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Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Basin Öz<strong>et</strong>i<br />

14 mars 2013<br />

IRAK • Après la guerre<br />

américaine, la guerre civile<br />

Dix ans après l'invasion américaine, la corruption, les violences<br />

politiques <strong>et</strong> les tensions <strong>et</strong>hniques s'intensifient dans<br />

l'indifférence générale.<br />

The In<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nt | Patrick Cockburn<br />

L'Irak en tant que pays est sur le point<br />

d'imploser sous l'eff<strong>et</strong> cumulé <strong>de</strong> la<br />

crise politique, sociale <strong>et</strong> économique,<br />

déclarent <strong>de</strong>s dirigeants irakiens. Dix ans<br />

après l'invasion <strong>et</strong> l'occupation américaines,<br />

les tensions entre les trois principales<br />

communautés – chiite, sunnite <strong>et</strong><br />

kur<strong>de</strong> – se sont envenimées au point <strong>de</strong><br />

friser la guerre civile. "Il n'y a aucune<br />

confiance entre les dirigeants irakiens",<br />

affirme un responsable politique qui les<br />

fréquente quotidiennement. Comme bon<br />

nombre <strong>de</strong> personnes interrogées à ce<br />

suj<strong>et</strong>, il préférera gar<strong>de</strong>r l'anonymat.<br />

En Irak, la crise s'aggrave <strong>de</strong>puis fin 2011<br />

dans l'indifférence générale <strong>de</strong> la communauté<br />

internationale, absorbée par la<br />

guerre en Syrie, le "printemps arabe" <strong>et</strong> la<br />

crise économique mondiale. Les Etats-<br />

Unis <strong>et</strong> le Royaume-Uni s'efforcent <strong>de</strong><br />

minimiser les preuves, pourtant éclatantes,<br />

que l'invasion <strong>et</strong> l'occupation <strong>de</strong><br />

l'Irak ont donné naissance à l'un <strong>de</strong>s gouvernements<br />

les plus dysfonctionnels au<br />

mon<strong>de</strong>. La violence <strong>et</strong> l'instabilité persistent<br />

<strong>de</strong>puis si longtemps dans ce pays que<br />

les Irakiens, tout comme les étrangers,<br />

sont <strong>de</strong>venus indifférents à tous les signes<br />

indiquant que, si mauvaise soit-elle<br />

aujourd'hui, la situation pourrait encore<br />

sévèrement s'aggraver.<br />

La somme <strong>de</strong>s échecs accumulés par les<br />

gouvernements <strong>de</strong> l'après-Saddam<br />

Hussein atteint <strong>de</strong>s proportions phénoménales<br />

compte tenu <strong>de</strong>s moyens financiers<br />

qui leur avaient été accordés. Si tant<br />

d'Irakiens ont salué la chute <strong>de</strong> Saddam<br />

en 2003, indépendamment <strong>de</strong> leur opinion<br />

sur l'occupation étrangère, c'est en partie<br />

parce qu'ils croyaient que ses successeurs<br />

leur perm<strong>et</strong>traient <strong>de</strong> r<strong>et</strong>rouver une vie<br />

normale après <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> guerre <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

sanctions internationales.<br />

Ils comprennent aujourd'hui avec amertume<br />

qu'ils se sont trompés, alors même<br />

que leur pays enregistre chaque année<br />

près <strong>de</strong> 100 milliards <strong>de</strong> dollars [76,8 mil-<br />

Une colonne <strong>de</strong> fumée s'élève au-<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> Bagdad le 14 mars 2013, après un<br />

attentat à la bombe près <strong>de</strong> la zone<br />

verte - AFP<br />

liards d'euros] <strong>de</strong> revenus liés au pétrole.<br />

Bagdad ne compte pratiquement aucun<br />

nouveau bâtiment civil, <strong>et</strong> la plupart <strong>de</strong>s<br />

nouvelles constructions sont lour<strong>de</strong>ment<br />

fortifiées ou constituent <strong>de</strong>s avant-postes<br />

militaires. Dans les rues <strong>de</strong> Bassorah, au<br />

milieu <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> pétrole, on voit <strong>de</strong>s<br />

troupeaux <strong>de</strong> chèvres fourrager entre les<br />

flaques d'égouts <strong>et</strong> les piles <strong>de</strong> déch<strong>et</strong>s à la<br />

recherche <strong>de</strong> nourriture.<br />

SENTIMENT D'INSÉCURITÉ<br />

Je me trouvais à Bagdad en janvier<br />

lorsqu'une pluie battante s'abattit sur la<br />

ville durant quelques jours. Le nouveau<br />

système d'évacuation <strong>de</strong>s eaux que les<br />

entrepreneurs – irakiens <strong>et</strong> étrangers –<br />

étaient censés avoir construit ces <strong>de</strong>rnières<br />

années s'est révélé parfaitement<br />

inopérant. J'ai roulé <strong>de</strong>s kilomètres dans<br />

l'est <strong>de</strong> Bagdad à travers une mare<br />

boueuse d'eaux usées. Je n'ai fait <strong>de</strong>mitour<br />

qu'à Sadr City, un quartier ouvrier<br />

chiite, où le niveau d'eau <strong>de</strong>venait trop<br />

élevé pour passer en voiture. "Depuis<br />

2003, près <strong>de</strong> 7 milliards <strong>de</strong> dollars [5,4<br />

