Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Basin Oz<strong>et</strong>i<br />
nous sont parvenus <strong>et</strong>, au regard <strong>de</strong><br />
l'explosion du nombre <strong>de</strong> réfugiés en<br />
Jordanie, ce sont 80 millions qui sont<br />
désormais nécessaires. Fin mars, nous<br />
serons probablement contraints <strong>de</strong><br />
faire un choix entre nos différentes<br />
activités: ce sera vaccinations, éduca¬<br />
tion oufournitured'eau. » De fait, sans<br />
nouveaux apports financiers, le HCR<br />
<strong>de</strong>vra revoir à la baisse le standing<br />
déjà bien peu élevé du camp. «La<br />
situation est tellement difficile, assure<br />
Nida, que si elle se dégra<strong>de</strong> encore il<br />
faudratrouverunesolutionpourquit-<br />
terc<strong>et</strong>teprison à ciel ouvert. Pourquoi<br />
la communautéinternationale nefait-<br />
élle rienpournous?»<br />
A l'entrée du camp, un immense<br />
écheveau <strong>de</strong> camions-citernes, véhi¬<br />
cules d'humanitaires <strong>et</strong> cars <strong>de</strong> réfu¬<br />
giés traversent un champ d'oliviers<br />
rachitiques avant <strong>de</strong> franchir les bar¬<br />
belés qui encerclent le camp. Dans<br />
c<strong>et</strong>te agitation, quelques réfugiés font<br />
le traj<strong>et</strong> dans l'autre sens, autorisa¬<br />
tions en poche, pour fuir Zaatari. A<br />
<strong>de</strong>ux pas, dans une allée à gauche <strong>de</strong><br />
l'entrée, ils sont nombreux à faire la<br />
queue pour obtenir le précieux<br />
sésame: le parrainage par un Jorda¬<br />
nien qui leur perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> sortir du<br />
camp. Un cousin, un ami, l'ami d'un<br />
ami... Il suffit d'une signature pour<br />
fuir c<strong>et</strong> enfer. Les réfugiés sont déjà<br />
plus nombreux hors <strong>de</strong>s camps du<br />
HCR. Selon un <strong>de</strong>rnier décompte, la<br />
Jordanie accueille 450 000 Syriens.<br />
Un poids terrible pour sa fragile éco¬<br />
nomie. Le far<strong>de</strong>au n'estpas seulement<br />
financier. C<strong>et</strong> afflux humain accroît<br />
les pénuries d'eau déjà nombreuses.<br />
Au risque <strong>de</strong> provoquer<strong>de</strong>s secousses<br />
politiques dans un pays qui a multi¬<br />
plié les efforts ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières<br />
années pour éviter toute réplique <strong>de</strong>s<br />
« printemps arabes ».<br />
Lorsque, au csur <strong>de</strong> l'été, Zaatari<br />
se transformera en fournaise, l'eau<br />
<strong>de</strong>viendra le problème numéro un. Et<br />
combien seront-ils alors dans le<br />
camp lorsque l'été arrivera? «Je ne<br />
vois aucunesolution, assène Antoine<br />
Foucher, chef <strong>de</strong> mission <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>¬<br />
cins sans Frontières. Il n'y a pas <strong>de</strong><br />
ressources disponibles. Alors quoi<br />
faire? Construire unpipeline en trois<br />
mois? De toutefaçon il n'y a pas <strong>de</strong><br />
donateurs. Tout le mon<strong>de</strong> a l'air<strong>de</strong> se<br />
satisfaired'un "jusqu'ici, toutvabien"<br />
alors qu'on va droit dans le mur. »<br />
CÉLINELVSSATO<br />
c::r 21 MARS 2013 - N= 2524<br />
UN JOUR, LA PRESENTATRICE A DIT NON<br />
L'évadée <strong>de</strong> Radio Damas<br />
Une héroïne, c'est ainsi que<br />
les médias l'ont présentée<br />
lorsqu'elle a décidé, en<br />
juill<strong>et</strong> <strong>de</strong>rnier, <strong>de</strong> fuir<br />
Damas après avoir dénoncé sur Face-<br />
book la violence du régime. Première<br />
journaliste du pouvoir à faire séces¬<br />
sion, alaouite <strong>de</strong> surcroît- la minorité<br />
du clan Assad -, Ola Abbas (photo) a<br />
eu droit à <strong>de</strong>s hommages planétaires,<br />
d'Al-Jazeera à CNN. «Quellefemme<br />
courageuse!» témoigne encoreMoun-<br />
zerMakhous, l'ambassa<strong>de</strong>ur parisien<br />
du Conseil national syrien. La brune<br />
pulpeuse, ve<strong>de</strong>tte <strong>de</strong> l'Organisme <strong>de</strong><br />
la Radio-Télévision arabe syrienne<br />
(Ortas), a gagné sa place dans l'oppo¬<br />
