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La révolution tunisienne a chassé Ben Ali et apporté
l’islamisme. Pour la liberté des femmes, il faudra repasser !
mettrait en péril leurs droits.
Paradoxalement, elles sont
aussi responsables de ce qui
arrive. Car les femmes de
l’élite intellectuelle et la
petite bourgeoisie que l’on
voit déambuler et scander
des slogans dans les rues,
qui craignent de perdre ces
acquis de plus de cinquante
ans, ne sont pas les femmes
de la Tunisie profonde.
Celles qui sont
reconnaissables entre toutes
et qu’on a pourtant
longtemps cachées. Les
femmes du rif, celles qui se
lèvent dès potron-minet et
jusqu’au soir pour travailler
sans réel espoir d’une vie
meilleure. Celles qui vivent
dans les zones les plus
stériles et reculées du pays
sans eau ni électricité, leurs
maris partis à la ville
chercher du travail. Ce sont
aussi ces femmes de la
banlieue ou des bidonvilles
de Tunis qui n’arrivent pas à
joindre les deux bouts et qui
acceptent des petits boulots
saisonniers. Ce sont les
laissées-pour-compte de
trois régimes successifs qui
n’ont que faire de la
Constitution. Car rien ne
changera pour elles.
Ces femmes ne savent pas
ou à peine lire et écrire, ne
connaissent pas leurs droits,
et cette révolution une
nouvelle fois les aura
oubliées. Quand la pauvreté
est beaucoup plus profonde
que l’on pense, que
l’hermétisme et
l’individualisme sont à leur
comble, l’endoctrinement
religieux est aisé. Surtout
s’il est accompagné de
quelques billets pour aller
« bien voter », quitte à faire
le lit de l’islamisme. Ce sont
bien ces femmes qui ont
appelé de tous leurs vœux le
pouvoir islamiste! Elles qui
sont devenues
antiféministes.
◗ Tout à perdre
Comment unifier toutes les
femmes tunisiennes autour
d’un projet équitable et
démocratique qui les
incluent toutes dans leur
diversité sociale? Comment
parler à toutes, quel
dénominateur commun
leur trouver? Pour
l’intellectuelle, la démocratie
rimera avec parité, pour la
moins nantie, elle rimera
avec pain.
À l’heure actuelle, le
discours des libéraux est
confus et ne laisse paraître
aucune stratégie inclusive
sur le plan social. Il ne
Mai 2013 ● Afrique Asie
coupe pas avec l’islamisme,
et certains, pour accaparer le
pouvoir, ont fait la cour à
l’électorat islamiste,
trahissant ainsi les électeurs
qui leur avaient fait
confiance. La situation
exceptionnelle des
Tunisiennes dans le monde
arabe a, de plus, été entamée
par la propagande islamiste
des chaînes satellitaires
arabes et leurs dérives
obscurantistes. De plus en
plus de femmes se sont
voilées, mais nombreuses
parmi elles se disent
démocrates et ne sont pas
prêtes à renoncer à leurs
droits. Pour autant, cela
suffira-t-il à les prémunir des
menaces d’une régression ?
La situation de flou politique
et les errements des
dirigeants actuels ont eu
raison du rêve
révolutionnaire au féminin.
Pis encore, les femmes, en
plus de devenir un alibi
religieux, sont également
instrumentalisées
politiquement. Une façon
pour le régime en place de
faire diversion en laissant
d’obscurs imams prêcher le
nécessaire confinement des
femmes qui idéalement ne
seraient qu’un objet sexuel.
Des discours d’un autre âge.
D. R.
Déjà, des pratiques
(excisions sur les petites
filles, appel au mariage des
prépubères, polygamie, etc.)
ont été enregistrées dans les
zones reculées, dans un pays
qui n’a jamais été ni de près
ni de loin confronté à
l’obscurantisme barbu ou
voilé.
Alors oui, les Tunisiennes
sont menacées et leur
quotidien leur rappelle que
tout est à perdre pour elles.
Pourtant, elles sont aussi
conscientes que rien n’est
encore joué et beaucoup
d’entre elles, que nous avons
approchées par le biais de
partis politiques ou
d’associations féministes et
des droits de l’homme, sont
très réactives et actives sur le
terrain. La Tunisie est encore
un champ exploratoire. Si la
question des femmes dans le
monde arabe est complexe,
il faudra toujours tenir
compte des diversités
culturelles et des disparités
sociales. Pour autant, les
femmes resteront esclaves de
cette situation accablante
tant que les mentalités à leur
égard ne changeront pas.
Ce qui pourra à terme
changer leur destin sera
l’éducation, l’autonomie
financière, le fait de les
responsabiliser en tant que
citoyennes. Se dire qu’aussi
que ce sont les mères et les
femmes qui vont élever et
former les hommes de
demain.
Avec des politiques d’égalité
homme/femmes, la société
tout entière serait gagnante.
Si on a du souffle, que l’on
est aidé, que l’on se met en
réseau, que l’on se respecte
les uns les autres, qu’on
admet la pluralité d’opinion
dans tous les forums du
monde et les grandes
instances internationales, on
finira enfin par comprendre
que la dimension du genre
est très importante et qu’elle
fait partie intégrante des
questions de
développement. ■
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