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La haine du Qatar<br />

n’est qu’une haine de soi<br />

Dans les manifestations désormais<br />

quotidiennes au pays de la<br />

« révolution du jasmin », le slogan<br />

qu’on entend de plus en plus<br />

est: « La Tunisie est libre,<br />

l’Amérique et le Qatar dehors ! » Je ne sais pas<br />

si la providence va répondre à cette revendication<br />

populaire d’une nation qui vient de découvrir<br />

sa ferveur bigote, mais il est clair que beaucoup<br />

de Tunisiens ont pris conscience du rôle<br />

crucial que ces deux États ont joué dans les événements<br />

sanglants de janvier 2011. Prise de<br />

conscience tardive d’une régression collective,<br />

qui traduit un profond ressentiment et une<br />

culpabilisation oppressante succédant logiquement à l’euphorie<br />

paroxystique de janvier 2011. La haine à l’égard<br />

de l’émirat qui a libéré les Tunisiens de leur indépendance<br />

n’a jamais atteint une telle intensité, ce qui a poussé certaines<br />

figures de l’opposition, y compris ceux qui ont été<br />

les « clients » préférés d’Al-Jazeera, à sortir de leur<br />

mutisme complice pour dénoncer à leur tour la métastase<br />

du cancer wahhabite et « l’hégémonisme bédouin ».<br />

Mieux vaut tard que jamais !<br />

Nous sommes déjà bien loin de l’époque où mes compatriotes<br />

étaient sous l’emprise totale d’Al-Jazeera, qu’ils<br />

s’abreuvaient de sa propagande islamo-révolutionnaire en<br />

obéissant aux mots d’ordre de ses présentateurs et aux fatwas<br />

de son ignoble prédicateur, Youssef Qaradaoui. Al-<br />

Jazeera n’avait pas sur l’opinion tunisienne, et arabe en<br />

général, une influence médiatique, mais un pouvoir hypnotique.<br />

Tout ce que disait cette chaîne était parole<br />

biblique, coranique plus exactement. Nous sommes loin<br />

de cette journée du 15 janvier 2011, qui restera dans la<br />

mémoire collective comme la journée de l’humiliation<br />

nationale, vécue alors dans l’hystérie populiste et la dévotion<br />

à l’égard de notre « partenaire dans la révolution »,<br />

comme l’a si bien dit Rached Ghannouchi; journée durant<br />

laquelle le drapeau d’Al-Jazeera flottait au centre de la<br />

capitale, dans l’hôtel Africa, à quelques mètres du ministère<br />

de l’Intérieur, pour le premier direct en pays conquis !<br />

Comme l’enseigne le Coran, « vous ne subissez que ce<br />

que vous avez écrit de vos propres mains », et comme le<br />

dit Omar, le compagnon du Prophète, « celui qui ignore<br />

où est l’erreur mérite d’y tomber ». Le Qatar, qu’on<br />

accuse aujourd’hui de<br />

tous les péchés d’Israël,<br />

n’a pas obligé les Tunisiens<br />

à s’autodétruire. Il<br />

les a simplement persuadés<br />

qu’ils faisaient la plus<br />

Par Mezri Haddad<br />

ancien ambassadeur<br />

et philosophe.<br />

LE WAHHABISME, CETTE SOUILLURE DE L’ISLAM,<br />

CETTE NÉCROSE DE LA CIVILISATION.<br />

Mai 2013 ● Afrique Asie<br />

D. R.<br />

grande révolution que l’humanité n’a jamais<br />

connue. Il les a convaincus qu’ils se sont<br />

détournés de l’islam, que leurs gouvernants,<br />

depuis 1956, étaient des « suppôts de l’Occident<br />

», des « agents du Mossad », des<br />

« traîtres » et des « apostats ». Il leur a promis<br />

le pardon d’Allah, la rédemption de leurs<br />

péchés, le bonheur terrestre et le paradis céleste.<br />

Il leur a promis ce qu’ils venaient de sacrifier:<br />

la souveraineté, l’honneur, la prospérité, la paix<br />

civile et, surtout, l’espoir d’une cité plus juste et<br />

résolument démocratique.<br />

La haine du Qatar aujourd’hui, exprime cette<br />

haine de soi dont Theodor Lessing avait<br />

naguère analysé les origines historiques et les ravages<br />

psychologiques. C’est le besoin compulsif de se débarrasser<br />

du poids de la culpabilité. Pas seulement d’avoir hypothéqué<br />

les acquis de cinquante-six ans d’indépendance,<br />

ruiné une économie qui était plus performante et moins<br />

corrompue que l’économie grecque, chypriote ou portugaise,<br />

annihilé une sécurité qui assurait la paix et la<br />

concorde civiles, altéré l’identité nationale d’un pays à<br />

l’histoire multiséculaire, pulvérisé des repères identificatoires<br />

proprement tunisiens, mais aussi d’avoir été les<br />

idiots utiles d’un « printemps arabe » qui parle l’arabe, qui<br />

pratique l’islam, qui consacre la démocratie, mais dont les<br />

objectifs géopolitiques sont aux antipodes de l’arabité et<br />

de l’islamité, et la finalité politique, le contraire même de<br />

la démocratie.<br />

S’élèvent d’ores et déjà des voix, en Tunisie et ailleurs,<br />

pour ruminer de vieux stéréotypes essentialistes et culturalistes<br />

: on vous l’a bien dit, les Arabes – qui seraient<br />

culturellement prédisposés à la servitude volontaire et au<br />

despotisme oriental cher à Montesquieu – ne méritent<br />

pas la démocratie. S’il est vrai qu’un peuple mûr pour<br />

l’islamisme ne peut pas être un peuple mature pour la<br />

démocratie, l’hétéronomie et l’autonomie étant radicalement<br />

et irrémédiablement antagoniques, il n’en demeure<br />

pas moins vrai que l’aspiration des Tunisiens à la démocratie<br />

était bien réelle et le besoin de liberté, un sentiment<br />

profond et irrépressible. Mais dans cette quête de la<br />

liberté, ils ne savaient pas que d’autres forces obscurantistes<br />

travaillaient à la conquête de leur esprit. Ils ne se<br />

doutaient pas qu’au cœur de l’islam malékite et quiétiste,<br />

le Qatar et l’Arabie Saou-<br />

dite œuvraient déjà à l’implantation<br />

de cette<br />

souillure de l’islam et de<br />

cette nécrose de la civilisation<br />

: le wahhabisme. ■<br />

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