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Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Basin Öz<strong>et</strong>i<br />

Irak: "dix ans après<br />

l'invasion, le risque<br />

d'une guerre civile"<br />

Dix ans après l'invasion <strong>de</strong> l'Irak par les<br />

Américains <strong>et</strong> les Anglais, le point sur la<br />

situation dans le pays, où stabilité <strong>et</strong> sécurité<br />

sont loin d'être acquis.<br />

Magali Rangin<br />

20 / mars / 2013<br />

Des manifestants contre le gouvernement irakien, réclamant la<br />

démission du Premier ministre, le 15 mars, à Ramadi, en Irak. (Azhar<br />

Shallal - AFP)<br />

D<br />

ix ans après la mission Iraqi Freedom, menée par les<br />

Américains <strong>et</strong> les Anglais, pour renverser Saddam Hussein, l'Irak<br />

est toujours un pays d'une gran<strong>de</strong> instabilité, déchiré par <strong>de</strong>s tensions<br />

entre communautés <strong>et</strong> secoué par <strong>de</strong>s attentats terroristes.<br />

Pourquoi, alors que le pays s'est doté d'une constitution <strong>et</strong> est re<strong>de</strong>venu<br />

un grand pays exportateur <strong>de</strong> pétrole, la situation est-elle toujours<br />

aussi instable d'un point <strong>de</strong> vue politique <strong>et</strong> communautaire?<br />

Karim Pakzad, chercheur à l'Iris, spécialiste <strong>de</strong> l'Irak, analyse pour<br />

BFMTV.com une situation complexe aux sources <strong>de</strong> tension multiformes.<br />

Quelle est la situation politique en Irak aujourd'hui?<br />

L'Irak connait une crise politique multiforme. Malgré les élections<br />

législatives <strong>et</strong> la formation d'un parlement, il y a <strong>de</strong> nombreuses tensions,<br />

d'une part entre la communauté chiite qui gouverne l'Irak <strong>et</strong> qui<br />

compose la majorité <strong>de</strong> la population, <strong>et</strong> les sunnites, mais aussi<br />

entre les Kur<strong>de</strong>s <strong>et</strong> le gouvernement. Après la chute <strong>de</strong> Saddam<br />

Hussein, les Irakiens se sont dotés d'une constitution qui leur a permis<br />

d'organiser <strong>de</strong>s élections dans <strong>de</strong>s conditions assez satisfaisantes,<br />

à laquelle l'ensemble <strong>de</strong>s communautés ont eu accès.<br />

Mais c'est la communauté chiite, majoritaire en Irak, qui gouverne.<br />

Entre sunnites <strong>et</strong> chiites, le conflit date <strong>de</strong> l’intervention américaine,<br />

qui a privé les arabes sunnites du pouvoir. Jusqu'à 2003, les sunnites<br />

gouvernaient. Ils ont perdu le pouvoir à la suite <strong>de</strong>s élections.<br />

Quelles sont les critiques émises à l’encontre du gouvernement<br />

irakien?<br />

Les sunnites accusent le Premier ministre d'autoritarisme <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

monopoliser le pouvoir. Nouri al-Maliki, en place <strong>de</strong>puis 2006, est à la<br />

fois Premier ministre, ministre <strong>de</strong> la Défense, <strong>de</strong> l'Intérieur <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

Sécurité nationale.<br />

De leur côté, les Kur<strong>de</strong>s accusent le gouvernement <strong>de</strong> Maliki <strong>de</strong> ne<br />

pas appliquer la constitution. Celle-ci prévoit un système fédéral en<br />

Irak. Les Kur<strong>de</strong>s ont appliqué ce principe, dès le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong><br />

l'adoption <strong>de</strong> la constitution. Ils ont leur propre gouvernement, leur<br />

propre prési<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> leur propre parlement. Mais les chiites <strong>et</strong> les sunnites<br />

n'ont pas encore appliqué ce système.<br />

Les chiites qui détiennent le pouvoir central, <strong>et</strong> les ressources pétrolières,<br />

n'y ont pas intérêt. Les sunnites n'y ont pas intérêt non plus,<br />

parce que les régions qu'ils occupent sont dépourvues <strong>de</strong> ressources<br />

pétrolières.<br />

Y a-t-il un risque <strong>de</strong> guerre civile en Irak?<br />

Tous les éléments d'une guerre civile sont réunis en Irak, si la crise<br />

politique continue. Les sunnites n'ont jamais accepté d'avoir perdu le<br />

pouvoir <strong>et</strong> les chiites ne sont pas disposés à partager ce pouvoir <strong>de</strong><br />

