AF90complet (1).pdf - CongoForum
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parlaient, de leur côté, de « concurrence<br />
déloyale ». « C’est l’État qui est<br />
responsable, estimait Thié Mbaye<br />
Ndiaye, du syndicat des corps gras de<br />
Diourbel. Le gouvernement devait, en<br />
parallèle [de la fixation des prix], imposer<br />
des règles du jeu clairement établies<br />
qui pouvaient éviter cette surenchère.<br />
»<br />
Mais les huiliers ont-ils vraiment<br />
compris les nouvelles règles du jeu<br />
depuis la libéralisation ? En situation de<br />
rythme de la loi du marché, ont-ils rapporté<br />
à l’agence sénégalaise ASI24 en<br />
janvier. On nous demande un certificat<br />
de conformité, ce qui est une pure vue<br />
de l’esprit. En principe, pour exporter,<br />
on a besoin de la facture commerciale,<br />
du certificat d’origine et de la déclaration<br />
douanière. Le certificat de conformité<br />
n’existe nulle part! »<br />
Le blocage n’a pas convaincu les<br />
opérateurs étrangers de revenir aux prix<br />
d’achat officiels. En revanche, si les<br />
Les Chinois sont disposés à acheter, à long terme, 3 millions de tonnes d’arachide.<br />
Cette année, le pays en a produit 750 000 tonnes, une très bonne récolte.<br />
monopole depuis des décennies, ils<br />
n’ont pas su anticiper ce qui était pourtant<br />
prévisible. C’est ce que leur a fait<br />
comprendre le ministre de l’Agriculture,<br />
Abdoulaye Baldé : « [Ils] ont des<br />
problèmes d’approvisionnement, donc<br />
ils n’ont qu’à faire des efforts pour être<br />
compétitifs sur le marché. » De quoi<br />
faire s’étrangler les fabricants qui ont<br />
joué la carte du patriotisme économique<br />
pour émouvoir les autorités. Lesquelles<br />
ne sont pas restées sourdes à leurs<br />
doléances. Sans le dire expressément,<br />
elles appliquent, depuis novembre, une<br />
interdiction d’exporter de fait en bloquant<br />
le départ des navires vers la<br />
Chine et d’autres destinations. À la mimars,<br />
près de 54 000 tonnes étaient toujours<br />
en attente, et seulement 5 139<br />
tonnes avaient été expédiées…<br />
Si bien que ce sont dorénavant les<br />
intermédiaires qui évoquent à leur tour<br />
une mesure qui « va finir par tuer la<br />
filière et l’économie de l’arachide ». Le<br />
gouvernement subit « les contrecoups<br />
du lobbying d’une industrie en souffrance<br />
et incapable de soutenir le<br />
graines venaient à se gâter sur les docks<br />
de Dakar, le risque est grand de décourager<br />
les partenaires étrangers prêts à<br />
s’impliquer dans la commercialisation<br />
de la filière. À l’instar des Chinois de la<br />
province de Shangdong (96 millions<br />
d’habitants) dont une délégation, en<br />
novembre dernier, était invitée par la<br />
chambre de commerce et de l’industrie<br />
de Kaolack. Venue pour évaluer la possibilité<br />
d’un premier partenariat portant<br />
sur les 54 000 tonnes, elle s’était dite<br />
disposée à acheter à terme 3 millions de<br />
tonnes par an. De quoi réjouir Alioune<br />
Sarr, directeur de l’Agence sénégalaise<br />
pour la promotion des exportations<br />
(Asepex), qui voyait déjà le moyen<br />
pour le Sénégal de « résorber le déficit<br />
très profond de 400 milliards de la<br />
balance commerciale » s’il parvient à<br />
« exporter entre 1 et 2 millions de<br />
tonnes d’arachides ».<br />
La délégation a toutefois souligné les<br />
faiblesses de la filière sénégalaise:<br />
absence de semences de qualité, d'engrais<br />
chimiques, insuffisance de la maîtrise<br />
de l’eau et sous-équipement agri-<br />
Mai 2013 ● Afrique Asie<br />
D. R.<br />
cole. Pour autant les Chinois, en quête<br />
d’approvisionnements planétaires pour<br />
répondre aux besoins d’une population<br />
de 1,4 milliard d’individus, seront<br />
capables de s’investir rapidement si on<br />
leur assure que ces problèmes trouvent<br />
une solution. Ce que leur a confirmé<br />
Macoumba Diouf, le directeur de l’Institut<br />
sénégalais de recherches agricoles.<br />
Pas sûr non plus qu’ils se laissent impressionnés<br />
par les vociférations verbales<br />
l’industrie locale et de ses employés:<br />
« On est prêts à s’opposer aux étrangers<br />
pour qu’ils nous laissent nos graines sur<br />
place. Si nous devons les trouver dans<br />
les villages pour les chasser […], nous<br />
le ferons », s’emportait le secrétaire<br />
national du Syndicat des travailleurs des<br />
corps, gras, Samuel Ndour.<br />
◗ Fin de règne<br />
On comprend que les producteurs<br />
soutiennent à fond les opérateurs étrangers.<br />
« L’ère des grandes huileries est<br />
révolue après soixante ans de règne<br />
sans partage et d’exploitation éhontée<br />
des paysans », s’est enthousiasmé le<br />
secrétaire général de la Fédération des<br />
paysans du Sénégal. Ceux-ci souhaitent<br />
que les opérateurs étrangers les accompagnent<br />
dans la redynamisation de la<br />
filière et ne se cantonnent pas au rôle<br />
d’acheteurs. Déjà des Chinois – mais<br />
aussi des commerçants sénégalais, les<br />
fameux bana-bana – construisent dans<br />
le Saloum de petites usines de transformation<br />
qui produisent de la pâte, de<br />
l’huile, du beurre d’arachide… Mais<br />
avec la concurrence, ils doivent eux<br />
aussi acheter plus cher la matière première.<br />
Un surcoût qui se répercutera sur<br />
le prix des denrées ou sur les marges<br />
bénéficiaires.<br />
Cette année, avec une bonne récolte,<br />
qui s’écoule à des prix historiques, et<br />
payée cash, les producteurs sont triplement<br />
contents. Beaucoup d’observateurs,<br />
cependant, craignent que cette<br />
envolée leur fasse vendre jusqu’aux<br />
semences, hypothèquant la saison suivante.<br />
Mais pour El Hadji Ndiaye, responsable<br />
d'un syndicat local d'agriculteurs<br />
interrogé par l’AFP, « le paysan<br />
sénégalais cultive l'arachide depuis le<br />
XIX e siècle. Il s'est toujours débrouillé<br />
pour avoir ses semences et met toujours<br />
en réserve des graines ». L’âge d’or de<br />
l’arachide serait-il revenu ? ■<br />
◗ (1) Suneor, filiale du géant français<br />
Advens, Novasen et Complexe agro-industriel<br />
de Touba (CAIT).<br />
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