Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Basin Oz<strong>et</strong>i<br />
vendredi IS mars 2013<br />
<strong>Paris</strong> <strong>et</strong> Londres veulent armer les rebelles<br />
JEAN-JACQUES MÉVEL<br />
CORRESPONDANT À BRUXELLES<br />
IMPOSANT la question syrienne au som¬<br />
m<strong>et</strong>, François Hollan<strong>de</strong> a <strong>de</strong>mandé jeudi<br />
aux Européens <strong>de</strong> lever l'embargo sur les<br />
armes <strong>de</strong> guerre en faveur <strong>de</strong> la révolte<br />
contre Bachar el-Assad, sans exclure <strong>de</strong><br />
passer outre si ses partenaires s'y refu¬<br />
saient. «Nous souhaitons que les Euro¬<br />
péens lèvent l'embargo (...), c'est ce que je<br />
vais dire à mes collègues, a dit le prési<strong>de</strong>nt<br />
en arrivant à Bruxelles. La France doit<br />
d'abord convaincre ses partenaires. Si<br />
d'aventure il <strong>de</strong>vaity avoir un blocage, alors<br />
la France prendrait ses responsabilités (...)<br />
On ne peut pas laisser un peuple se faire<br />
massacrer par un régime qui a démontré<br />
qu'ilrefuse toute discussionpolitique. »<br />
<strong>Paris</strong> peut compter sur le soutien résolu<br />
<strong>de</strong> Londres. Dès mardi, le premier minis¬<br />
tre David Cameron avait annoncé que fau¬<br />
te d'accord européen, il entendait agir<br />
« comme bon (lui) semble » pour livrer <strong>de</strong>s<br />
armes à la rébellion syrienne. Dans un<br />
contraste saisissant avec l'acrimonie fran¬<br />
co-britannique du <strong>de</strong>rnier somm<strong>et</strong>, les<br />
<strong>de</strong>ux hommes se sont r<strong>et</strong>rouvés pour un<br />
tête-à-tête avant le huis clos à vingt-sept.<br />
L'objectif affiché est <strong>de</strong> faire monter la<br />
pression sur le régime el-Assad pour qu'il<br />
accepte enfin le dialogue avec une oppo¬<br />
sition que la France a été la première à re¬<br />
connaître. Il ne s'agit «pas d'aller vers<br />
une guerre totale, <strong>et</strong> « la France n'écarte<br />
pas une issue politique » à l'avenir, insiste<br />
le chef <strong>de</strong> l'État. Mais à l'instant présent,<br />
«nous <strong>de</strong>vons considérer que les solutions<br />
politiques ont échoué» .<br />
Mais en coulisses, les <strong>de</strong>ux côtés <strong>de</strong> la<br />
Manche s'activent pour passer à l'acte.<br />
L'une <strong>de</strong>s options serait <strong>de</strong> livrer <strong>de</strong>s mis¬<br />
siles sol-air aux rebelles syriens, désar¬<br />
més face à l'aviation du régime. Dans une<br />
récente interview au Figaro, le général<br />
Salim Idriss, nouveau chef <strong>de</strong> l'Armée sy¬<br />
rienne libre, réclamait aussi <strong>de</strong>s armes<br />
antichars <strong>et</strong> <strong>de</strong>s munitions pour les pièces<br />
d'artillerie prises à l'ennemi.<br />
« On ne peut pas<br />
laisser un peuple se<br />
faire massacrer par un<br />
régime qui a démontré<br />
qu'il refuse toute<br />
discussion politique »<br />
FRANÇOIS HOLLANDE<br />
La France <strong>et</strong> le Royaume-Uni sont<br />
exaspérés par l'inertie européenne face à<br />
l'aggravation du conflit syrien <strong>et</strong> l'entê¬<br />
tement du régime. À l'échelon européen,,<br />
l'embargo ne peut être levé qu'à l'unani¬<br />
mité à moins d'attendre qu'il ne s'éteigne<br />
<strong>de</strong> lui-même à la fin mai. <strong>Paris</strong> <strong>et</strong> Londres<br />
semblent bien plus pressés.<br />
Entr<strong>et</strong>enant la pression, Laurent Fa¬<br />
bius compte obtenir une réponse dans les<br />
semaines qui viennent. « Qfaut aller ex<br />
trêmement vite (...) On ne peut pas accep¬<br />
ter ce déséquilibre actuel avec, d'un côté,<br />
l'Iran <strong>et</strong> la Russie qui livrent <strong>de</strong>s armes à<br />
Bachar <strong>et</strong>, <strong>de</strong> l'autre, <strong>de</strong>s résistants qui ne<br />
peuvent pas se défendre », disait-il mer¬<br />
credi sur France Info.<br />
Entre Européens, la discussion pourrait<br />
atteindre son moment <strong>de</strong> vérité la semai¬<br />
ne prochaine, lors d'un ren<strong>de</strong>z-vous in¬<br />
formel <strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> la diplomatie à Du¬<br />
blin. L'alternative offerte par <strong>Paris</strong> <strong>et</strong><br />
Londres est simple : soit lever l'embargo,<br />
peut-être à contrec ur, soit le voir<br />
ouvertement torpillé par les <strong>de</strong>ux pays <strong>de</strong><br />
l'UE qui pèsent le plus lourd .diplomati¬<br />
quement <strong>et</strong> militairement.<br />
Dans un geste peut-être calculé, Fran¬<br />
çois Hollan<strong>de</strong> a aussi réussi à m<strong>et</strong>tre An¬<br />
gela Merkel en position inconfortable, au<br />
début d'un somm<strong>et</strong> européen centré sur<br />
la croissance <strong>et</strong> les dérapages budgétai¬<br />
