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28 Événement Qatar : attention danger !<br />
le nombre puisque ces avanies sont immédiatement effacées<br />
par la serpillière de l’Histoire, et les corps enterrés<br />
encore chauds. Pour s’assurer que l’émir Ahmad, alors<br />
occupé par une partie de chasse en Iran, ne va pas regagner<br />
son palais dare-dare, la fourbe Arabie Saoudite<br />
accepte de lui fermer sa frontière au nez.<br />
Assis sur le trône, l’émir Khalifa fait une promesse<br />
qu’il ne tiendra jamais, celle de se satisfaire d’un revenu<br />
mensuel de 250 000 dollars, alors que son prédécesseur<br />
dérivait systématiquement le quart des recettes pétrolières<br />
nationales vers ses comptes en banque. En vérité,<br />
sur la base d’une « Constitution » à proposition unique,<br />
« L’État c’est moi », une règle toujours en vigueur, le<br />
nouveau calife ne tracera jamais de frontière légale entre<br />
les recettes publiques et sa fortune. En 1979, quand l’intégralité<br />
de Qatar Petroleum passe sous contrôle « national<br />
», autrement dit celui de la famille, le mode comptable<br />
reste flou. Certes, le brut qatari ne coule pas à gros<br />
bouillons comme celui du voisin saoudien, mais le flux<br />
est assez fort pour lancer les prémices de ce que Khalifa<br />
qualifie de « renaissance d’un Qatar moderne ». Autrement<br />
dit, un pays possédant l’eau courante, l’électricité,<br />
des routes, un aéroport, des téléphones, une police et<br />
une armée et, pourquoi pas, une politique étrangère.<br />
Hélas, comme ces héros déchus que les censeurs staliniens<br />
effaçaient des photos officielles, l’émir Khalifa<br />
sera gommé de la saga de l’émirat. Les livres d’Histoire<br />
sont toujours écrits par les vainqueurs. En 1995, quand<br />
Khalifa sera chassé à son tour par son fils Hamad, l’actuel<br />
maître de Doha, le rôle de papa passe à la trappe.<br />
Pourtant l’émir Khalifa, grand ami de Paris, a développé<br />
une vraie stratégie pour l’avenir de son pays. [...]<br />
◗ L’omni-émir<br />
Si on se livre à l’exercice impossible d’oublier l’argent,<br />
le Qatar est un pays nain, une terre dérisoire<br />
grande comme une fois et demie le département du<br />
Maine-et-Loire. La population des Qataris « de<br />
souche », soit les familles installées dans le pays depuis<br />
1930, se monte à environ 150 000 âmes. Le chiffre exact<br />
est un secret d’État. Pour rester dans la comparaison<br />
hexagonale, Son Excellence Cheikh Hamad bin Khalifa<br />
al-Thani règne donc sur un peuple aussi important que<br />
celui de la ville d’Angers intramuros, la dix-huitième de<br />
France.<br />
L’infiniment petit du Qatar est forcément générateur<br />
de blagues. On affirme que, lors d’un voyage de l’émir à<br />
Pékin, le premier ministre chinois lui aurait posé cette<br />
question :<br />
– Combien d’habitants comptez-vous au Qatar?<br />
– Plus de 150000.<br />
– Alors pourquoi ne pas les avoir amenés tous avec<br />
vous? aurait repris l’ironique.<br />
Le vrai peuple de l’émir, sa force, est volatil. Il se<br />
compte en mètres cubes cachés au fond du North Field,<br />
la troisième réserve de gaz naturel au monde, après<br />
celles de la Russie et de<br />
l’Iran. D’ailleurs le Qatar<br />
fait champ commun avec<br />
l’Empire perse des ayatollahs,<br />
les voisins de la rive<br />
d’en face. Les deux États<br />
L’ÉMIR : INFAILLIBLE AMI D’ISRAËL<br />
