AF90complet (1).pdf - CongoForum
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D. R.<br />
commande chez mon<br />
éditeur (1) . De cela, je leur<br />
suis reconnaissante.<br />
■ Tout écrivain a des<br />
« parents » littéraires,<br />
des auteurs qui l’ont<br />
accompagné. Les vôtres?<br />
❒ Certainement ceux qui<br />
ont évoqué la souffrance des<br />
femmes. Je pense à Amadou<br />
Koné, dans Les Frasques<br />
d’Ebinto, à Mariama Bâ<br />
avec Une si longue lettre, à<br />
Okoumba Nkoghe pour<br />
Siana, ou encore à Justine<br />
Mintsa avec L’Histoire<br />
d’Awu, et beaucoup d’autres<br />
encore. Ces écrivains ont<br />
cette magie de décrire les<br />
choses sur lesquelles il<br />
m’arrive, maintenant<br />
encore, de verser une larme.<br />
Je fais corps avec la douleur<br />
de Ramatoulaye Fall,<br />
Maïmouna, Siana, Awu,<br />
Antoinette… Sacrifiées par<br />
celui-là même qui lui a<br />
donné la vie. Et dire que<br />
plein de jeunes filles<br />
subissent encore les pires<br />
sévices de leurs géniteurs.<br />
■ Une jeune auteure vous<br />
demande des conseils sur<br />
la façon d’aborder<br />
l’écriture…<br />
❒ Je lui parlerais du choix<br />
des thèmes, de la façon<br />
d’orienter son histoire. Pour<br />
moi, un personnage est le<br />
reflet de la société. On va<br />
l’habiller pour que l’histoire<br />
colle au plus juste à la<br />
réalité. Ensuite, il y a la<br />
qualité du dialogue,<br />
l’épaisseur du personnage.<br />
Faire passer des émotions<br />
au travers de ces échanges<br />
de mots et de ce qu’ils<br />
traduisent en termes de<br />
personnalité. Être précis. Et<br />
se dire que certains thèmes<br />
peuvent aussi porter<br />
préjudice à leur auteur. Bien<br />
être conscient de son statut<br />
d’écrivain, que l’on soit<br />
humaniste, partisan,<br />
spirituel, et en accepter les<br />
conséquences, comme les<br />
critiques. Toute œuvre n’est<br />
pas forcément bien<br />
accueillie. ■<br />
◗ Tu n’achèteras pas ma peau,<br />
Madame l’ambassadrice, Denise<br />
Landria Ndembi, La Doxa<br />
Éditions, 155 p., 12 euros.<br />
• Les Miroirs de Frankenstein,<br />
Abbas Beydoun. Éd. Actes sud,<br />
144 p., 19,80 euros.<br />
C<br />
’est avec une sincérité toute contrôlée<br />
que le Libanais Abbas Beydoun nous<br />
offre quelques instantanés de son<br />
enfance et de sa vie d’adulte. Dans le plus<br />
grand désordre chronologique, ce poète, écrivain<br />
et journaliste dévoile une<br />
dizaine de tableaux. Des tranches de<br />
vie pleines de contradictions, à<br />
l’instar de son aventure avec une<br />
parente voilée, dont il restera à<br />
jamais le cousin préféré : « On<br />
écarte le tabou en toute simplicité,<br />
et puis on le remet tout aussi simplement<br />
à sa place. Le voile, c’était<br />
la permission pour le désir d’apparaître<br />
sans embarras, et pour le<br />
corps, de se contempler librement. »<br />
Et si l’ensemble est plutôt rieur, le<br />
lecteur sera aussi confronté à<br />
quelques pages angoissantes, notamment<br />
sur la dépression. Un jeu de<br />
miroirs (déformants ?) qui offre une certaine<br />
vision de la vie. ■ B. R.<br />
Mai 2013 ● Afrique Asie<br />
Du beau fabliau<br />
Âme sensible s’abstenir! C’est du pétant et du pétaradant<br />
que nous offre Harry Bellet dans ce nouveau<br />
livre * , lui qui nous avait habitués à des univers<br />
plus feutrés dans des romans policiers captivants. De<br />
frivoles aventures? Que nenni! Sous des apparences grivoises<br />
et fort trompeuses, ce roman historique nous<br />
plonge avec beaucoup d’érudition dans un XVIe siècle en<br />
pleine ébullition. Même si Harry Bellet s’accorde des<br />
libertés et l’annonce d’entrée de jeu : « Puisqu’un bon<br />
lecteur croit toujours ce qui est écrit, puissent mes amis<br />
historiens de l’art bien vouloir pardonner ce qui suit… »<br />
L’histoire commence précisément en 1515. L’année<br />
de la sanglante bataille de Marignan qui oppose le<br />
jeune roi François 1er de France et ses alliés vénitiens<br />
aux mercenaires suisses pour le contrôle du duché de<br />
Milan. En Turquie, le prince Soliman s’entretient avec<br />
son fidèle esclave, Renos le Grec, et s’imagine déjà sur<br />
le trône du sultan. Au Vatican, le pape Léon X rédige<br />
et signe de sa main une malheureuse phrase (disons les<br />
choses, un blasphème) sur un vélin qui s’envole par la<br />
fenêtre – hasard ou souffle divin ? Passant de main en<br />
main, ce parchemin compromettant sera le fil conducteur<br />
du récit, le prétexte pour une<br />
longue errance jusqu’à Bâle.<br />
Mais 1515, c’est aussi et surtout<br />
l’année où l’imagier Jean<br />
Jambecreuse, décide de quitter sa<br />
ville natale d’Augsbourg pour<br />
parfaire son apprentissage à Bâle.<br />
Un personnage directement inspiré<br />
du peintre et graveur allemand<br />
Hans Holbein le Jeune<br />
(1497-1543), lui-même fils du<br />
peintre Hans Holbein l’Ancien et<br />
frère cadet d’Ambrosius Holbein,<br />
avec lequel il étudie dans l’atelier<br />
paternel.<br />
C’est donc à la suite du truculent<br />
Jean Jambecreuse (fort généreusement<br />
doté par la nature, ce<br />
qui n’est pas un détail) que le lecteur<br />
s’immerge dans la vie quotidienne de Bâle, en<br />
pleine Renaissance. Au fil des aventures et des rencontres<br />
avec Érasme ou Léonard de Vinci, pour les<br />
plus glorieuses, l’artisan imagier se transforme en<br />
artiste peintre. Il étudie aussi le latin, ce qui lui vaut<br />
d’être rebaptisé Ioannes Holpenius. Et fait l’apprentissage<br />
de la vie, avec ses hauts et ses bas…<br />
De ce récit (dont on attend la suite avec impatience)<br />
servi par une langue riche et abondante en foisonnements<br />
de toute nature – nous sommes bien au siècle de<br />
Rabelais –, on ne décroche pas. ■ Bachar Rahmani<br />
◗ * Les Aventures extravagantes de Jean Jambecreuse,<br />
artiste et bourgeois de Bâle. Assez gros fabliau, Harry Bellet,<br />
Éd. Actes Sud, 368 p., 22,80 euros.<br />
D. R.<br />
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