Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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LE FIGARO
jeudi 21 mars 2013
Dix ans après la guerre, l'Irak
reste un pays sans État
Sur fond de violence persistante, Bagdad n'a pas encore trouvé
les équilibres politiques nécessaires à son redécollage.
GEORGES MALBRUNOT
MOYEN-ORIENT L'anniversaire est
passé inaperçu, aussi bien à Washing¬
ton qu'à Bagdad : dix ans après le lan¬
cement de la guerre qui a chassé le dic¬
tateur Saddam Hussein du pouvoir,
Nouri al-Maliki,- le premier ministre
irakien, et le président Barack Obama
sont restés extrêmement discrets sur
cet événement. Obama a salué le « sa¬
crifice » des soldats américains engagés
sur le terrain, mais a passé sous silence
les 110 000 victimes civiles irakiennes
d'un conflit déclenché par son prédé¬
cesseur George Bush. Quant à Maliki,
son agenda ne prévoyait aucune célé¬
bration. N'y aurait-il rien à fêter ? Cer¬
tes, les Irakiens sont aujourd'hui à peu
près libres d'exprimer leurs opinions,
ce qui était absolument impensable
sous la dictature baasiste. Mais au-delà,
les acquis restent rares.
Maliki trop autoritaire
La violence, même en net recul par rap¬
port aux années de sang 2006-2008,
reste encore élevée (en moyenne 300
morts chaque mois). Les institutions
fonctionnent très mal. Et dans ce vieux
pays phare du panarabisme, le senti¬
ment national semble avoir irrémédia¬
blement cédé la place au confessionna-
lisme. Bref, comme le souligne Hosham
Dawood, chercheur au CNRS basé en
Irak, « le pays se cherche toujours un
point d'équilibre ». L'Irak reste un pays
sans État. Pourtant, ajoute M. Dawood,
le « pouvoir politique est surdimensionné
par rapport aux institutions ». Maliki est
critiqué pour ses penchants autoritaires,
aussi bien par ses anciens alliés kurdes -
les grands vainqueurs de l'après-guerre
t que par ses rivaux sunnites - les
grands perdants de la nouvelle donne -
et même par sa propre communauté
chiite, sur laquelle le voisin iranien veille
à ne pas perdre un certain contrôle. Si
l'État et l'armée ont été volontairement
brisés pour ne plus menacer, ni Israël ni
les alliés américains du Golfe, l'adminis-
Des civils
\
produite dans la nuit de mardi à mercredi, à Kirkouk, au nord de IBRAHIM/AFP
tration, elle, reste pléthorique : 1,5 mil¬
lion de fonctionnaires au Kurdistan pour
4,4 millions d'habitants. « JVorts sommes
restés dans un système communiste avec
un État-providence comme du temps de
Saddam, confie un homme d'affaires
français. Les jeunes Irakiens veulent être
dans l'administration, ils savent
qu'Us seront protégés par leurs
chefs de communautés. » Mais
l'Irak ne compte plus un
père nourricier comme du
temps de Saddam, mais
trois, quatre, voire cinq.
Ce sont les ténors des prin¬
cipaux partis, tous liés à une
confession : Maliki pour les
chiites, mais aussi Moqtada al-
Sadr, son rival chez les descen¬
dants d'Ali, Iyad Allaoui pour les sunni¬
tes et Massoud Barzani pour les Kurdes.
Dans le système confessionnel mis en
place par les Américains en 2003, les uns
et les autres se partagent les ministères,
où l'efficacité n'est vraiment pas une
'exigence, sauf au Pétrole, la poule aux
d'or de l'Irak.
Corruption généralisée
Répondant à un appel d'offres, des diri¬
geants d'un groupe français se sont vu
répondre : « Mais comment ? Vous ne
nous avez pas amené d'enveloppe. À
chaque étape de la procédure, les Co-
3,1
Se
C'est la production
quotidienne
pétrole en
réens, eux, nous en donnent une. » Si les
Bagdadiens doivent encore se conten¬
ter de quatre heures d'électricité par
jour, leur pays est pourtant immensé¬
ment riche. La production de pétrole
atteint 3,1 millions de bariis-jour,
contre un peu plus de 2 millions en
2003. Mais faute de sécurité avec
les attentats perpétrés par la
branche locale d'al-Qaida,
de nombreux investisse¬
ments ne sont pas réali¬
sés. Mieux même : des li¬
gnes de crédit au budget
de l'État ne trouvent pas
d'allocations. Mais « à
partir du moment où les
principaux dirigeants des dif¬
férentes communautés sont inté¬
ressés au gâteau, personne n'a intérêt à
ce que le système change », souligne un
autre observateur, d'autant plus pessi¬
miste que l'Irak est devenu, avec le
conflit en Syrie, l'autre champ clos des
rivalités régionales. L'Iran soutient le
pouvoir chiite à Bagdad, tandis que le
Qatar et l'Arabie Saoudite sunnites font
tout pour empêcher la réussite du pre¬
mier pouvoir chiite arabe, installé par la
grâce de Washington. Bref, dans un
pays où la classe moyenne a largement
disparu et où la nouvelle élite chiite se
fait attendre, le peuple a encore bien du
mal à goûter aux fruits de la liberté, m
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