ET MOTEUR DE LA LIGUE ARABE.<br />
Mai 2013 ● Afrique Asie<br />
pompent dans la même et gigantesque nappe qui se<br />
cache sous leur détroit commun. Quelques ingénieurs<br />
mal-pensants affirment même que Doha ne se prive pas<br />
de lancer ses pompes jusque sous l’offshore des fous de<br />
Dieu… C’est donc sur cette grosse bulle que règne<br />
d’abord l’émir. Ce manque de peuple explique aussi sa<br />
volonté de conquérir celui des autres. Pour jouer sa<br />
comédie du pouvoir, l’émir a besoin de public.<br />
À la manœuvre, le cheikh Hamad al-Thani est partout,<br />
dans le Golfe et au Moyen-Orient, où il se vit en maître.<br />
En juin 2011, il donne un gouvernement au Liban, qui<br />
en attendait un depuis des mois. Il est le moteur de la<br />
Ligue arabe à laquelle, par des promesses de crédits, il<br />
impose sa loi. Doha est devenu un tribunal de simple<br />
police où l’on peut régler en un tournemain les conflits<br />
du monde entier. Ainsi la poussiéreuse capitale de la<br />
presqu’île se croit le centre du monde. Pour l’émir et<br />
son équipe, l’orgasmique « printemps arabe » est une<br />
apothéose. Cet infaillible ami d’Israël a même entrepris,<br />
en Palestine, de transformer le Hamas. Aidé de ses amis<br />
turcs, également impliqués dans cette tentative, Hamad<br />
al-Thani veut convaincre le mouvement religieux de<br />
changer de nature. Le parti de Dieu deviendrait celui des<br />
Frères musulmans de Palestine, dont le siège serait à<br />
Amman. Le Hamas renoncerait à sa charte, qui prévoit<br />
la victoire par les armes, et accepterait de reconnaître<br />
Israël. Ainsi, glisse l’aimable et pacifique cheikh à<br />
l’oreille des leaders palestiniens portant barbe, le Hamas<br />
pourra devenir un « partenaire fréquentable » auquel on<br />
rendra raison.<br />
Bien évidemment, le roi de Doha n’a pas demandé<br />
l’avis de son confrère Abdallah de Jordanie, qu’il<br />
déteste. Les amis d’Al-Thani préparent d’ailleurs un<br />
plan, la solution absolue au drame palestinien. II consisterait<br />
à destituer cet Abdallah à demi anglais pour instaurer<br />
à la place de son royaume hachémite une république,<br />
mais sur le mode islamique. Puis à placer à sa<br />
tête Khaled Mechaal, le leader du Hamas, un « révolutionnaire<br />
» dont la fougue a été domptée par l’émir et<br />
qui somnole désormais à Doha. Ainsi donnerait-on la<br />
Cisjordanie à Israël, les Palestiniens passant de l’autre<br />
côté du Jourdain. Voilà comment, quand ils s’ennuient,<br />
le roi et sa cour jouent au Monopoly avec les pays des<br />
autres. La perspective, pour le Hamas, d’échanger sa<br />
politique contre de l’argent ne fait pas l’unanimité en<br />
son sein. Ahmad Jaabari, chef militaire du parti religieux,<br />
s’oppose à l’« ouverture » suggérée par Doha.<br />
Mais un missile opportun, tiré par Israël, a éliminé à<br />
temps le mauvais coucheur. Ceux qui pensent comme<br />
lui ont compris le message. [...]<br />
◗ Foncièrement réactionnaire<br />
Sur le plan des idées, sa façon d’administrer les<br />
hommes, le souverain n’a rien de l’« autocrate éclairé »<br />
que ses thuriféraires s’échinent à dépeindre. L’émir<br />
Hamad est clairement et foncièrement réactionnaire. La<br />
vie et l’avis des autres, il<br />
s’en moque. Il aime<br />
l’ordre sans la loi, ne partage<br />
aucun pouvoir et<br />
interdit toute critique de<br />
sa personne. Émettre un