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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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LAMARTINE, VIGNY, MUSSET Sg<br />

Il n'avait que douze ans lorsqu'il fut amené chez Victor Hugo. Dans le Cénacle<br />

romantique, il fut le plus jeune et le plus indiscipliné, l'enfant terrible de l'école.<br />

Élégant, très agréable, plaisant à tous, il fréquenta dès 1829 la jeunesse dorée, devint<br />

un parfait dandy, monta à cheval, joua et perdit à la bouillote, connut les nuits de<br />

plaisir et des aventures galantes.<br />

Cette vie ne plut pas beaucoup à M. de Musset père, qui voulut faire d'Alfred un<br />

bon fonctionnaire comme lui-même, et le fit entrer dans une entreprise de chauffage<br />

militaire. (Rires).<br />

Le jeune homme se soumit tristement, mais il réunit ses poèmes et les porta à l'édi-<br />

teur Urbain Canel. L'ouvrage parut à la fin de 1829. On le trouva étrange, impertinent,<br />

un peu extravagant, mais plein de talent et d'inspiration.<br />

L'année précédente, il s'était épris d'une femme qu'il allait souvent voir à la campagne<br />

et qui le traitait en « chandelier ». Quand Musset s'en aperçut, il se tourna vers<br />

un autre amour : il fit la cour à la fille du sculpteur Bosio, la marquise de la Carte.<br />

Flaubert, qui la vit une fois, ne voulut plus la revoir; sans doute, il avait reconnu la<br />

femme fatale. Elle lui faisait peur. C'est à elle que pensait Alfred de Musset, en écrivant<br />

les vers passionnés de l'Andalouse.<br />

Trahi, Musset avait trahi à son tour. Sa nature tendre et sincère, presque féminine,<br />

en souffrit beaucoup, et dans tous ses ouvrages, nous voyons apparaître, sous des<br />

masques différents, un personnage qui est lui-même et qui, trompé dans sa confiance<br />

en la vie et en l'amour, regrette sa candeur perdue, qu'il cherche à oublier dans le vin<br />

et le libertinage, où il ne trouve, pour sa punition, que l'ennui et le dégoût.<br />

Ses succès littéraires avaient affranchi le poète de la servitude des bureaux du<br />

Chauffage militaire. Peu après, il lâta du théâtre avec la Nuit Vénitienne qui fut<br />

représentée le i" décembre iS3o à i'Odéon. Ce fut un désastre. « Je dis adieu à la<br />

ménagerie, et pour longtemps », déclara Musset.<br />

Il est curieux, n'est-ce pas, de se rappeler ce début, cette déroute sous les sifflets,<br />

quand on songe que l'auteur qui en fut victime est celui-là même qui, en fin de<br />

compte, a laissé les plus délicieuses comédies du XIX' siècle, les pièces qui ont le<br />

moins vieilli, et qu'on joue, qu'on reprend toujours avec succès. En effet, nous<br />

pouvons dire que c'est notre Shakespeare au petit pied.<br />

Musset écrivit d'ailleurs ces drames et comédies sans se soucier de la représentation,<br />

sans les accommoder à l'optique de la scène, et ils s'y trouvèrent tout à fait à l'aise,<br />

moyennant quelques modifications.<br />

Cette période de la vie de Musset (de i83o à 1882) fui très active. Il publia les<br />

Vœux Slériles, Octave, les Secrètes Pensées de Raphaël, le Spectacle dans un fauteuil,<br />

ISamouna. Peu après, Buloz ouvrait au poète la Revue des Deux Mondes. Et un jour, à<br />

un dîner que Buloz offrait à ses collaborateurs, Musset eut pour voisine une jeune<br />

femme de lettres, qui commençait à se faire connaître sous le pseudonyme de George<br />

Sand. Il paraît que ce « rapprochement» avait été conseillé à Buloz par Sainte-Beuve.<br />

Musset se montra spirituel et charmant; il couvrit Indiana d'éloges. Là s'ébaucha<br />

l'idylle qui devait, éclatant bientôt en passion, faire éclore tant d'orages, tant de souf-<br />

frances, mais aussi de si émouvants chefs-d'œuvre !<br />

Tout le monde sait que les relations littéraires conduisirent bien vite George et<br />

Alfred à des relations plus intimes ; qu'ils s'aimèrent, d'abord à Paris, puis à Venise<br />

où ils étaient allés cacher leur bonheur, après avoir passé deux jours à Florence, où<br />

Musset trouva, dans les chroniques, le sujet d'un drame qui fut Lorenzaccio.<br />

Arrivés à Venise, ils ne furent pas déçus par la féerie magique qu'ils venaient<br />

chercher et qui les exalta ; mais bientôt vint la maladie, et, à sa suite, le docteur<br />

Pagello. Il y eut des incidents douloureux. On a prétendu- que Musset, voyant la

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