res. Sur la Syries le ren<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong><br />
Bruxelles pourrait se jouer à front ren¬<br />
versé, dans un rapprochement inédit<br />
Hollan<strong>de</strong>-Cameron, face à la chancelière.<br />
Jusqu'à ces <strong>de</strong>rniers jours, l'Allemagne<br />
a défendu à tout crin les vertus <strong>de</strong> l'em¬<br />
bargo contre « une course à l'armement »<br />
qui pourrait embraser tout le Proche-<br />
Orient. Jeudi après-midi, le chef <strong>de</strong> la di-^<br />
plomatie Guido Westerwelle a paru en¬<br />
clencher la marche arrière en se disant<br />
« prêt à rouvrir immédiatement la discus¬<br />
sion » si <strong>de</strong>ux partenaires « importants »<br />
le jugent nécessaire. @<br />
La «bulle» <strong>de</strong> Damas peu à peu rattrapée<br />
par le danger <strong>et</strong> la peur<br />
GEORGES MALBRUNOT<br />
ENVOYÉ SPÉCIAL A DAMAS<br />
DANS la Syrie <strong>de</strong>s révoltes, Damas appa¬<br />
raît comme une bulle <strong>de</strong> tranquillité. Du¬<br />
rant la journée, la vie y semble normale.<br />
Ses habitants vont à leur travail <strong>et</strong> les ma¬<br />
gasins sont ouverts. « Malgré la situation,<br />
nousfaisons tout pour ne pas changer nos<br />
habitu<strong>de</strong>s », jure Youssef, un industriel.<br />
Mais, dans la capitale, les apparences sont<br />
trompeuses. L'ambiance y est <strong>de</strong>venue<br />
pesante. « C'est vrai que nous ne sortons<br />
plus après 22 heures » , reconnaît Youssef.<br />
A l'automne, les restaurants étaient en¬<br />
core fréquentés ; aujourd'hui, les rues <strong>de</strong><br />
Damas se vi<strong>de</strong>nt à la nuit tombée.<br />
Si la capitale est restée intacte - car so¬<br />
li<strong>de</strong>ment gardée par les troupes d'élite du<br />
régime -, les rebelles, même moins bien<br />
armés, accroissent leur pression en l'en¬<br />
cerclant. Ils tentent régulièrement <strong>de</strong>s<br />
incursions à partir <strong>de</strong> leurs fiefs <strong>de</strong> Jobar,<br />
à <strong>de</strong>ux pas <strong>de</strong> la légendaire place <strong>de</strong>s Ab-<br />
bassi<strong>de</strong>s, ou <strong>de</strong> Qaboune, une autre ban<br />
lieue, en partie détruite. Lentement mais<br />
sûrement, <strong>de</strong> nombreux Damascenes'<br />
sentent que le danger se rapproche. Im¬<br />
possible <strong>de</strong> ne pas entendre les bombar¬<br />
<strong>de</strong>ments réguliers sur le faubourg <strong>de</strong><br />
Darraya, que le régime ne parvient pas à<br />
soum<strong>et</strong>tre. Et puis, il y a les nombreux<br />
barrages, qui donnent à la capitale un air<br />
<strong>de</strong> ville quasiment en état <strong>de</strong> siège.<br />
Des hommes d'affaires l'ont quittée<br />
<strong>de</strong>puis longtemps. D'autres ont envoyé<br />
épouses <strong>et</strong> enfants à Beyrouth, où ils les<br />
rejoignent le week-end. La route vers le<br />
Liban est une priorité pour le régime :<br />
c'est la seule sortie vers l'extérieur. Elle<br />
doit rester sûre. Là, pas <strong>de</strong> changement<br />
<strong>de</strong>puis six mois. Huit barrages militaires<br />
entre la frontière libanaise <strong>et</strong> Damas - te¬<br />
nus chacun par un service différent, pour<br />
prévenir toute faille - <strong>et</strong> trois seulement<br />
dans l'autre sens. Sur la colline <strong>de</strong> Yafour,<br />
surplombant Damas, se <strong>de</strong>ssinent tou¬<br />
jours les palais <strong>de</strong> l'émir du Qatar <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
son épouse Moza, souvenirs d'un temps<br />
pas si lointain où les relations entre les<br />
<strong>de</strong>ux pays, <strong>de</strong>venus ennemis, étaient<br />
chaleureuses.<br />
La revanche<br />
<strong>de</strong>s banlieues<br />
Et puis, il y a les files d'attente intermina¬<br />
bles aux stations d'essence, les problèmes<br />
pour s'alimenter en mazout <strong>et</strong> les coupu¬<br />
res d'électricité : <strong>de</strong>ux fois <strong>de</strong>ux heures<br />
dans son quartier rési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong> Mezzé.<br />
Chaque matin, vers 9 heures, Youssef<br />
conduit sa femme à son bureau, puis, vers<br />
14 heures, il rentre chez lui. Sans le dire<br />
ouvertement, il redoute la revanche so¬<br />
ciale <strong>de</strong>s banlieues déshéritées contre les<br />
commerçants damascenes. Comme à<br />
Alep, après l'offensive <strong>de</strong>s rebelles, l'été<br />
<strong>de</strong>rnier.<br />
Tôt ou tard, le piège risque, là aussi, <strong>de</strong><br />
se refermer sur les citoyens restés passifs<br />
face à une révolution qui gagne du ter¬<br />
rain. À Damas, les appels <strong>de</strong>s insurgés à la<br />
désobéissance civile sont restés l<strong>et</strong>tre<br />
morte. « Us ne savent pas ce que nous vi¬<br />
vons », dit l'un d'eux. De mauvais augure<br />
pour l'après-Assad. m<br />
35