sition, un statut <strong>de</strong> réfugiée politique<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> nombreuses propositions d'édi¬<br />
teurs l'invitant à se raconter.<br />
L'histoire qu'elle publie chez Michel<br />
Lafon, «Une folie syrienne» (à<br />
paraître le 28 mars),n'estpourtantpas<br />
si glorieuse. C'est là son intérêt Ola<br />
Abbas dissèque, dans un style à l'eau<br />
<strong>de</strong> rose, la naïv<strong>et</strong>é, l'aveuglement, les<br />
lâch<strong>et</strong>ésd'une p<strong>et</strong>ite célébrité d'abord<br />
trop choyée, trop obnubilée par elle-<br />
même, par ses amours <strong>et</strong> ses séances<br />
<strong>de</strong> Botox pour entendre les appels <strong>de</strong><br />
la révolution. «Nous n'avonsjamais<br />
connu d'opposition, dit-elle d'unevoix<br />
indolente. Quand les événements ont<br />
commencéà Tunis,jepensais que cela<br />
ne concerneraitpas la Syrie car nous<br />
avions le cerveau anesthésié. »<br />
Fille d'un poète marxiste mort<br />
jeune<strong>et</strong>d'une mère écrivain, incondi¬<br />
tionnelle du régime, la belle alaouite<br />
avaitgagné sa place à la télévision <strong>et</strong> à<br />
la radio syriennes grâce au concours<br />
d'un ami officier, proche d'Hafez al-<br />
Assad. Protégée aucdu système,<br />
bien payée, elle enregistrait ses flashs<br />
<strong>d'information</strong> <strong>et</strong> ses émissions mati¬<br />
nales sur la place <strong>de</strong>s Omeyya<strong>de</strong>s,<br />
sousl' amical du directeur <strong>de</strong> l'in¬<br />
formation. « Bachar » avait été son<br />
gui<strong>de</strong>, son espoir. Elle avait pleuré à<br />
ses côtés lors <strong>de</strong> l'enterrement <strong>de</strong> son<br />
frère Bassel, <strong>et</strong> lui avait murmuré:<br />
«Fais bien attention à toi. H ne nous<br />
restequeDieu<strong>et</strong>vous. «Quand Bachar<br />
apris laplace dupère, OlaAbbas acru,<br />
comme beaucoup, aux promesses <strong>de</strong><br />
r<br />
è<br />
Faire<br />
comme<br />
si <strong>de</strong> rien<br />
n'était<br />
"malgré<br />
l'o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />
chair rôtie,<br />
<strong>de</strong> sang<br />
brûlé"<br />
fTP<br />
V<br />
réformes. En 2007, quand il a brigué<br />
un second mandat, elle a chanté à sa<br />
gloire <strong>et</strong> interviewé les hommes forts<br />
du régime sous les feux d'artifice. La<br />
fête s'est terminée ilya<strong>de</strong>ux ans avec<br />
les premières manifestations répri¬<br />
mées dans le sang. Le soir, la nuit, en<br />
cach<strong>et</strong>te, la journaliste regardait la<br />
BBC <strong>et</strong> Al-Jazeera, se connectait sur<br />
intern<strong>et</strong> avec ses amis, intellectuels,<br />
hommes <strong>de</strong> l<strong>et</strong>tres, <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s oppo¬<br />
sants. Mais elle continuait àpasser les<br />
reportages truqués, à lire à l'antenne<br />
les communiqués mensongers du<br />
pouvoir, transformant les opposants<br />
en« terroristes ». Parpeur<strong>de</strong> perdre sa<br />
place, d'être dénoncée, torturée, arrê¬<br />
tée comme certains <strong>de</strong> ses amis.<br />
Longtemps, Ola a tenté <strong>de</strong> tenir la<br />
révolution à distance. Faire comme si<br />
<strong>de</strong> rien n'était « malgrél'o<strong>de</strong>ur<strong>de</strong>chair<br />
rôtie, <strong>de</strong> sang brûlé», dîner avec un<br />
officier <strong>de</strong> sécurité du pouvoir, s'ou¬<br />
blierdans les pâtisseries <strong>et</strong> les crèmes<br />
<strong>de</strong> beauté, recevoir son amant <strong>et</strong><br />
l'écouter dire: «Bacharest un homme<br />
bon. «Supporterlaschizophrénie, flir¬<br />
ter avec la folie, jusqu'à ce que le mas¬<br />
sacre <strong>de</strong> 50enfants à Houla ne lui<br />
laisse plus le choix: «J'étais unecrimi-<br />
nelle. » Ola Abbas a quitté son amant,<br />
son chien, sa villa, ses bijoux <strong>et</strong> ses<br />
fourrures, pour 10 mètres carrés à<br />
Levallois. Sa mère, qui continue <strong>de</strong><br />
soutenir Bachar, ne lui a jamais par¬<br />
donné son choix. Elle, chaque jour,<br />
pleure les 70000morts <strong>de</strong> son pays.<br />
SOPHIEDES DÉSERTS