milliards d'euros] ont été consacrés à la<br />

construction d'un nouveau système<br />

d'évacuation <strong>de</strong>s eaux à Bagdad. Soit il n'a<br />

jamais été construit, soit il a été très mal<br />

conçu", reconnaît Shirouk Abayachi, conseiller<br />

au ministère <strong>de</strong>s Ressources<br />

hydrauliques.<br />

Les Irakiens attendaient une amélioration<br />

<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> sécurité <strong>et</strong> un r<strong>et</strong>our <strong>de</strong><br />

l'Etat <strong>de</strong> droit après Saddam, là encore<br />

leurs espoirs ont été déçus. Si les violences<br />

ont n<strong>et</strong>tement diminué par rapport aux<br />

massacres <strong>de</strong> 2006 <strong>et</strong> 2007 (lorsque plus <strong>de</strong><br />

3 000 Irakiens perdaient la vie chaque<br />

mois), Bagdad <strong>et</strong> le centre <strong>de</strong> l'Irak<br />

<strong>de</strong>meurent néanmoins parmi les endroits<br />

les plus dangereux <strong>de</strong> la planète en termes<br />

<strong>de</strong> bombar<strong>de</strong>ment, d'assassinat <strong>et</strong><br />

d'enlèvement. Le problème va au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

la violence politique qui empoisonne la<br />

vie <strong>de</strong>s citoyens, il s'agit d'un délitement<br />

<strong>de</strong> la société civile qui pousse bon nombre<br />

d'Irakiens à se tourner vers la justice tribale<br />

plutôt que la police <strong>et</strong> les tribunaux<br />

officiels. "Si vous avez un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />

route, qu'importe que vous soyez en tort<br />

ou non, ce qui compte c'est à quelle tribu<br />

vous appartenez", nous explique une<br />

femme.<br />

Ce sentiment d'insécurité <strong>de</strong>vant<br />

l'arbitraire contamine également la vie<br />

politique. Si les gens ont un peu moins<br />

peur que sous Saddam, ce n'est pas parce<br />

que les forces <strong>de</strong> sécurité sont moins féroces<br />

ou moins corrompues mais seulement<br />

parce qu'elles sont moins efficaces. Le<br />

pouvoir <strong>de</strong> Nouri al-Maliki, Premier ministre<br />

<strong>de</strong>puis 2006, ressemble <strong>de</strong> plus en<br />

plus à une dictature dotée <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong><br />

répression sophistiqués – notamment les<br />

prisons secrètes, où le recours à la torture<br />

est généralisé. Al-Maliki s'est efforcé<br />

d'obtenir un monopole <strong>de</strong> pouvoir sur<br />

l'armée, les services <strong>de</strong> renseignement,<br />

l'appareil d'Etat <strong>et</strong> le budg<strong>et</strong>, <strong>et</strong> a veillé à<br />

ce que ses partisans obtiennent la part du<br />

lion <strong>de</strong>s contrats publics. Sa coalition <strong>de</strong><br />

l'Etat <strong>de</strong> droit n'a rassemblé que 24 % <strong>de</strong>s<br />

suffrages aux élections <strong>de</strong> 2010 – soit 2,8<br />

millions <strong>de</strong> voix sur un total <strong>de</strong> 19 millions<br />

d'électeurs –, cependant il gouverne<br />

comme s'il avait été plébiscité.<br />

Saddam Hussein <strong>et</strong> les Américains ont<br />

appris à leurs dépens que l'Irak ne pouvait<br />

pas être gouverné par la seule force.<br />

Al-Maliki a mis du temps à comprendre<br />

cela. L'influence <strong>de</strong>s communautés <strong>et</strong>hniques<br />

<strong>et</strong> religieuses est trop considérable<br />

pour perm<strong>et</strong>tre à l'Etat d'imposer son<br />

autorité, celle-ci étant en outre minée par<br />

les diverses loyautés <strong>de</strong> chaque Irakien à<br />

une tribu, un clan ou une famille<br />

agrandie. Quand ils se sont r<strong>et</strong>irés d'Irak,<br />

les Américains s'inquiétaient essentiellement<br />

<strong>de</strong> laisser un vi<strong>de</strong> sécuritaire <strong>de</strong>rrière<br />

eux. C'était mal connaître la vie politique<br />

irakienne. "L'Irak [d'après Saddam]<br />

reposait sur un consensus entre les trois<br />

communautés, explique un responsable<br />

irakien qui avait cru un temps ☞

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