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ité aux taxes et privent chaque année<br />

les pays en développement de 350 milliards<br />

de dollars d’impôts, selon la<br />

Banque mondiale.<br />

L’exemple le plus flagrant est certainement<br />

celui des mines de cuivre en<br />

Zambie. Le site minier de Mopani est<br />

l’un des plus vastes de Zambie, mais<br />

aussi de la planète, quand on sait l’importance<br />

stratégique qu’occupe ce pays<br />

dans la production mondiale. Et pourtant…<br />

Le cuivre ne rapporte presque<br />

rien aux caisses de l’État, alors que le<br />

cours de cette matière a quadruplé<br />

entre 2001 et 2008. Pourquoi? La<br />

réponse à cette question se trouve chez<br />

la multinationale suisse Glencore qui<br />

exploite le cuivre, pilier d’un système<br />

que veulent abattre plusieurs ONG<br />

zambiennes<br />

Saviour Mwambwa est l’un des leaders<br />

de la lutte qu’a relatée le documen-<br />

taire À qui profite le cuivre ? (prix<br />

Albert-Londres 2012), réalisé par les<br />

Françaises Audrey Gallet et Alice<br />

Odiot. Saviour Mwambwa poursuit la<br />

société suisse Glencore devant les tribunaux<br />

anglais pour évasion fiscale et<br />

pollution environnementale, avec des<br />

conséquences sur la santé des riverains<br />

de la mine. Avec ses avocats européens<br />

et des associations, il a remonté le fil<br />

des transactions et découvert une fraude<br />

de Glencore chiffrée à plusieurs centaines<br />

de millions de dollars.<br />

La stratégie des Suisses est couramment<br />

utilisée par les multinationales.<br />

Glencore vend le cuivre de Mopani à<br />

seulement 25 % du cours réel à ses<br />

filiales installées dans des paradis fiscaux,<br />

qui se chargent ensuite de<br />

D. R.<br />

revendre le tout au prix du marché. Les<br />

profits réalisés sont énormes, tout<br />

comme… le trou laissé dans les finances<br />

zambiennes. Mais Glencore n’est pas la<br />

seule impliquée dans l’évasion<br />

fiscale en Zambie : depuis février dernier,<br />

l’ONG Action Aid suspecte publiquement<br />

la firme agroalimentaire Associated<br />

British Foods de ne pas payer<br />

d’impôts dans ce pays.<br />

Outre l’Afrique australe, les choses<br />

bougent également en Ouganda. Fin<br />

2012, le pays s’est lancé dans une<br />

course à l’audit de la comptabilité des<br />

sociétés étrangères. Le risque était alors<br />

grand pour l’Ouganda de ne pas boucler<br />

son budget 2013 : de nombreux donateurs<br />

internationaux annonçaient la fin<br />

de leurs aides, sur fond de scandales de<br />

corruption et de détournements de certaines<br />

sommes allouées. « Nous savons<br />

que nous pouvons collecter les sommes<br />

manquantes à notre budget national,<br />

indiquait Sirajji Kanyesigye, responsable<br />

du département des paiements au<br />

fisc ougandais. Nous réalisons de nombreux<br />

audits pour traquer les impayés<br />

et les montages financiers. » MTN, le<br />

grand opérateur mobile sud-africain, est<br />

ainsi tombé dans les filets ougandais<br />

pour évasion fiscale. Le montant s’élève<br />

à 35 millions de dollars et plusieurs<br />

employés de la filiale ougandaise ont<br />

été arrêtés.<br />

L’Uganda Revenue Authority, le fisc<br />

ougandais, s’est rendu compte, en 2012,<br />

que les finances du pays ont été privées<br />

de près de 500 millions de dollars ces<br />

cinq dernières années. Comptes<br />

maquillés, corruption du personnel des<br />

impôts, évasion fiscale, retards dans les<br />

paiements : l’arsenal utilisé par les<br />

sociétés pour ne pas payer ce qu’elles<br />

doivent à l’État est bien garni. Il faut<br />

toute la conscience et la compétence<br />

professionnelle de certains spécialistes<br />

pour dénicher les cas de fraudes. L’inspecteur<br />

général du gouvernement<br />

ougandais, l’un des plus hauts postes du<br />

pays, a ainsi été sommé par le président<br />

Yoweri Museveni d’enquêter et d’expliquer<br />

l’origine de ces pertes.<br />

De plus en plus de pays réagissent et<br />

mettent en place des systèmes pour<br />

déceler les tricheries. Si on a découvert<br />

le pot aux roses en Ouganda après<br />

LES GRANDS GROUPES PRIVENT CHAQUE ANNÉE LES PAYS<br />

EN DÉVELOPPEMENT DE 350 MILLIARDS DE DOLLARS D’IMPÔTS.<br />

Mai 2013 ● Afrique Asie<br />

coup, d’autres préfèrent se prémunir en<br />

mettant en place des systèmes sophistiqués<br />

pour empêcher la perte d’importantes<br />

recettes fiscales. Au Burundi,<br />

Kieran Holmes est, depuis 2010, le<br />

commissaire général de l’Office burundais<br />

des recettes. Il était auparavant au<br />

Rwanda pour le même type de mission,<br />

et il aide maintenant le petit pays<br />

d’Afrique centrale à mettre sur pied<br />

l’informatisation de son système de collecte<br />

d’impôts. « Nous installons une<br />

structure moderne, recommandée par<br />

le Fonds monétaire international, dit-il.<br />

Le personnel est aussi formé à l’utilisation<br />

de ces nouveaux systèmes. » Pour<br />

celui qui a une longue expérience dans<br />

ce domaine en Afrique et au Moyen-<br />

Orient, la modernité du système de collecte<br />

endigue la corruption et l’évasion<br />

fiscale.<br />

◗ Le chemin vertueux du Burundi<br />

Kieran Holmes souligne que, pour un<br />

pays sans ressources naturelles majeures<br />

comme le Burundi, lever l’impôt est la<br />

condition sine qua non au développement.<br />

« Ce n’est pas toujours facile,<br />

remarque-t-il. Le passage de l’ancien<br />

au nouveau système prend du temps,<br />

mais je vois que les autorités comprennent<br />

l’intérêt de bâtir des institutions<br />

saines, avec moins de corruption. Nous<br />

créons de meilleures conditions pour<br />

les affaires et les investissements. »<br />

Avec plusieurs employés du fisc pris la<br />

main dans le sac en 2011 et des investissements<br />

dans les infrastructures avec<br />

l’argent des impôts, le Burundi s’engage<br />

sur un chemin vertueux. Selon le<br />

commissaire général, « 95 % du budget<br />

national peut être financé par les taxes<br />

d’ici à cinq ans. »<br />

La Commission économique pour<br />

l’Afrique (CEA) des Nations unies<br />

située à Addis-Abeba pousse les États<br />

africains à adopter la voie prise par le<br />

Burundi. Elle rappelle que plus de<br />

1,5 milliard de dollars de taxes des<br />

multinationales leur échappe chaque<br />

année. Un montant colossal qui<br />

retourne bien souvent dans le pays<br />

d’origine de ces sociétés étrangères.<br />

Réagir avant qu’il ne soit trop tard<br />

pour ne pas laisser l’argent dormir et<br />

s’évader: tel était le but du rapport de<br />

la CEA publié l’an passé. « Pour<br />

10 dollars de taxes évadées, le dollar<br />

d’aide reçu ne compense pas les pertes<br />

économiques et financières pour le<br />

continent », écrivent, très justement,<br />

les auteurs du rapport. ■<br />

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