisant pour ceux qui confondent sport<br />

avec business, sans tenir compte des efforts à fournir. « Au pire,<br />

je serai entraîneur, ce qui n’est déjà pas si mal », évalue sur les<br />

terrains du club d’El Menzah un adolescent que les parents<br />

poussent vers cette discipline.<br />

Cette mordue de football et indéfectible supportrice du Real<br />

Madrid et de l’Étoile sportive du Sahel a démocratisé le tennis,<br />

notamment féminin, dans les pays maghrébins, où il est considéré<br />

comme une pratique chic, réservée à une élite de la banlieue<br />

nord de Tunis ou des quartiers huppés de Sousse. Personne<br />

n’aurait imaginé qu’un jour, on puisse suivre des tournois du<br />

Grand Chelem dans des cafés populaires. Mais celle qui a montré<br />

de la résilience et travaillé dur pour s’imposer est confrontée à<br />

un défi essentiel : celui de la course contre le temps. Il faut qu’elle<br />

se distingue et se donne toutes les chances d’arracher des titres<br />

qu’elle convoite depuis longtemps. Avec un tempérament fort,<br />

Ons doit se débarrasser de ses réflexes et vieux démons, qui se<br />

manifestent dans certains matchs et la plonge dans une sorte de<br />

passivité : « Elle réagit comme si elle s’étonnait d’être là, comme<br />

si elle considérait qu’elle n’était pas aussi légitime que ses adversaires<br />

», tente d’expliquer dans un groupe Facebook Faten Bouthour,<br />

une spécialiste du comportement. D’ailleurs, à chaque fois<br />

qu’elle a surmonté cette sorte de blocage ces dernières années,<br />

elle a exprimé un tennis flamboyant, créatif et gagnant. De ce<br />

point de vue, elle est très tunisienne dans sa gestion de match :<br />

elle alterne les passages à vide et les moments de grâce, et l’emporte<br />

quand elle ose.<br />

Certains estiment que Ons Jabeur est une gentille et citent les<br />

gestes amicaux ou les petites attentions envers ses adversaires.<br />

Celle qui admire le joueur Andy Roddick doit travailler son mental,<br />

car il est compliqué pour elle de se mettre dans la peau d’une<br />

tueuse. Mais son parcours et sa personnalité racontent l’histoire<br />

d’une championne qui a réussi, sans grands moyens, à la force<br />

de ses poignets et de volonté ; presque un conte moral à contrepied<br />

d’un monde sportif capricieux où l’argent et le vedettariat<br />

priment. « Je veux être moi-même », affirmait-elle aux médias à<br />

l’issue de l’US Open, en promettant de revenir en force. ■<br />

AFRIQUE MAGAZINE I 433 – OCTOBRE 2022 79

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