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70 Économie<br />

Sénégal Avec la libéralisation de la commercialisation, les Chinois ont débarqué sur le marché<br />

de l’arachide, raflant une bonne part de la production avec des arguments sonnants et trébuchants.<br />

Les producteurs sourient, les huileries locales pleurent.<br />

Par Corinne Moncel<br />

Àen croire les trois grosses huileries<br />

industrielles du pays (1) ,<br />

c’est ni plus ni moins à la mort<br />

de la filière arachide qu’on assiste<br />

depuis le début de la campagne de commercialisation<br />

2012-2013, qui s’achève<br />

ce mois d’avril. La cause ? Le débarquement<br />

massif de nouveaux acheteurs<br />

étrangers, principalement chinois, mais<br />

aussi indiens, marocains, vietnamiens,<br />

et même russes, qui raflent une bonne<br />

part de la production sénégalaise depuis<br />

la libéralisation de l’exportation de la<br />

graine, fin 2010. La présidence avait<br />

pris cette mesure à la suite du record de<br />

production lors de la saison 2010-2011 :<br />

1,3 million de tonnes d’arachides, bien<br />

au-delà des possibilités d’achat des huiliers<br />

locaux (environ 400 000 tonnes).<br />

Une décision historique sur un marché<br />

jusque-là fermé à l’exportation – hors<br />

Union économique et monétaire ouestafricaine.<br />

◗ Achat cash<br />

La mesure trop récente et une production<br />

décevante la saison suivante<br />

(523 000 tonnes, -59 %) n’avaient pas<br />

permis aux acheteurs étrangers de se<br />

faire remarquer. Mais avec une très<br />

bonne récolte cette année (environ<br />

750 000 tonnes), on ne voit plus qu’eux<br />

dans le bassin arachidier: ils écument<br />

les campagnes pour acheter cash tout ce<br />

qu’ils peuvent. Et ils ont mis les<br />

moyens : alors que le gouvernement a<br />

fixé le prix d’achat du kilo à 190 francs<br />

CFA (un peu moins de 0,30 euro), en<br />

hausse de 8 % par rapport à l’année<br />

précédente, ils n’ont pas hésité à renchérir<br />

de 20 %, 30 %, voire 40 %, sur le<br />

prix officiel! On a ainsi vu des records<br />

à 270 francs le kilo, loin des 165 francs<br />

ayant prévalu toute la décennie d’avant<br />

la libéralisation…<br />

Le gouvernement a pourtant fait un<br />

effort cette saison pour sortir du sys-<br />

Hold-up sur les peanuts !<br />

tème de « bons » jusqu’alors en vigueur,<br />

qui permettaient aux différents opérateurs<br />

nationaux (la collecte est libéralisée<br />

depuis 2001) d’acheter la graine à<br />

crédit aux producteurs. Avec de gros<br />

scandales récurrents d’impayés. Les<br />

négociants savaient aussi attendre le<br />

bon moment pour acheter à prix bradés<br />

la récolte de paysans pris à la gorge par<br />

les besoins de liquidités (fêtes, rentrées<br />

des classes…). En lançant, en novembre<br />

dernier, l’opération Tek teggi<br />

(« devise »), les autorités ont rendu<br />

obligatoire le paiement en liquide des<br />

arachides et débloqué 42 milliards de<br />

francs CFA (62,6 millions d’euros).<br />

Les huiliers, eux, ont mobilisé 60 milliards<br />

de francs. Cela n’a pas suffi: ils<br />

ont dû surenchérir sur le prix officiel,<br />

proposant 210 francs le kilo, en réaction<br />

au rouleau compresseur des étrangers.<br />

En vain. Du coup, les usines n’ont plus<br />

assez de graines pour fabriquer toute<br />

l’huile d’arachide dont le Sénégal est le<br />

LE GOUVERNEMENT A FIXÉ LE KILO D’ARACHIDES À 190 FRANCS CFA.<br />

LES ÉTRANGERS LE PAYENT JUSQU’À 270 FRANCS !<br />

Mai 2013 ● Afrique Asie<br />

Une graine d’importance<br />

Culture introduite par les Français au début du XIXe siècle, l’arachide<br />

est devenue dominante au Sénégal: elle couvre 40 % des terres cultivées,<br />

emploie près de 60 % de la population, et on la consomme à<br />

toutes les sauces – notamment dans le plat national, le thiéboudiène. Longtemps<br />

premier produit d’exportation, elle s’est fait devancer par la pêche (le<br />

tourisme et les phosphates en 2005) après une crise sérieuse de la filière dans<br />

les années 2000. La production est extensive, pluviale et le fait de petits producteurs.<br />

Le Sénégal ne figure pas parmi les premiers exportateurs mondiaux, loin<br />

derrière la Chine (1er ), l’Inde (2e ), l’Argentine (3e ) et les États-Unis (4e ), et<br />

même le Nigeria, premier producteur d’Afrique. Il est en revanche le premier<br />

exportateur mondial d’huile brute, tout en étant importateur d’huile de soja. ■<br />

premier exportateur mondial. Suneor,<br />

l’une des plus grosses entreprises<br />

agroalimentaires du pays (5 000<br />

employés, dont 2 000 permanents), qui<br />

traite la majeure partie de l’arachide du<br />

pays, n’avait collecté, à la mi-mars, que<br />

50 000 tonnes sur les 100 000 envisagées.<br />

Novasen n’en avait acquis que<br />

15 000, pour la même prévision<br />

d’achat…<br />

Remontés contre les Chinois, elles<br />

ont sonné le tocsin dès le début de la<br />

campagne : « La présence des Chinois<br />

sur le marché correspond à la mort de<br />

la filière arachide. Parce que les usines<br />

de transformation locales vont fermer<br />

s’il n’y a pas de produits », déclarait fin<br />

novembre Thiendiaté Bouyo Ndao,<br />

directeur général de Suneor, qui récidivait<br />

fin janvier: « Sans approvisionnement<br />

en graines, il n’y aura plus d’industrie.<br />

Et sans industrie, pas de<br />

filière. » Les syndicats des huileries, en<br />

lutte pour préserver leurs emplois,

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