Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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Vendredi 29 mars 2013
Un nombre croissant de jeunes
Européens partent se battre en Syrie
Les spécialistes de la lutte antiterroriste s'inquiètent des conséquences de cet embrigadement
Bruxelles
Bureau européen
Les responsables européens
de l'antiterrorisme s'alar¬
ment du nombre croissant
de jeunes qui rejoignent les rangs
des groupes islamistes combat¬
tant en Syrie. Us mettent enéviden¬
ce, d'une part, les risques que cou¬
rent ces jeunes, parfois inexpéri¬
mentés, dans une zone de conflits
très violents et, d'autre part, les
menaces pour la sécurité intérieu¬
re que pourraient représenter, à
terme, certains de ces combattants
revenant en Europe après avoirété
endoctrinés et formés par des
groupes proches de la mouvance
Al-Qaida.
Un rapport du ministère de l'in¬
térieur britannique évoqué mer¬
credi 27 mars par The Times, éva¬
lue à 70, voire 100, le nombre de
Britanniques qui auraient rejoint
le Front Al Nosra, l'un des groupés
combattants les plus structurés,
les plus radicaux et les mieux
armés. Certains de ces jeunes se
seraient déjà battus ailleurs.
D'autres subiraient, en Syrie, leur
baptême du feu.
Les Pays-Bas pensent que trois
de leurs-ressortissants, sans doute
recrutés dans une mosquée,
auraient été tués dans les com¬
bats. La Belgique estime que de
50 à 80 combattants sontdéjà par¬
tis en Syrie, dont deux jeunes Fla¬
mands convertis et probablement
approchés puis recrutés par le
groupe dissous Sharia4Belgitim,
dont le dirigeant, Fouad Belka-
cem, est assigné à résidence. Les
parents de Jeroen Bontinck, 18 ans,
et Brian de Mulder, 19 ans, ont
raconté qu'ils ignoraient la conver¬
sion de leurs enfants au salafisme
et leur départ vers la Syrie.
D'autres témoignages ont évoqué
l'embrigadement de mineurs à
Bruxelles.
« Le plus inquiétant est que des
jeunes se radicalisent en quelques
semaines», relève Erwin Bakker,
spécialiste du contre-terrorisme à
l'université néerlandaise de Ley-
de. Le rapport du ministère britan¬
nique de l'intérieur parle de ces
recrutements comme d'« un pro¬
blème européen ».
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Des rebelles syriens apprennent le maniement d'un lance-roquettes, près d'Idlib, en décembre 2012. ap
Aaron Zelin, un chercheur du
Washington Institute for Near East
Policy, un think tank américain,
estime que de 2000 à 5 000 étran¬
gers sont en Syrie. Parmi eux figu¬
rent plusieurs centaines d'Euro¬
péens, venus notamment des Balk¬
ans, de Grande-Bretagne, de Fran¬
ce, d'Allemagne ou d'Espagne,
selon Gilles de Kerchove, coordina¬
teurde l'Unioneuropéenne pourla
lutte contre le terrorisme.
Leur profil n'est pas uniforme.
«Ily a des idéologues, des idéalis¬
tes, mais aussi des gens qui veulent
simplement afficherleursolidarité
avec une rébellion que, ne
l'oublionspas, nous soutenons offi¬
ciellement », souligne Gilles de Ker¬
chove. Il apparaît toutefois que les
filières de recrutement les plus
actives sont liées à la mouvance la
plus extrémiste. «£rsi tous les jeu¬
nes quipartentne sontpas des com¬
battants au dépari, ils risquent de
côtoyer sur place les éléments les
plus dangereux dans un conflit qui
s'éternise», ajoute le coordinateur
européen.
Les enquêtes sur les canaux de
recrutement restent, à ce stade, bal¬
butiantes. «Il n'est pas ceriain que
toutes les recrues passent par des
filières », note M. de Kerchove. Dans
certains cas, des jeunes ont tout
simplement recherché sur Inter¬
net un billet d'avion vers la Tur¬
quie, d'où ils comptaient passer
ensuite en Syrie. D'autresvoyagent
en avion charter, par groupe de
trois ou quatre, d'Allemagne vers
Antalya. Ils disposent d'une adres¬
se de contact dans la zone frontaliè-
De retour en Europe,
les combattants
étrangers peuvent
représenter
une menace pour
la sécurité intérieure
re et l'appellent dès leur arrivée.
Très préoccupée par le phéno¬
mène, la ministre belge de l'inté¬
rieur a créé une « task force »
regroupantdifférents services offi¬
ciels visant à endiguerla radicalisa-
tion et ses conséquences. Une
tâche a priori très difficile, jugent
des experts. Car le sentiment d'ap¬
partenance à un groupe, la colère
face au déséquilibre des forces en
Syrieou le simple attrait d'un com¬
bat - dont la réalité est mécon¬
nue- peuvent attirer fortement
des jeunes.
Si cette « task force » belge peut
difficilement empêcher les
départs, elle peut être d'un grand
secours quand ces jeunes revien¬
dront en Europe, juge Erwin Bak¬
ker. Souvent, ils reviennent déçus.
Il n'est pas rare que ceux qui les
accueillent les méprisent et les
considèrent comme des amateurs,
seulement utiles pour leur propa¬
gande. Les groupes djihadistes se
méfient aussi de ceux qu'ils peu¬
vent percevoir comme des.
espions. Et la plupart de ces jeunes
n'auront effectué que des tâches
subalternes, comme l'évacuation
des cadavres.
« Leurfrustration peut renfor¬
cer, à leur retour, leur radicalisme
et leur volonté d'en découdre, relè¬
ve un spécialiste européen. Si cer¬
tains doivent être traduits en jus¬
tice, d'autres peuvent être aidés. Ils
pourront notammentservirà infor¬
mer ceux qui songeraient à suivre
leurexemple.» m
Jean-Pierre Stroobants
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