CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library
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i3f) <strong>CAUSERIES</strong> <strong>FRANÇAISES</strong><br />
L'orgueil de Balzac en souffrit, son cœur aussi, même physiquement, et sa vie en<br />
fut peut-être abrégée.<br />
Tout le monde connaît cette fin dramatique et qui, elle-même a l'air d'une fin<br />
de roman telle qu'il les aima. Balzac et la comtesse Hanska, devenue sa femme, après<br />
un voyage de noces qui n'avait pas été sans déceptions ni orages, reviennent le<br />
soir dans leur hôtel de la rue Fortunée; ils voient la maison illuminée à giorno, des<br />
ombres qui dansent; la porte demeure hermétiquement fermée : tous les domes-<br />
tiques étaient devenus fous. C'est un des cas les plus bizarres de folie collective qu'on<br />
connaisse! Et il fallut des menaces pour se faire ouvrir, aller chercher la police.<br />
Quelques mois après, Balzac expirait d'une maladie de cœur, après une agonie<br />
horrible de trente-quatre heures.<br />
Celle extraordinaire imagination de Balzac qui voyait les choses accomplies sitôt<br />
qu'il les avait pensées, se retrouve dans un très grand nombre d'anecdotes de sa vie.<br />
Il y en a une qui est trop connue pour que je ne la résume pas le plus brièvement<br />
que je pourrai, c'est celle du cheval blanc de Jules Sandeau.<br />
Balzac rencontre des amis dans un salon et leur dit : « Je vais offrir à Jules Sandeau<br />
un cheval blanc qui est chez tel marchand de chevaux et qui est le plus beau de<br />
tous les chevaux. » El alors description du cheval, de toutes ses qualités, de toutes<br />
ses allures, une page d'hippologie. Balzac n'achète pas le cheval. Mais, quelque<br />
temps après, il rencontre Jules Sandeau et lui dit : « Eh bien! êles-vous content du<br />
cheval que je vous ai donné.!* » (^Rires)<br />
En voici une autre qui est moins connue : Deux jeunes gens qui habitaient non<br />
loin de lui viennent le voir; il y avait un médecin et un futur homme de lettres.<br />
Balzac leur rend cette visite et leur dit : a Comme vous êtes médiocrement logés 1<br />
Ce n'est pas comme cela qu'il faut faire! Il faut jeter maintenant de la poudre aux<br />
yeux! » — « C'est que, disent les jeunes gens, c'est que nous n'avons pas d'argent!<br />
Nous ne sommes pas notre propriétaire! — Oh! répond Balzac, ces choses-là n'ont<br />
aucune importance! » Et il profite d'un jour où les deux jeunes gens étaient en<br />
partie fine avec de petites amies à Montmorency pour faire venir son tapissier et<br />
remeubler entièrement l'appartement de ses amis. Ceux-ci reviennent, et leur pre-<br />
mière idée en voyant le changement est celle-ci : « Nous n'avons pas payé notre<br />
terme, notre propriétaire a profité de ce que nous n'étions pas là pour mettre nos<br />
meubles dehors! » Il y a un nouveau locataire! Mais Balzac sort de derrière un rideau,<br />
comme dans les drames, et leur dit : a C'est moi la fée, mes amis! Vous n'avez à<br />
vous inquiéter de rien! Tout est payé! Tout est payé! C'est une affaire entre mon<br />
tapissier et moi! ».... Trois mois plus tard, les jeunes gens reçurent une note de<br />
/i 000 francs qu'ils eurent à acquitter parce que Balzac avait oublié de régler.<br />
11 est hors de doute cependant qu'avec cette remarquable, cette formidable<br />
imagination, Ba'zac a été un sociologue. Il y en a un exem[)le qu'il faut donner.<br />
C'est la thèse même d'un roman qui s'appelle les Employés. Elle est extrêmement<br />
intelligente, elle dénote une puissance d'observation singul.ière. Balzac dit : Quand<br />
Napoléon a voulu reconstituer l'administration de la France, il ne s'est adressé<br />
qu'à un certain nombre de chefs de services qu'il accablait de travail et payait<br />
très bien pour l'époque, c'est-à-dire comme des généraux, et qui, comme des géné-<br />
raux, étaient comtes ou barons de l'Emtiire; au dessous d'eux, il n'avait besoin<br />
que de copistes, que d'expéditionnaires. A ces expéditionnaires, il imposait — et<br />
cela suffisait — deux à trois heures de travail par jour. Alors, au lieu de créer<br />
des employés à proprement parler, il s'est adressé à des gens qui avaient déjà<br />
de petits revenus, qui étaient de petits rentiers, qui étaient des musiciens, voire<br />
des employés des pompes funèbres, et leur donnait i 200 francs par an. Comme ils