AF90complet (1).pdf - CongoForum
AF90complet (1).pdf - CongoForum
AF90complet (1).pdf - CongoForum
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
36 Afrique<br />
Afrique du Sud La mort des treize soldats sud-africains tués en République centrafricaine lors<br />
d’un affrontement avec les troupes rebelles Seleka a fait scandale et continue de soulever des<br />
questions.<br />
Par Christine Abdelkrim-Delanne<br />
Annoncée par Jacob Zuma au<br />
cours de la conférence de presse<br />
d’ouverture du sommet des Brics<br />
(Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du<br />
Sud) le 26 mars, la mort de treize soldats<br />
en République centrafricaine (RCA) a<br />
créé un nouveau traumatisme au sein de<br />
la population. Ce drame est considéré<br />
comme un « fiasco » dans le pays et a<br />
attiré au président sud-africain de nouvelles<br />
critiques et accusations dont il<br />
n’avait pas besoin.<br />
◗ Les critiques de l’armée<br />
Quelques jours plus tôt, le 22 mars, il<br />
avait reçu « en urgence » François Bozizé,<br />
président centrafricain aux abois. Il réaffirmait<br />
la présence des 400 soldats sudafricains<br />
en Centrafrique déployés en janvier<br />
et confirmait leur mission d’« aider »<br />
à instaurer la paix et de former l’armée de<br />
ce pays. Cela en vertu d’un accord de<br />
coopération (de « protection », disent certains<br />
à Pretoria) de 2007, reconduit fin<br />
2012, alors que les rebelles de la Séléka,<br />
considérés par Zuma comme des « bandits<br />
», étaient aux portes de Bangui.<br />
Tous les témoignages, aujourd’hui,<br />
confirment que les forces armées sudafricaines<br />
(SANDF) envoyées à l’insu du<br />
Parlement combattaient aux côtés de<br />
celles de la RCA. Cette intervention hors<br />
de la zone de la Communauté de développement<br />
d’Afrique australe (SADC)<br />
n’avait pas reçu l’accord du Conseil de<br />
paix et sécurité de l’Union africaine. De<br />
même que l’Afrique du Sud a totalement<br />
ignoré le processus de paix mis en place<br />
par la Communauté économique des<br />
États de l’Afrique centrale (CEEAC) qui<br />
exigeait, entre autres, le retrait de toutes<br />
les forces étrangères de Centrafrique.<br />
C’est du Syndicat national des forces<br />
armées sud-africaines (SADFU) que sont<br />
venues les premières critiques. « Le président<br />
aurait dû retirer nos troupes au<br />
moment même où Bozizé a déshonoré ses<br />
L’aventure ratée de Zuma<br />
obligations et cet accord [celui de la<br />
CEEAC] aurait dû être le signal du<br />
retrait de nos soldats de ce pays », a<br />
déclaré Pikkie Greeff, son secrétaire<br />
général. En outre, selon un rescapé de<br />
l’attaque des Séléka, menée par 3 000<br />
hommes contre 200, les unités sud-africaines<br />
sur place demandaient depuis un<br />
mois des munitions dont ils étaient à<br />
court, sachant que la confrontation avec<br />
les rebelles était inévitable et imminente.<br />
« On nous a répondu que les rebelles ne<br />
viendraient pas, que ce n’était que de la<br />
politique. C’est pour ça que nos soldats<br />
sont morts ! » c’est grâce à l’intervention<br />
des parachutistes français que les blessés<br />
ont pu être évacués, explique ce témoin<br />
dont les propos ont été ensuite confirmés<br />
par d’autres soldats rescapés. Néanmoins,<br />
selon plusieurs sources, le nombre des<br />
victimes serait beaucoup plus élevé.<br />
À la suite du rapport des SANDF et de<br />
ses zones d’ombre, l’opposition, notamment<br />
l’Alliance démocratique (DA), a<br />
demandé une enquête parlementaire.<br />
« Les soldats semblent avoir été laissés<br />
sans soutien militaire. Nous devons<br />
savoir pourquoi les SANDF ont été<br />
déployées en RCA, comment sont morts<br />
les treize soldats. Finalement, la décision<br />
du président Jacob Zuma de déployer les<br />
SANDF en RCA – en réalité pour soutenir<br />
François Bozizé – a été un désastre<br />
complet », écrit David Maynier, le porteparole<br />
de DA, dans une lettre à son<br />
homologue de l’Assemblée nationale<br />
Max Sisulu, auquel il demande de mettre<br />
en place une commission multipartite ad<br />
hoc d’enquête.<br />
La question centrale reste donc : pourquoi<br />
les soldats sud-africains se battaient-ils<br />
pour une cause aussi trouble? Il<br />
faut revenir 7 ans an arrière pour comprendre<br />
l’engagement de l’Afrique du<br />
Sud dans ce pays d’Afrique centrale. En<br />
janvier 2006, alors que François Bozizé<br />
était déjà confronté aux attaques de<br />
rebelles fidèles au président Ange-Félix<br />
Patassé et cherchait le soutien sud-afri-<br />
Mai 2012 ● Afrique Asie<br />
D. R.<br />
L’embarras du président sud-africain<br />
après la déconvenue de l’armée.<br />
cain, des représentants des SANDF se<br />
rendaient en Centrafrique pour une<br />
« mission d’enquête ». Bozizé faisait le<br />
voyage à Pretoria en avril. Il rencontrait<br />
« un large éventail d’hommes d’affaires<br />
et d’organisations qui ont des intérêts en<br />
RCA, particulièrement dans les mines et<br />
l’exploration minière », selon un communiqué<br />
des Affaires étrangères. Plusieurs<br />
contrats allaient âtre signés, même<br />
si aucun d'entre eux n'était encore dans la<br />
phase d'entre en production. En tout cas,<br />
le télégramme diplomatique américain<br />
de décembre 2006, en reconnaissait l'enjeu<br />
: l’intervention sud-africaine, lit-on,<br />
visait à « stabiliser » la RCA, mais « les<br />
intérêts miniers ont, sans aucun doute,<br />
joué un rôle dans la décision de s’impliquer<br />
».<br />
Aujourd’hui, une enquête devrait faire<br />
toute la lumière sur ce background. En<br />
est-on si sûr ? « Le problème en Afrique<br />
du Sud, c’est que tout le monde veut diriger<br />
le pays. Il faut considérer aussi que<br />
les questions et les décisions militaires<br />
ne sont pas des questions à discuter en<br />
public », a déclaré Jacob Zuma dans son<br />
allocution de condoléances aux familles,<br />
ne laissant espérer aucune transparence<br />
sur cette affaire. Comme il l’a fait pour<br />
tant d’autres auparavant. ■