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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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<strong>CAUSERIES</strong> <strong>FRANÇAISES</strong><br />

entre à Moscou et n'en ressort qu'avec l'armée pour faire avec elle la plus célèbre et la<br />

plus désastreuse des retraites. La légende le montre impassible dans la déroute et<br />

faisant soigneusement sa barbe tous les malins. La légende est jolie et assez vraisem-<br />

blable. Cet épicurien ne devait pas à l'occasion manquer d'un certain stoïcisme.<br />

Enfin, lors de la campagne de France, il est envoyé à Grenoble pour aider à l'organi-<br />

sation militaire du Dauphiné. C'est là que le surprend l'abdication de Napoléon. Le<br />

retour des Bourbons a brisé sa carrière. Il part pour l'Italie.<br />

Ce n'était pas la première fois qu'il reposait le pied sur la terre bénie de ses rêves,<br />

depuis les heures inoubliables de son premier séjour. Pendant les années fastueuses<br />

de sa carrière administrative il avait encore deux fois passé les Alpes. La première,<br />

c'était à la fin de 1811. Ayantobtenu un congé, il vole aussitôt vers sa chère Italie. Il ne<br />

l'avait pas revue depuis 1801. Va-t-il retrouver cet enivrement dont la seule pensée<br />

depuis dix ans n'a cessé un seul jour de lui faire battre le cœur.^ Il avait fait lors de<br />

son premier séjour la connaissance d'une de ces Milanaises divines qui le remplissaient<br />

à la fois de désirs et de craintes; et AngelaPielragrua était devenue pour lui le symbole<br />

du Paradis perdu.<br />

Dès qu'il arrive à Milan, son premier soin est de la rechercher. Tout ému, il se<br />

présente devant elle. Elle ne le reconnaît pas. Il évoque les jours d'autrefois et il lui<br />

avoue sa passion ancienne. Elle lui demande tout ingénuement : « Pourquoi ne me<br />

l'avoir pas dit ? » Et elle ne lui est point cruelle.<br />

Ces jours enivrants, il lui est donné deux ans après de les revivre durant quelques<br />

semaines.'<br />

Enfin, c'est Angela de nouveau qui va lui faire oublier de.rejoindre son poste<br />

pendant les Cent jours. Il faut bien reconnaître que Beyle n'avait point alors pour<br />

Napoléon cette admiration dont il témoignera plus tard avec tant de lyrisme. Quelques<br />

années de recul lui furent nécessaires pour mesurer d'un regard lucide la grandeur du<br />

règne impérial. Jamais mieux qu'en ce temps l'énergie ne pouvait se donner carrière<br />

et Stendhal, de plus en plus fanatique de l'énergie, peint dans ses romans avec une<br />

vigueur incomparable la fougue de Fabrice del Dongo courant à Waterloo, ou les<br />

regrets de Julien Sorel qui, étant né trop tard, craint d'être muré dans son ambition.<br />

Pour lui, Beyle, il est à cette époque tout occupé de projets littéraires. Il va publier<br />

son premier livre. Ce ne sera point une de ces comédies dont inlassablement, depuis<br />

son départ de Grenoble, il a écrit les plans, les ébauches, les versions successives. Non,<br />

il est en Italie, il n'a plus sous ce ciel qui le grise les mômes préoccupations que dans<br />

la pairie de .Molière; l'analyse l'y séduit moins que la rêverie tendre. Il nous entre-<br />

tiendra de musique.<br />

L'ouvrage paraît en janvier' i8i5 chez Didot, à Paris, sous ce litre un peu long:<br />

Lettres écrUes de Vienne en Autriche sur le célèbre compositeur Joseph Haydn, suivies<br />

d'une ^iede Mozart et de considérations sur Métastase et l'état présent de la Musique en<br />

France et en Italie.<br />

Il faut savoir y reconnaître, dût notre amitié pour Beyle en souffrir, un éclatant<br />

pla-iat. Ce ne sera point le dernier, mais c'.est un des moins niables. Beyle, du reste,<br />

n'avait point signé son livre, et celui-ci paraissait sous le nom de Louis-Alexandre-<br />

César Bombet. Au lieu d'une œuvre originale, on n'avait que la traduction libre, pour<br />

la majeure pirlie du moins, d'un ouvrage publié à Milan en 1812 par un musico-<br />

graphe italien : Joseph<br />

Carpani, qui cria comme un volé et n'eut pas de peine à<br />

démontrer les emprunts dont il était victime. Beyle se défendit par des épigrammes.<br />

Mais Carpani par ses perpétuelles réclamations, multipliées sans arrêt de i8i5 a 182/»,<br />

était parvenu à démasquer son voleur. Cela n'allait pas sans être assez désagréable

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