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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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LE PARNASSE 3o3<br />

Un tel principe mènerait loin et anéantirait la belle maxime de Vauvenargues.<br />

Mendès l'affirma de nouveau, ce très contestable principe, dans les vers suivants :<br />

La grande Muse porte un péplum bien sculpté,<br />

Et le trouble est banni des âmes qu'elle hante.<br />

Une autre attaque contre le Parnasse ,s£ produisit sous la forme d'une satire en vers :<br />

le Parnassiculet contemporain. Elle amena même un échange de témoins entre Mendès<br />

€t Paul Arène. Passons sur ce pénible épisode des luttes littéraires, et prolestons contre<br />

les ridicules dont on gratifia à pleins seaux (sans calembour!) les Parnassiens. Les<br />

romantiques luttaient pour la liberté de l'art et le rajeunissement de l'inspiration : on<br />

leur décocha de pires insultes. On accusait Delacroix de peindre « avec un balais ivre » ;<br />

et, pendant les répétitions d'Hernani, Victor Hugo reçut le charitable avis que a s'il ne<br />

retirait pas sa sale pièce, on lui ferait passer le goût du pain ». Scribe et Ponsard ne<br />

connurent jamais de pareilles missives : ils ne portaient ombrage à personne; ils<br />

•étaient médiocres par définition, /usfe milieu, phillipards, comme la poésie de Casimir<br />

Delavigne, la peinture de Delaroche, la philosophie de Cousin et l'éloquence de Ville-<br />

main.<br />

Leconte de Lisle, pris à partie sous le nom de « Narapatissejou », dédaigna la gami-<br />

nerie du Parnassiculet.<br />

On accusait les Parnassiens d'être une école : ils répondirent, plus tard, il est vrai,<br />

par la plume de Catulle Mendès : « Le Parnasse, une école .^ Mais nous n'avons pas<br />

seulement écrit une préface! Nous nous sommes tous liés par des haines communes et<br />

des amours pareilles. Le groupement parnassien ne s'est fait sur aucune théorie, sur<br />

aucune esthétique particulière. Jamais l'un de nous n'a entendu imposer à un autre<br />

son optique d'art... »<br />

État d'esprit, oui. École, non !<br />

Des<br />

admirations et des haines communes, mais pas<br />

de chapelle, pas de ces églises littéraires où l'on se targue d'être seul à posséder la<br />

vérité, l'intelligence, la clef du lumineux sanctuaire où s'épanouissent l'art et le beau.<br />

La grande qualité du poète et de l'artiste, c'est l'indépendance, l'obéissance à son ins-<br />

tinct personnel, la mise en valeur, dans une forme aussi belle et aussi claire que pos-<br />

sible, des dons qu'il a reçus d'un mystérieux pouvoir. Mais indépendanca ne veut pas<br />

dire abandon complet de l'instrument artistique. Toute œuvre d'art doit avoir sa forme<br />

précise. Il n'est point de peinture sans dessin ni couleur, point de musique sans har-<br />

monie, point de poésie sans prosodie. Et nous savons que le mot prosodie sous-entend<br />

des accessoires : la rime, la mesure, la variété, l'harmonie des coupes et des rythmes.<br />

Il s'agit, en un mot, d'introduire le plus d'art possible dans la noble langue du poème.<br />

Un chef d'œuvre vit autant j)ar l'ensemble que par les détails.<br />

Cet amour, ce culte de la prosodie traditionnelle française, les Parnassiens l'ont<br />

tous possédé et s'en sont glorifiés avec raison. Ils ont eu des défauts personnels résul-<br />

tant de l'individualité, du tempérament, d'une vision particulière des hommes et des<br />

choses : mais à tous, il sera beaucoup pardonné parce qu'ils ont aimé la Poésie comme<br />

une souvera'ne maîtresse.<br />

Poète et critique à plume d'or, Théophile G mtier, seul, jugea sainement ses<br />

nouveaux confrères. « Le Parnasse contemporain, dit-il, est comme une anthologie où<br />

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