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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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ZOLA. 253<br />

et grâce auxquels le monde continue et résiste. Peut-être s'apercevrait-on alors que les<br />

solides vertus ne sont pas éteintes au cœur de l'humanité.<br />

La paix a aussi ses vaillants et ses as.<br />

(Applaudissements.)<br />

Mais, direz-vous, Zo'a lui-même ne se plaît-il pas à étaler dans ses romans les<br />

plaies sociales et les mauvais côtés de la société. Il ne pouvait les cacher, puisqu'il se<br />

proposait de peindre la société tout entière et l'homme sous tous ses aspects. Mais,<br />

encore une foi?, c'est le calomnier que de prétendre qu'il n'a vu que le mal. L'humanité,<br />

telle qu'elle nous apparaît dans l'ensemble de son œuvre — et dans celle ci, il est un<br />

livre qui porte ce beau litre : « La Joie de vivre », — n'est nullement détestable ou<br />

méprisable. On y voit simplement les pauvres humains en proie à la terrible lutte pour<br />

la vie où ils sont engagés et où plusieurs succombent, comme, hélas! dans la réalité.<br />

11 est vrai que nous aimons à trouver dans les romans moins celle-ci que l'illusion,<br />

La vérité offense. On l'a tellement fardée en littérature, on est si habitué à rencontrer<br />

dans les livres des personnages conventionnels, que la vérité, même la vérité courante,<br />

étonne et révolte dès qu'elle est imprimée. Ce même homme que nous admettons<br />

dans la vie quotidienne, nous apparaît dans un roman qui le peint tel qu'il est, un<br />

monstre, dont nous nous indignons. Ces paysans, ces ouvriers, ces bourgeois, que<br />

Zola a décrits, ne nous offusquent point quand nous vivons avec eux, et chacune de<br />

ses œuvres n'a pas moins fait gronder la vertu publique. C'est que le lecteur n'est pas<br />

l'homme de la vie. 11 semblerait qu'en ouvrant un roman nous prenions une autre<br />

âme, avide de chimères, désireuse d'échapper à la réalité.<br />

Il est aussi à remarquer que plus les mœurs sont corrompues, plus déferle la vague<br />

de pudeur et plus s'insurge l'hypocrite lecteur dont parlait Baudelaire.<br />

Ce sont ici, Messieurs, des considérations générales.<br />

Avant d'aborder l'analyse de l'œuvre, voyons l'homme.<br />

La vie d'Emile Zola est un grand exemple de patience, d'héroïque labeur, de fidélité<br />

à un idéal. Je vous demande la permission de la retracera grands traits, sans parler<br />

du rôle qu'il joua dans une affaire célèbre, car le romancier seul nous intéresse ici.<br />

Dès le début, nous le voyons aux prises avec les rudes difQcultés de la vie, pauvre<br />

et isolé, environné par l'égoïsme et par l'indifférence, portant déjà en lui le sentiment<br />

de sa force et de son génie, l'intuition qu'il vaincra, un jour. Cependant, sa première<br />

enfance avait été heureuse. Elle avait déposé dans son âme cette provision de confiance<br />

qui l'aida plus tard à soutenir les terribles luttes de la vie. Permettez que je m'y arrête<br />

un instant, car il est intéressant d'observer l'évolution d'une intelligence, son lent<br />

développement, jusqu'à l'âge plus ou moins avancé où la personnalité morale s'établit<br />

définitivement.<br />

11 est à remarquer que bien peu de ceux qui s'illustrèrent par leur génie ou leur<br />

talent, donnèrent, dans leur première jeunesse, de grandes espérances. Balzac enfant,<br />

faisait le désespoir des siens. « Assurément, mon pauvre Honoré, lui disait sa mère,<br />

on voit bien que tu ne comprends pas ce que tu viens de dire ! » Balzac avait alors<br />

vingt ans I (Rires).<br />

Emile Zola, comme son génial devancier, s'éveilla lentement. Il prit beaucoup de<br />

peine à dégager son originalité de l'influence du milieu. Il n'eut aucune précocité<br />

remarquable, il échoua même deux fois au baccalauréat et ne se représenta plus. « Je<br />

ne suis rien, disait-il plus tard, pas même bachelier. Je ne serai de rien, pas même de<br />

l'Académie. » Il dut, en effet, se contenter d"être Zola tout court, et cela suffit à sa<br />

gloire. Il dut se contenter aussi d'occuper le quarante et unième fauteuil, celui de<br />

Balzac, de Flaubert, de Concourt, de Diderot, de Rousseau, de Molière et de bien<br />

d'autres. C'est le fauteuil le plus glorieusement occupé.<br />

"~<br />

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