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BUSINESS<br />

Cédric Philibert<br />

CHERCHEUR ASSOCIÉ À L’INSTITUT FRANÇAIS DES RELATIONS INTERNATIONALES (IFRI)<br />

« Nous en sommes<br />

encore aux prémices »<br />

Partout sur le globe se développent des mégaprojets<br />

autour de l’hydrogène propre. Mais l’exploiter<br />

de façon rentable s’avère encore complexe, nous<br />

explique Cédric Philibert, analyste de l’énergie<br />

et du climat. propos recueillis par Cédric Gouverneur<br />

AM : Il y a deux catégories d’hydrogène,<br />

le vert et le gris. Qu’est-ce qui les différencie ?<br />

Cédric Philibert : L’hydrogène vert est produit par<br />

l’électrolyse de l’eau à partir d’énergies renouvelables<br />

[donc sans rejets carbonés, ndlr]. Le gris est quant<br />

à lui produit par « reformage » vapeur du gaz naturel<br />

à 800 degrés, ou par oxydation partielle du charbon.<br />

Une réaction chimique se produit : le méthane et l’eau<br />

vont produire de l’hydrogène… mais aussi du dioxyde<br />

de carbone (CO 2<br />

). Ce processus engendre donc des<br />

rejets carbonés en tant que matières premières, en plus<br />

des rejets résultant de la combustion du gaz naturel,<br />

qui fournit son énergie au procédé. Cet hydrogène gris<br />

dégage 800 millions de tonnes de CO 2<br />

par an dans le<br />

monde ! Il faudra donc soit le décarboner – c’est ce que l’on<br />

dénomme « hydrogène bleu », fabriqué à partir d’énergie<br />

fossile, mais dont on capture le CO 2<br />

émis lors de son<br />

élaboration –, soit le remplacer par de l’hydrogène vert.<br />

Le gris domine-t-il encore le marché ?<br />

Le vert reste en effet pour le moment très marginal.<br />

Les gros projets demeurent théoriques. L’hydrogène connaît<br />

un regain d’intérêt depuis la COP21 [qui s’est déroulée<br />

à Paris en décembre 2015, ndlr], lorsque l’on a envisagé<br />

de se diriger vers zéro émission nette de gaz à effet de<br />

serre, supposant de diviser les émissions par quatre, six<br />

ou huit. Cela change la donne : avant 2015, on envisageait<br />

surtout de décarboner le secteur de la production<br />

électrique. Il s’agit désormais d’aller beaucoup plus loin,<br />

de décarboner l’industrie, les transports… Cela implique<br />

de remplacer l’hydrogène gris par le vert – et dans<br />

certaines situations, de l’utiliser aussi comme vecteur<br />

d’énergie. La Namibie table sur 5 GW de solaire et d’éolien,<br />

dont 2 GW d’hydrogène produit par électrolyse.<br />

Depuis quand s’y intéresse-t-on ?<br />

L’idée d’utiliser l’hydrogène comme énergie est<br />

ancienne ! Son parcours rappelle celui du photovoltaïque :<br />

l’idée d’utiliser l’énergie solaire remonte au début du<br />

XX e siècle – Albert Einstein avait déjà étudié la question –,<br />

mais la première cellule photovoltaïque n’est apparue qu’en<br />

1954. Car pendant des décennies, l’énergie solaire coûtait<br />

trop cher et le processus n’était donc guère rentable – sauf<br />

en ce qui concerne des lieux trop isolés pour être raccordés<br />

au réseau électrique classique. Il a donc fallu attendre<br />

que le photovoltaïque soit subventionné par les pouvoirs<br />

publics pour que se crée, enfin, un effet d’entraînement :<br />

ces quinze dernières années, le coût du mégawattheure a<br />

été divisé par 10 ! On verra peut-être le même phénomène<br />

avec l’électrolyse productrice de dihydrogène. Mais nous<br />

en sommes encore aux prémices. L’avion à hydrogène volera<br />

en 2035… si tout va bien. À ce rythme, la flotte aérienne<br />

ne sera remplacée que vers 2050, quand la bataille contre le<br />

réchauffement climatique risque d’être déjà bien engagée.<br />

DR<br />

86 AFRIQUE MAGAZINE I 433 – OCTOBRE 2022

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