Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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de détention. Mais peut-on imaginer
sérieusement un règlement durable de la
question kurde en Turquie, si le prisonnier
d'İmralı demeure derrière les barreaux à
quelques encablures d'Istanbul...
En outre, même réussi, le retrait des
membres du PKK laissera entier le problème
du règlement politique en luimême.
Ce dernier soulève en réalité des
Damien Spleeters
Al’entrée de Qabbasin, un village
situé dans les plaines
agraires du nord d’Alep, le drapeau
révolutionnaire partage le
vent avec les couleurs d’un Etat
qui n’existe sur aucune carte
officielle : le Kurdistan. La bannière
rouge, blanche et verte,
frappée en son centre d’un soleil
jaune, est aujourd’hui présente,
avec d’autres symboles, dans
toute la chaîne de villages des
alentours où vit une majorité de
Kurdes - la plus importante minorité
ethnique de Syrie, présente
également en Turquie, en Iraq et
en Iran.
Les ambitions des Kurdes, et
leurs relations avec le gouvernement
de Bachar al-Assad, sont
complexes et loin d’être
partagées à l’unanimité. Souvent
ignorés et maltraités par le
régime en place, certains Kurdes
de Syrie tentent aujourd’hui de
garder une certaine neutralité.
Mais le jeu est d’autant plus troublé
que plusieurs accrochages
armés ont eu lieu récemment
entre combattants kurdes et
insurgés arabes, le long de la
frontière turque.
"Nous ne voulons pas
un nouveau pays"
22 mars 2013
Le douloureux choix des
Kurdes de Syrie
Les uns soutiennent l’insurrection contre le régime de Bachar al-Assad,
d’autres préfèrent rester neutres.
Syrie Reportage Envoyé spécial à Dudiyan (Syrie)
Pourtant, choisir le camp qui sortira
vainqueur est une question
qui devient inévitable à mesure
que le conflit évolue. Elle hante
non seulement les Kurdes, mais
aussi les autres communautés
minoritaires de Syrie : chrétiens,
chiites ou Druzes. Le combustible
questions complexes. Redéfinition de la
citoyenneté, mise en place d'une forme de
décentralisation, éducation des enfants
dans leur langue maternelle sont généralement
les principales revendications émises
jusqu'à présent par le BDP. Mais jusqu'où
le gouvernement turc est-il prêt à aller
pour les satisfaire ? Dès lors l'enjeu de la
négociation finale ne sera pas mince et
pourrait se solder, soit par une réussite, si
des traditions, ethnies et religions,
et la menace des représailles,
d’un côté comme de
l’autre du champ de bataille,
pourraient faire survivre la lutte
de pouvoir au président actuel et
contesté.
Les habitants du petit village de
Qabbasin, eux, ont fait un choix,
celui de l’insurrection. Ils ont un
objectif : renverser le régime de
Bachar al-Assad. Leur décision, à
l’encontre d’une certaine conception
de la loyauté kurde telle
qu’officiellement définie par
Damas ou Ankara, n’est pas forcément
suivie par l’ensemble de
leur communauté ethnique.
Ici, pourtant, les hommes balayent
d’un revers de la main les
rêves nationalistes de leurs compatriotes
: "Nous ne voulons pas
d’un nouveau pays", affirme
abruptement Shaban Sheikh
Abdo. "Nous voulons simplement
accéder aux mêmes droits que les
autres Syriens. Certains Kurdes
alimentent leur rêve
d’indépendance : cela ne nous
vient même pas à l’esprit".
Fermier de 35 ans devenu
guérilleros, M. Abdo commande
la katiba Saladin - du nom du
héros d’origine kurde du XIIe siècle.
Son unité, composée de soixante
à septante hommes, a la
particularité de mêler Arabes et
Kurdes. "Nous vivons ensemble,
nous nous battons ensemble",
explique-t-il. "Rien ne nous
sépare : nous avons le même
objectif". Pour ce commandant,
le choix a été clair depuis 2011.
Avant le départ des forces du
régime à l’été 2012, avant même
la création de la katiba Saladin, il
menait déjà des actes de sabotage.
"La nuit, le visage masqué,
nous attaquions les points de
contrôle tenus par l’armée. Le
jour, nous retournions au travail,
comme si de rien n’était",
affirme le commandant.
Le bon côté de l’Histoire
Si le gouvernement turc soutient
l’Armée syrienne libre, il se
méfie des Kurdes qui la composent
et craint qu’une région
autonome ou semi-autonome
kurde puisse servir de base
arrière pour des attaques transfrontalières
sur le sud-est de la
Turquie. Le régime syrien, quant
à lui, pourrait vouloir jouer sur
les disparités entre les ethnies
kurdes et arabes, pour les affaiblir
et éviter de grossir les rangs
de l’insurrection. Au delà de la
géopolitique, le village de
Dudiyan, qui fait aussi partie de
la constellation kurde du nord
d’Alep, symbolise peut-être le
mieux les choix douloureux auxquels
la minorité ethnique doit
faire face.
En créant, le 17 juillet 2012, sa
Maison du Peuple, le village était
convaincu qu’il se mettait du bon
côté de l’Histoire. Situés à un jet
de pierre de la frontière turque,
tout près d’un important poste
frontière contrôlé par
l’insurrection, les habitants
attendent toujours l’arrivée de
l’aide humanitaire internationale.
Six Maisons du Peuple
ont vu le jour l’année passée.
Sortes de conseils municipaux,
elles se partagent la gestion de
l'on arrive à répondre de façon satisfaisante
aux principales interrogations précédemment
énoncées, soit par un enlisement
du processus, s'il s'avère que "le processus
de paix" en cours s'est construit sur un
trop grand nombre de malentendus quant
aux sujets négociables et au sort ultime
d'Abdullah Öcalan.
quatre-vingt-deux villages du
Nord de la Syrie, proches de la
frontière turque, où vit une population
d’origine kurde, arabe, et
turque. "Nous assurons les services
à la communauté, nous agissons
en médiateurs en cas de
problèmes, et nous nous
occupons également des relations
extérieures", explique
Muhammed Hassan, le président
de la Maison du Peuple de
Dudiyan.
M. Hassan, comme le commandant
Abdo, partage la vision d’un
futur où "Kurdes, Arabes, et Turcs
vivraient en harmonie, dans une
Syrie démocratique et libre".
Comme son compatriote, il ne
réclame pas non plus la création
d’un Etat kurde indépendant,
mais entretient cependant le
désir d’une autonomie locale
accrue, symbolisée par le concept
de la Maison du Peuple. Ici,
les quarante membres de la
structure ont tous été élus à main
levée par les habitants des villages
réunis après que les élections
aient été annoncées au
mégaphone. Dans une Syrie post-
Assad, "nous organiserons des
élections tous les quatre ans",
promet M. Hassan.
Dans le petit village, les besoins
sont criants : docteurs, médicaments,
générateurs pour
l’électricité, eau potable,
essence, farine. "En tant que
Kurdes, notre accès à l’aide
humanitaire est rendu plus difficile,
voire inexistant", affirme un
autre membre de la Maison du
Peuple de Dudiyan, Ahmed
Ibrahim. "Lorsque nous nous
sommes organisés, la Turquie
nous a demandé de faire un choix
: soit nous nous affirmons en tant
que Kurdes, soit en tant que
révolutionnaires. Nous avons pris
une décision et en portons les
conséquences : nous ne recevons
pas d’aide."