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se sont massivement abstenus. Le<br />

Forum social mondial (FSM), rassemblement<br />

pluriannuel des altermondialistes,<br />

n’a pas drainé les foules. Il s’est<br />

terminé en queue de poisson.<br />

À la Marsa, le propriétaire du principal<br />

bazar de cette station balnéaire prisée,<br />

tiré d’une sieste qui semblait<br />

devoir se prolonger, confirme avec<br />

une pointe de colère dans la voix :<br />

« On est fatigués, on n’y arrive plus. »<br />

Il ne faut pas trop le pousser pour qu’il<br />

crie fort son exaspération : « On en a<br />

marre des blocages, du chômage, des<br />

cambriolages, des vols et des rapines.<br />

On en a marre du désordre. Vivement<br />

la sécurité, vivement la stabilité, vive<br />

Ben Ali! » Autour de lui les clients<br />

baissent les yeux. Aucun ne désapprouve.<br />

Même spectacle de camp retranché<br />

devant le ministère de l’Intérieur, en<br />

plein centre-ville, avenue Habib-Bourguiba,<br />

que les militants islamistes et<br />

leurs auxiliaires des LDR voudraient<br />

rebaptiser « avenue de la Révolution<br />

». Saisis d’une fièvre révisionniste,<br />

ils clament, l’écume aux lèvres,<br />

que l’histoire de la Tunisie doit être<br />

réécrite de A à Z pour que soit effacé à<br />

jamais le souvenir de Habib Bourguiba,<br />

père de la Nation et du Destour,<br />

le parti de l’indépendance, leur bête<br />

noire. Déjà, sous leur pression, les<br />

fêtes de l’Indépendance, le 20 mars, et<br />

des Martyrs, le 9 avril, point de basculement<br />

de la lutte nationale, ont été<br />

zappées.<br />

Paradoxalement, à quelques jours<br />

d’intervalle, le treizième anniversaire<br />

de la disparition de Bourguiba, mort<br />

dans l’isolement et la solitude après sa<br />

destitution par Zine el-Abidine Ben<br />

Ali, était commémoré avec ferveur par<br />

le peuple dans sa ville natale de<br />

Monastir. Le président provisoire de la<br />

République, Moncef Merzouki, vilipendé<br />

pour avoir promis l’opposition à<br />

la potence s’il accédait au pouvoir, et<br />

qui vient ingénument d’aggraver son<br />

cas en menaçant d’intenter des procès<br />

contre ceux qui critiqueraient le Qatar,<br />

promu bienfaiteur de la Tunisie, s’est<br />

invité aux cérémonies. Il y a célébré, à<br />

la sauvette, les multiples vertus du<br />

« bourguibisme », cette « voie<br />

moyenne », subtil dosage d’authenticité<br />

et de modernité, qui reste la<br />

marque du « combattant suprême ».<br />

Repentance ou récupération ? Posture<br />

tactique en tout cas. Car, la plupart<br />

des Tunisiens, même ceux qui<br />

s’en étaient écartés, considèrent que<br />

cette « voie moyenne », combinée à<br />

l’exercice des libertés démocratiques,<br />

reste le seul antidote à l’obscurantisme<br />

envahissant. Merzouki n’est pas loin<br />

de considérer que son unique planche<br />

de salut réside désormais dans le<br />

« marais destourien ». Abandonné par<br />

les siens, soutenu par Ennahdha<br />

comme la corde soutient le pendu, il<br />

croit pouvoir se présenter aux prochaines<br />

élections comme un<br />

« recours », l’homme du salut national,<br />

sur la base d’une synthèse réconciliant<br />

islam et démocratie, à la turque.<br />

Sans mystère, l’électorat destourien<br />

est le principal enjeu du scrutin national<br />

destiné à clore une transition<br />

vieille de plus de deux ans qui n’a que<br />

trop duré. La date de cette élection,<br />

annoncée pour la fin de l’année, fait<br />

l’objet, dans une totalité opacité, de<br />

mystérieuses tractations entre les dirigeants<br />

de la coalition majoritaire à<br />

l’Assemblée constituante. Ses<br />

membres, confortablement payés et<br />

