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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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BAUDELAIRE<br />

Baudelaire resta quatre ans en Belgique. Pendant les deux dernières années, un<br />

autre travail le captivait. Il n'avait pas pris en horreur que la France, et les Parisiens»<br />

et l'humanité, il avait pris aussi en horreur les Belges. Il ne s'était pas fait encore<br />

entre la France littéraire et la Belgique littéraire la fusion qui s'est opérée depuis, et<br />

Baudelaire commençait un livre épouvantable sur la Belgique, lien avait tracé presque<br />

la lolalitô du plan, quand, en 1866, la mort frappa à sa porte. Il eut une grave attaque<br />

d'apoplexie. On prévint Mme Aupick.<br />

Baudelaire ne devait offrir au mal qu'une faible résistance. D'abord il était usé<br />

par la fatigue, par la misère, par les chagrins, usé aussi par l'opium. Il a écrit dans<br />

une noie sur lui-rnème : « Tous mes ancêtres, fous ou maniaques, victimes de leurs<br />

affreuses passions... » Antécédents de famille fâcheux et dont on retrouve trace chez^<br />

ses proches. Son frère, Claude Baudelaire, mourut d'hémiplégie, d'apoplexie ;<br />

Mme Aupick finit d'hémiplégie. Donc, il était guetté par le même mal, en dehors de<br />

tout son délabrement personnel. Son cas s'aggravait, on le ramena à Paris. On le con-<br />

duisit dans une maison de santé de la rue du Dôme, près de l'Arc de Triomphe, 011<br />

il végéta pendant six mois. Il ne pouvait plus parler, ne proférant que des mono-<br />

syllabes. Les gens de lettres, les femmes qui l'avait connu ou aimé venaient le voir,<br />

le comblaient de gâteries, lui faisaient des lectures. Mme Paul Meurice, la femme de<br />

l'ami de Victor Hugo, venait lui jouer du Wagner. Il baissa lentement, lentement, et<br />

le 20 août 1867, il s'éteignit presque sans agonie.<br />

Ses funérailles eurent lieu au cimetière Montparnasse. On était en été, il n'y avait<br />

personne à Paris. Il faisait un temps lourd et orageux. Gautier qui devait parler sur la<br />

tombe s'était défilé en prétextant son feuilleton, Sainte-Beuve en prétextant son état de<br />

santé. Il avait fallu se rabattre sur Banville. Enfin on lit tant bien que mal. On était<br />

une centaine à l'église, quand on arriva au cimetière on était cinquante. Alors le bon<br />

Théodore de Banville qui avait fait son discours en vingt-quatre heures, qui était crevé<br />

de fatigue et très souffrant, prononça un discours, un discours mémorable que je vous<br />

engage tous à lire. Vous le trouverez partiellement dans le livre intitulé « Baudelaire:<br />

Souvenirs et Correspondance », paru en 1872, chez Pincebourde ; vou-j le trouverez partiellement<br />

dans l'édition des Fleurs du Mal, de Fasquelle, et complètement dans un<br />

ouvrage, paru chez Baschet, la Galerie contemporaine, avec un très beau portrait de<br />

Baudelaire, par Carjat. Ce discours est la plus magnifique page qui ait été écrite sur<br />

Baudelaire. Banville osait y dire, à cette épo jue :<br />

« Baudelaire n'est pas seulement un poète de talent, c'est un poète de génie. Sa<br />

gloire grandira de jour en jour. Il ne doit rien à personne. C'est une des plus hautes<br />

personnalités qu'ait produites la langue française et sa renommée ne cessera de<br />

grandir. »<br />

N'oubliez pas qu'à ce moment-là Victor Hugo était empereur de la poésie...<br />

N'oubliez pas que Baudelaire gisait en solde...<br />

Mais, à partir de ce moment, ne croyez pas que Baudelaire ait disparu. Dès sa mort<br />

s'organise ce que des gens malveillants ou railleurs, ou qui ne savent pas ce que<br />

refirésente dans notre poésie Baudelaire, ont appelé ironiquement « le culte baude-<br />

lairien)).En 1868, MM.La Fizelière et Decaux publient une bibliographie de Baudelaire,<br />

pas un article, mais un véritable petit volume où les moindres poésies de Baudelaire,<br />

où ses moindres articles sont notés avec la date et l'endroit où ils ont paru; un<br />

honneur qu'aucun poète français n'avait jusque-là connu. L'année suivante, c'est<br />

Asselineau qui publie sa biogra;)hie, avec cinq portraits à l'eau-forle. Deux ans après,<br />

c'est Pincebourde qui publie Souvenirs et correspondance, c'est-à-dire les premières<br />

lettres de Baudelaire et celles que les Vigny, les Djlacroix, les Banville, les d'Aure-<br />

villy, les Victor Hugo lui ont écrites. M. Spoelberch de Lovenjoul reprend sa biblio-

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