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40 Afrique<br />

Sénégal L’arrivée de Macky Sall au pouvoir, la médiation de Sant’Egidio et la fatigue manifeste<br />

des indépendantistes auront-elles raison du conflit qui dure depuis trente ans dans la région<br />

méridionale du pays ?<br />

Par Corinne Moncel<br />

Enfin la paix en Casamance ?<br />

Plus de trente ans que la guerre<br />

pour l’indépendance dure en Casamance.<br />

Et peut-être, enfin, un troisième<br />

cessez-le-feu en vue depuis le<br />

début du conflit, en décembre 1982, à la<br />

suite d’une manifestation à Zinguichor,<br />

la capitale régionale, durement<br />

réprimée par les forces de l’ordre.<br />

Les Casamançais y dénonçaient le<br />

« mépris culturel » et la « confiscation<br />

» de leurs terres par les « nordistes<br />

». Un premier cessez-le-feu<br />

avait été signé en 1991 avec le Mouvement<br />

des forces démocratiques de<br />

la Casamance (MFDC), puis un<br />

deuxième en 2004, sans effet durable.<br />

Rien depuis. Sinon l’explosion du<br />

MFDC en de multiples factions mili-<br />

taires et politiques à la mort de son<br />

leader historique, l’abbé Diamacoune<br />

Senghor, en 2007, l’alternance<br />

de périodes d’accalmie et d’embuscades<br />

meurtrières, l’exaspération et<br />

la lassitude de la population, première<br />

victime d’un conflit qui a fait des milliers<br />

de morts et des dizaines de milliers<br />

de déplacés. Jusqu’à ce que celui qui<br />

avait promis de régler le conflit « en<br />

cent jours » à son accession au pouvoir<br />

en 2000, Abdoulaye Wade, passe le<br />

témoin présidentiel et le bébé casamançais<br />

à Macky Sall, en mars 2012.<br />

◗ Geste « humanitaire »<br />

L’ancien président avait, certes,<br />

réitéré les appels au dialogue avec la<br />

rébellion jusqu’à la veille de son départ,<br />

tout en jouant la carte du pourrissement.<br />

L’arrivée de Sall, qui a d’emblée tendu<br />

la main aux trois principaux chefs militaires<br />

rebelles, Salif Sadio, César Atoute<br />

Badiatte et Ousmane Niantang Diatta –<br />

mais sans rien promettre –, a en revanche<br />

suscité un appel d’air. Salif Sadio, chef<br />

du front Nord, présenté comme le plus<br />

ultra et le plus incontrôlable des indépendantistes,<br />

avait déjà fait savoir au<br />

régime précédent qu’il était prêt à négocier<br />

si c’était hors du pays, et sous<br />

l’égide de la communauté catholique<br />

italienne Sant’Egidio, bien connue pour<br />

ses médiations dans nombre de conflits<br />

(Mozambique, Algérie, Burundi…).<br />

En août 2012, Ousmane Niantang<br />

« Trop de sang a coulé », a déclaré le rebelle<br />

O. Niantang Diatta, ici entouré de ses combattants.<br />

Diatta faisait de même. Tout en mettant<br />

comme condition aux pourparlers la<br />

levée du mandat d’arrêt international<br />

contre Mamadou Nkrumah Sané, exilé à<br />

Paris depuis 1993 et « secrétaire général<br />

» du MFDC pour la plupart des<br />

rebelles. Mais pas pour la faction de<br />

César Atoute Badiatte qui, depuis sa<br />

destitution par Diatta en 2010, semble<br />

en perte de vitesse au sein du MFDC.<br />

En octobre, Sant’Egidio entrait officiellement<br />

dans la danse pour faciliter<br />

les relations entre le gouvernement et<br />

les rebelles. Salif Sadio réitérait son<br />

désir de négocier sur les bases énoncées<br />

neuf mois plus tôt, en y ajoutant la<br />

levée du mandat d’arrêt international à<br />

son encontre émis par le gouvernement<br />

Mai 2013 ● Afrique Asie<br />

Wade. Pour établir un « climat favorable<br />

» aux discussions, Sant’Egidio<br />

lui a demandé de faire un geste « humanitaire<br />

» : libérer huit prisonniers de<br />

guerre. Ce qui fut fait très protocolairement<br />

le 9 décembre 2012 en territoire<br />

casamançais.<br />

Le 12 avril dernier, les choses se<br />

sont accélérées : malgré des attaques<br />

meurtrières en février – non revendiquées<br />

–, Sant’Egidio, « informée<br />

par la présidence de la République<br />

du Sénégal », a annoncé : « Il<br />

n’existe aucun mandat d’arrêt<br />

envers Salif Sadio. » Cinq jours plus<br />

tard, en exclusivité sur la chaîne<br />

télévisée nationale, la RTS, Ousmane<br />

Niantang Diatta s’est publiquement<br />

engagé en faveur des pour-<br />

D. R.<br />

parlers : « Trop de sang a coulé en<br />

Casamance. La peur a été installée<br />

partout, à cause de la guerre. […]<br />

Je demande à tous les combattants,<br />

de l’est à l’ouest, de déposer les<br />

armes, pour un troisième cessez-le-<br />

feu, pour aboutir à la paix avec des<br />

négociations justes et sincères. »<br />

La fin d’un long cauchemar pour les<br />

Casamançais, dont les jeunes n’ont<br />

connu que la guerre ? Même si les<br />

héros sont manifestement fatigués et<br />

que Sadio semble s’être affranchi de<br />

son tuteur, le Gambien Yayah Jammeh,<br />

régulièrement accusé par Dakar<br />

de vouloir entretenir l’instabilité au<br />

Sénégal, rien n’est moins sûr. Car il<br />

faudra démanteler toute l’économie de<br />

guerre qui gangrène la Casamance<br />

depuis trois décennies : pillages, razzias,<br />

trafics de bois, de drogue, de<br />

primes aux fausses intermédiations…<br />

La guerre du développement a commencé.<br />

■<br />

« JE DEMANDE À TOUS LES COMBATTANTS, DE L’EST<br />

À L’OUEST, DE DÉPOSER LES ARMES. » OUSMANE NIANTANG DIATTA

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