bénéficiant d’immunités diverses, ne<br />

semblent pas pressés de remettre en<br />

jeu leur mandat.<br />

◗ Économie dans le rouge<br />

Merzouki n’est pas seul sur ce créneau.<br />

Le guide d’Ennahdha, Rached<br />

Ghannouchi, mettant en sourdine ses<br />

alliances ratées avec les salafistes et<br />

les LDR, multiplie lui aussi les avances<br />

en direction des destouriens. Au grand<br />

dam de son aile dure, qui veut les<br />

exclure pour longtemps, sinon à<br />

jamais, du paysage politique. Il chercherait<br />

ainsi à élargir sa base afin de<br />

faire contrepoids à ses encombrants<br />

alliés. Il vient de réaffirmer qu’Ennahdha<br />

ne « peut pas et ne veut pas<br />

gouverner seule », et « même avec<br />

51 % des voix, elle ne le pourrait<br />

pas ». Il reconnaît ainsi le poids et le<br />

rôle des « forces vives » dans l’administration,<br />

l’université, l’armée, la<br />

police et le monde des affaires, qui lui<br />

LE PRÉSIDENT PROVISOIRE MONCEF MERZOUKI<br />

EST SOUTENU PAR ENNAHDHA COMME LA CORDE SOUTIENT LE PENDU.<br />

Mai 2013 ● Afrique Asie<br />

restent résolument hostiles.<br />

« Ennahdha a la quantité mais pas la<br />

qualité », a-t-il avoué.<br />

C’est sans doute pour couper l’herbe<br />

sous les pieds de Nidaa Tounes que les<br />

représentants d’Ennahdha à l’Assemblée<br />

constituante ont, à la surprise<br />

générale, fomenté un coup tordu en<br />

adoptant en commission un avant-projet<br />

de loi privant de leurs droits<br />

civiques pour au moins dix ans des<br />

milliers de responsables ayant exercé<br />

des fonctions politiques sous la bannière<br />

du Rassemblement démocratique<br />

constitutionnel (RCD, dissous) de Ben<br />

Ali. La peur de l’échec électoral n’est<br />

pas étrangère à ce début de panique.<br />

« Les dirigeants islamistes, qui ont<br />

pris le pouvoir par effraction dans des<br />

circonstances exceptionnelles, à la<br />

faveur d’une loi électorale taillée sur<br />

mesure, craignent qu’un échec électoral<br />

marque la fin de l’hégémonie<br />

qu’ils exercent depuis près de deux<br />

ans sur le monde politique. Rentrés<br />

pour la plupart d’un long exil, leur<br />

enracinement dans le pays est faible.<br />

Ils se comportent en étrangers et sont<br />

imprégnés de la culture islamique du<br />

“butin” à partager, qui est aux antipodes<br />

de la culture de l’État propre au<br />

bourguibisme », explique déçu et troublé,<br />

un cadre supérieur à la retraite.<br />

La lettre d’intention signée avec le<br />

FMI, que les autorités voudraient faire<br />

passer pour un bon point, a jeté le<br />

trouble dans le pays. Tous les indicateurs<br />

économiques sont au rouge vif:<br />

dette publique excessive (48 % du<br />

PIB), déficit commercial qui se creuse,<br />

solde négatif de la balance des paiements,<br />

inflation galopante (6,5 %),<br />

chômage en hausse (17,6 % en<br />

moyenne, et chômage des jeunes crevant<br />

les plafonds), croissance en<br />

berne. Appelé au secours, le FMI, en<br />

contrepartie d’un prêt de soutien à la<br />

balance des paiements, a dicté ses<br />

conditions habituelles d’inspiration<br />

néolibérale : réduction drastique des<br />

subventions aux produits de base et<br />

aux carburants, bradage des dernières<br />

entreprises publiques, allégements de<br />

la fiscalité des entreprises, gel des<br />

salaires et des allocations sociales, etc.<br />

Alors que les Tunisiens ne cessent de<br />

découvrir l’étendue de la pauvreté<br />

cachée, cette politique d’austérité<br />

dévastatrice frappera en premier lieu<br />

les plus pauvres. Elle annonce des<br />

explosions sociales à venir, prévient<br />

l’UGTT. ■<br />

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