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54 Asie<br />
Pakistan Alors que le terrorisme endeuille toujours la population, la campagne pour les<br />
élections générales du 11 mai bat son plein. Les civils espèrent être reconduits, dans un pays<br />
que certains ne sont pas loin de considérer comme « failli ». Pourtant, si beaucoup de choses<br />
dysfonctionnent, d’autres marchent plutôt bien…<br />
Par Salil Sarkar<br />
On a compté 6211 personnes<br />
mortes dans des attentats terroristes<br />
au Pakistan l’an dernier.<br />
Quelques dizaines de moins<br />
qu’en 2011. Les victimes sont souvent<br />
des civils, mais les assaillants – des<br />
militants islamistes pour la plupart –<br />
sont aussi du nombre. Cette année, le<br />
total s’élève à 1 930 jusqu’à la fin<br />
mars. Une très légère amélioration, les<br />
pires années ayant été 2008, 2009 et<br />
2010. Le score macabre est même<br />
monté à près de 12000 en 2009 (1) .<br />
Malgré l’accalmie toute relative, les<br />
tueries se poursuivent dans et autour<br />
des grandes villes comme Peshawar,<br />
au nord, Lahore, à l’est, Quetta, à<br />
l’ouest, et surtout Karachi, grande<br />
ville portuaire et capitale financière. Et<br />
cela se passe souvent au nez et à la<br />
barbe des autorités pakistanaises.<br />
◗ 1,25 dollar par jour<br />
Qui fait parler la poudre? Des<br />
groupes sunnites ultra sectaires comme<br />
le Lashkar-i-Jhangvi (l’armée de<br />
Jhangvi, du nom d’un islamiste pakistanais<br />
historique) visent les chiites.<br />
Des taliban pakistanais attaquent des<br />
civils en espérant déstabiliser les autorités.<br />
Mais aussi des partis politiques<br />
ayant pignon sur rue qui se battent<br />
entre eux pour gagner du terrain. Sans<br />
compter une insurrection séparatiste au<br />
Baloutchistan, au sud-ouest du pays.<br />
L’armée a peut-être les moyens de<br />
mettre fin aux attentats, mais les militaires<br />
disent qu’ils n’agiront que si le<br />
gouvernement le leur demande. Or le<br />
gouvernement, mené par un Parti du<br />
peuple (PPP) contrôlé par les proches<br />
de l’ancien premier ministre Benazir<br />
Bhutto, hésite à donner l’ordre à l’armée<br />
d’intervenir. Le Pakistan a passé<br />
une trentaine d’années, presque la moi-<br />
Un État déliquescent ?<br />
tié de son existence en tant que pays<br />
indépendant, sous régime militaire.<br />
Le journaliste Ahmed Rashid écrit (2)<br />
que le PPP a toujours été incapable<br />
d’affronter les djihadistes. D’autres<br />
partis politiques en revanche ont fait<br />
maintes compromissions avec eux<br />
pour obtenir quelques avantages politiques.<br />
Selon Rashid, « presque tous<br />
les groupes extrémistes ont un chezsoi<br />
dans la province du Pendjab,<br />
dirigé par le Pakistan Muslim League<br />
(PML) ». Rappelons que le PML, loin<br />
d’être un parti djihadiste ou salafiste,<br />
est un groupement de bourgeois des<br />
villes et de riches propriétaires ruraux,<br />
tout comme son rival, le PPP. Et, plus<br />
que les autres partis, il est passé maître<br />
dans l’acrobatie politique. Ne craignons<br />
donc pas qu’il encourage les<br />
djihadistes s’il revient au pouvoir, à<br />
l’issue des élections prévues le 11 mai.<br />
Il l’espère bien. Pour la première fois<br />
dans l’histoire du Pakistan, un gouvernement<br />
civil pourra succéder à un gouvernement<br />
civil sortant, clament l’élite<br />
pakistanaise et ses amis et alliés à<br />
l’étranger. Pour la première fois aussi,<br />
l’administration sortante, celle du PPP,<br />
aura pu régner durant tout le quinquennat<br />
pour lequel ce parti a été élu. Mais<br />
le fait que ce pouvoir soit civil ne<br />
semble pas éveiller l’extase au sein du<br />
peuple. Car le bilan de tous les pouvoirs,<br />
qu’ils soient civils ou militaires,<br />
est loin d’être brillant.<br />
Avec pas loin de 180 millions d’habitants,<br />
le Pakistan représente la 27 e<br />
économie du monde (en parité de pouvoir<br />
d’achat). Environ 28 % de la<br />
population sont officiellement consi-<br />
LE BILAN DE TOUS LES POUVOIRS, QU’ILS SOIENT<br />
CIVILS OU MILITAIRES, EST LOIN D’ÊTRE BRILLANT.<br />
Mai 2013 ● Afrique Asie<br />
dérés comme étant en dessous du seuil<br />
de la pauvreté, vivotant avec moins de<br />
1,25 dollar américain par jour. Pour<br />
l’indice de développement humain<br />
(IDH) publié chaque année par le Programme<br />
des Nations unies pour le<br />
développement, le Pakistan partage la<br />
146 e place avec le Bangladesh, soit dix<br />
rangs derrière l’Inde. La moitié des<br />
adultes, dont les deux tiers des femmes,<br />
est analphabète, et 12 millions d’enfants<br />
ne sont pas scolarisés. La faim et<br />
la malnutrition sont un problème clé,<br />
écrit Arshad Mahmood, un militant<br />
des droits de l’enfant. Selon lui,<br />
400 000 enfants meurent chaque année<br />
avant d’atteindre l’âge de 5 ans. Plus<br />
du tiers de ces décès est à attribuer à la<br />
carence alimentaire, souligne-t-il. Des<br />
millions d’enfants travaillent au Pakistan,<br />
y compris comme domestiques<br />
chez les politiciens, et le nombre d’enfants<br />
vivant et travaillant dans la rue<br />
est en augmentation (3) .<br />
Le 11 mai, les Pakistanais éliront<br />
donc la Chambre basse du Parlement<br />
national, ainsi que quatre Assemblées<br />
provinciales – au Pendjab, à Sindh, au<br />
Baloutchistan et chez les Pachtous à<br />
Khyber Pakhtunhwa. À la Commission<br />
des droits de l’homme du Pakistan,<br />
le secrétaire général I.A. Rehman<br />
avertit pourtant que la moitié des<br />
sièges de l’Assemblée nationale se<br />
trouve dans les « zones à craindre »,<br />
ou la peur des violences pourrait pousser<br />
des électeurs à fuir les urnes et certains<br />
candidats à se retirer de la course.<br />
Dans d’autres endroits, des candidats<br />
pourraient être contraints d’obtenir<br />
l’approbation des extrémistes pour