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30 Afrique<br />

Madagascar À trois mois du premier tour de la présidentielle auquel aucun Malgache ne croit,<br />

la Conférence sur la paix et la réconciliation a réuni toutes les forces vives. Y compris l’exhomme<br />

fort Didier Ratsiraka, resté vingt-cinq ans au pouvoir avant de connaître l’exil. De<br />

retour au pays, il entend bien jouer un rôle clé. Entretien.<br />

« Les élections ne sont pas une fin en soi »<br />

Propos recueillis par Bilal Tarabey<br />

ÀMadagascar, on le surnomme<br />

deba, « le chef », où encore<br />

l’Amiral rouge. Après onze ans<br />

d’exil en France et un premier retour très<br />

médiatique sur la Grande Île il y a deux<br />

ans, l’ancien président Didier Ratsiraka,<br />

est de nouveau à Madagascar ce 18 avril.<br />

À peine arrivé, il a rejoint la Conférence<br />

pour la paix et la réconciliation, un<br />

grand dialogue national en présence de<br />

toutes les forces politiques malgaches<br />

ainsi que de l’armée et de la société<br />

civile, entamé sous la médiation des<br />

Églises de Madagascar. Celui qui est<br />

resté vingt-cinq ans au pouvoir fait partie<br />

des initiateurs de l’événement, dont<br />

les recommandations pourraient bien<br />

aboutir à un report des élections. Pourquoi?<br />

L’ex-homme fort de Madagascar<br />

s’en explique dans un entretien à Afrique<br />

Asie réalisé le jour de son arrivée.<br />

■ En quoi consiste ce « dialogue malgacho-malgache<br />

», comme on appelle<br />

ici la conférence sur la paix et la<br />

réconciliation?<br />

❒ Depuis l’indépendance en 1960, il n’y<br />

a jamais eu de passation de pouvoir en<br />

bonne et due forme entre un président<br />

sortant et un président entrant. Il y a eu<br />

des coups d’État, institutionnels ou pas,<br />

avec ou sans l’aide de l’armée en 1972,<br />

1991, 2002, 2009… Il faut mettre un<br />

terme à ce cycle infernal, et à la crise en<br />

cours qui n’a que trop duré, dont le<br />

peuple est la première victime. Il est<br />

temps qu’une solution pérenne, transparente<br />

et démocratique soit acceptable et<br />

acceptée par tous. Et pour ce faire, la<br />

meilleure méthode, c’est de dialoguer<br />

sans méfiance et sans tabou. On met tout<br />

sur la table et on essaie de trouver ce<br />

qu’il faut pour que Madagascar ne vive<br />

plus ces crises cycliques.<br />

■ Votre première prise de pouvoir<br />

ne s’est pas faite par les urnes, et<br />

vous avez été victime de la crise de<br />

2002 en tant que président sortant<br />

(1) . Pourriez-vous dire : « Moi, président<br />

en exercice, voilà les conclusions<br />

que j’en tire »?<br />

❒ Sauf le respect que je dois à votre opinion,<br />

ne me dites pas qu’à ma première<br />

présidence je n’ai pas été élu. Il y a eu<br />

un coup d’État contre le premier président<br />

et père de l’indépendance, Philibert<br />

Tsiranana, en juin 1972. À cette époque<br />

j’étais attaché militaire à Paris, et on m’a<br />

rappelé pour être ministre des Affaires<br />

étrangères. Plus tard, après six mois de<br />

loi martiale, le plus ancien et le plus<br />

élevé dans le grade militaire a demandé<br />

que quelqu’un se sacrifie pour prendre<br />

les rênes du pouvoir. Il m’a désigné.<br />

Pourtant, un autre que je ne citerai pas<br />

s’était aussi déclaré candidat. Il y a eu<br />

finalement un vote à bulletin secret au<br />

sein du directoire militaire. J’ai eu seize<br />

voix sur dix-huit. Donc déjà, je ne me<br />

suis pas autoproclamé, on a voté pour<br />

moi. J’ai alors écrit un projet de société,<br />

le Boky mena, le Livre rouge, et j’ai<br />

appelé tous les juristes de Madagascar<br />

pour qu’ils élaborent une Constitution<br />

qui aille de pair avec ce projet. J’ai soumis<br />

ce livre et cette Constitution au<br />

peuple par référendum et j’ai dit: « Si<br />

vous acceptez, je veux bien être votre<br />

serviteur. Si vous refusez, je rentre à la<br />

caserne. » Et j’ai été élu.<br />

Je suis donc désolé de vous contredire,<br />

mais j’ai été élu en 1975 pour mon<br />

premier mandat, j’ai été réélu en 1982 et<br />

en 1989, avant d’être destitué en 1991.<br />

J’ai à nouveau été réélu en 1997 et<br />

encore une fois destitué en 2002 par<br />

monsieur Marc Ravalomanana.<br />

« JE N’AI NI BOMBES THERMONUCLÉAIRES<br />

NI KALACHNIKOVS POUR IMPOSER MES SOLUTIONS. »<br />

Mai 2013 ● Afrique Asie<br />

■ Quelles solutions allez-vous suggérer<br />

lors de la Conférence pour la paix<br />

et la réconciliation à Madagascar ?<br />

❒ Excusez-moi, mais nous ne sommes<br />

qu’au premier jour de la conférence, je<br />

ne peux pas encore me prononcer. J’ai<br />

des solutions, bien sûr, mais je n’ai ni<br />

bombes thermonucléaires ni bombes à<br />

sous-munitions, ni même de kalachnikovs<br />

ou de pistolets pour les imposer.<br />

Si mes compatriotes acceptent mes<br />

solutions, inch’allah comme on dit.<br />

S’ils les récusent, je mettrai ça dans<br />

mes mémoires, et ça restera comme<br />

une page de l’Histoire. Comme une<br />

partie de l’histoire de ma chienne de<br />

vie politique. Ces solutions prennent<br />

en compte le règlement de 1972, 1992,<br />

2002, 2009. Tout doit être discuté<br />

pour en finir avec ces spasmes épisodiques,<br />

qui minent l’économie malgache.<br />

■ Croyez-vous à la tenue du premier<br />

tour de l’élection présidentielle le<br />

24 juillet?<br />

❒ Que j’y croie ou pas, l’essentiel<br />

n’est pas là. Quelle que soit la date de<br />

son élection, le futur président de la<br />

République a intérêt à trouver devant<br />

lui un peuple malgache réconcilié avec<br />

lui-même, avec l’Histoire ; des forces<br />

armées qui ont retrouvé leur cohésion ;<br />

un pays apaisé qui pourrait démarrer<br />

son redressement économique urgent.<br />

La question n’est pas de « croire ou ne<br />

pas croire » à la tenue de ces élections,<br />

et Paul le poulpe (2) est mort.<br />

■ L’une des solutions que vous proposerez<br />

pourrait-elle inclure un<br />

report des élections législatives et<br />

présidentielle ?

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