façon équitable.<br />

En outre, la région occupée par les Kur<strong>de</strong>s apparaît presque comme<br />

un état indépendant. C'est une région qui connait un développement<br />

économique foudroyant. Les Kur<strong>de</strong>s revendiquent la ville <strong>de</strong> Kirkouk,<br />

qu'ils considèrent comme leur capitale historique. Mais ni les chiites<br />

ni les sunnites ne sont disposés à leurs cé<strong>de</strong>r. Et la constitution, qui<br />

prévoit un référendum sur le sort <strong>de</strong> Kirkouk, n'est pas appliquée.<br />

La guerre civile peut-elle être évitée?<br />

L'influence <strong>de</strong>s Ayatollah chiites, qui commencent à critiquer <strong>et</strong> prendre<br />

leurs distances vis-à-vis <strong>de</strong> Maliki, pourrait être déterminante. Les<br />

Ayatollah chiites ont en eff<strong>et</strong> une influence extraordinaire sur les<br />

chiites irakiens, le gouvernement irakien, mais aussi sur les chiites du<br />

mon<strong>de</strong> entier.<br />

Plusieurs conditions sont nécessaires pour installer en Irak une certaine<br />

stabilité. Il faudrait d'une part que les prochaines élections, qui<br />

auront lieu dans un an, se déroulent d'une manière satisfaisante, <strong>et</strong><br />

qu'une autre alliance autour <strong>de</strong>s chiites <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Kur<strong>de</strong>s arrive à former<br />

un gouvernement plus acceptable pour les sunnites. D'autre part, il<br />

faudrait que ce gouvernement arrive à limiter l'influence <strong>de</strong>s pays<br />

étrangers comme l'Iran <strong>et</strong> Arabie saoudite.<br />

L'Irak a les moyens suffisants pour se développer. Les revenus pétroliers<br />

irakiens s'élevaient ainsi à 100 milliards <strong>de</strong> dollars en 2012.<br />

Quels sont les autres facteurs <strong>de</strong> déstabilisation du pays?<br />

Avec le renversement <strong>de</strong> Saddam Hussein, l'Irak n'est plus<br />

aujourd'hui un pays uniquement arabe. La consitution irakienne définit<br />

l'Irak comme un pays composé <strong>de</strong> différentes communautés. Ainsi<br />

le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République, Jalal Talabani, est-il kur<strong>de</strong>, <strong>et</strong> le<br />

Premier ministre chiite. Or, l'Arabie saoudite <strong>et</strong> les pays du Golfe persique<br />

(peuplés <strong>de</strong> sunnites) n'ont jamais accepté le pouvoir chiite. A<br />

mesure que les rivalités dans la région entre l'Iran (chiite) <strong>et</strong> l'Arabie<br />

saoudite, les Emirats <strong>et</strong> le Qatar (tous trois sunnites) augmentent,<br />

cela déstabilise un peu plus la situation en Irak.<br />

Depuis dix ans, les attentats ont principalement visé la communauté<br />

chiite. La branche irakienne d'Al-Qaïda, mais aussi les anciens du<br />

parti Baas (le parti <strong>de</strong> Saddam Hussein), ou encore les islamistes irakiens,<br />

tentent <strong>de</strong> déstabiliser l'Irak pour revenir au pouvoir, aidés en<br />

cela par l'Arabie saoudite. Ils tablent sur la marginalisation <strong>de</strong> l'Iran,<br />

menacé par certaines puissances étrangères, qui ne pourrait pas<br />

intervenir en cas <strong>de</strong> guerre civile. C'est aussi l'analyse <strong>de</strong>s nationalistes<br />

sunnites du parti Baas <strong>et</strong> <strong>de</strong>s partis islamistes sunnites. Voilà<br />

pourquoi les attentats anti-chiites continuent.<br />

Enfin, la situation en Syrie envenime la crise politique en Irak. Le gouvernement<br />

irakien craint que le remplacement <strong>de</strong> Bachar al-Assad<br />

(qui est soutenu par l'Iran chiite) ne perm<strong>et</strong>te l'arrivée au pouvoir <strong>de</strong>s<br />

sunnites en Syrie. En renforçant la communauté arabe sunnite cela<br />

renforcerait la crise politique en Irak. Voilà pourquoi le pouvoir irakien<br />

est l'un <strong>de</strong>s gouvernements arabes qui n'est pas tout à fait favorable<br />

à l'opposition syrienne. ■<br />

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