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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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<strong>CAUSERIES</strong> <strong>FRANÇAISES</strong><br />

La seconde étoile du Parnasse fut Sully Prudhomme. Gautier disait de lui qu'il<br />

se mêlait à l'âme universelle des choses.<br />

Sully Prudhomme est un penseur, un philosophe, dont les méditations s'expriment<br />

dans des poèmes « d'une tristesse qui ne berce pas, mais qui pénètre », ainsi que l'a<br />

écrit Jules Lemaître. Mais ce penseur exquis a l'adoration de la femme. Les orages du<br />

cœur, il ne les a pas seulement dits dans la célèbre pièce, le Vase brisé. Les stances<br />

intitulées Tes yeux sont d'une pureté, d'une harmonie, où se révèle l'âme raffinée d'un<br />

vrai lyrique :<br />

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,<br />

Des yeux sans nombre ont vu l'aurore;<br />

Ils dorment au fond des tombeaux<br />

El le soleil se lève encore.<br />

Les nuits, plus douces que les joùfs.<br />

Ont enchanté des yeux sans nombre:<br />

Les étoiles brillent toujours<br />

Et les yeux se sont remplis d'ombre.<br />

Oh !<br />

qu'ils aient perdu le regard.<br />

Non, non, cela n'est pas possible!<br />

Ils se sont tournés quelque part<br />

Vers ce qu'on nomme l'invisible.<br />

Quoi de plus cruel qu'un amour trahi I<br />

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux.<br />

Ouverts à quelque immense aurore,<br />

De l'autre côté des tombeaux<br />

Les yeux qu'on ferme voient encore.<br />

(Applaudissements.)<br />

Quel amant sincère n'a frissonné en voyant<br />

au bras d'un autre la femme aimée, la compagne choisie pour toujours! Écoutons<br />

Sully Prudhomme nous dire sa douleur, dans les strophes les Voici :<br />

Son heureux fiancé l'attend; moi je me cache.<br />

Elle vient, je l'épie, en murmurant tout bas<br />

Ce reproche, le seul que son oubli m'arrache :<br />

Vous ne m'aimiez donc pas?<br />

Les voici tous les deux; ils vont l'un près de l'autre.<br />

Ils se froissent les doigts en cueillaijt des lilas.<br />

— Vous oubliez le jour où ma main prit la vôtre :<br />

Vous ne m'aimiez donc pas?<br />

Heureuse elle rougit, et le jeune homme tremble,<br />

Et la douceur du rêve a ralenti leurs pas.<br />

— Vous oubliez le jour où nous allions ensemble;<br />

Vous ne m'aimiez donc pas ?<br />

Il s'est penché sur elle en murmurant : « Je t'aime !<br />

Sur mon bras laisse aller, laisse peser ton bras. »<br />

— Vous oubliez le jour où j'ai parlé de même;<br />

Vous ne m'aimiez donc pas?<br />

Oh !<br />

comme<br />

elle a levé cet œil bleu que j'adore !<br />

Elle m'a vu dans l'ombre et me sourit, hélas!<br />

— Que vous ai-je donc fait pour me sourire encore<br />

Quand v6us ne m'aimiez pas?

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