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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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LAMARTINE, VIGNY, MUSSET<br />

M. Paul Fort. — De la politique et de la librairie. Cela s'appelle Dupont et<br />

Durand. Je serai Durand, vous serez Dupont.<br />

M. Bourrelier. — Je commence?<br />

suffit !<br />

M. Paul Fort. — Non, non, c'est moi qui commence :<br />

M. Bourrelier :<br />

M. Paul Fort<br />

M. Bourrelier :<br />

Voilà bientôt trente ans que je suis sur la terre<br />

Et j'en ai passé dix à chercher un libraire.<br />

Pas un être vivant n'a lu mes manuscrits,<br />

Et seul dans l'univers je connais mes écrits.<br />

Je ne me trompe pas ! Ce<br />

morne et plat visage.<br />

Cet œil sombre et penaud, ce front préoccupé,<br />

Sur ces longs cheveux gras ce grand chapeau râpé,<br />

C'est mon ami Paul Fort, mon ancien camarade !<br />

Est-ce toi, Bourrelier, mon fidèle Pylade !<br />

Ami de ma jeunesse, approche, embrassons-nous !<br />

Tu n'es donc pas encore à l'hôpital des fous?<br />

J'ai cru que tes parents t'avaient mis à Bicêtre. (Rires).<br />

Parle bas! J'ai sauté ce soir par la fenêtre.<br />

Et je cours en cachette écrire un feuilleton.<br />

Mais toi, tu n'as donc pas ton lit à Charenton ?<br />

On m'avait dit pourtant que ton rare génie...<br />

M. Paul Fort. — Mon rare génie... Arrêtons-nous là! Mon rare génie, cela me<br />

Mesdames et Messieurs, quittons ce Musset que nous retrouverons plus « amplement<br />

» tout à l'heure et mon rare génie, ou du moins son rare génie, et venons-en à<br />

notre affaire, puisque tout le monde le veut.<br />

Eh bien ! donc, la poésie romantique est entrée dans le monde ce jour de mars 1820,<br />

où parut chez l'éditeur Nicole, sans nom d'auteur, un tout petit volume de 116 pages,<br />

intitulé Les Méditations.<br />

Pour bien comprendre le succès d'étonnement et d'enthousiasme, l'émotion que<br />

causa ce livre, nous devons nous rappeler à quel marasme notre poésie était<br />

tombée quand le romantisme vint lui redonner la vie. C'était alors l'époque<br />

pseudo-classique; le triomphe du factice, de l'artificiel, du manque d'originalité.<br />

L'impuissance avait ses titres de noblesse et s'appelait le bon goût. Le mot propre<br />

était banni et remplacé par de longues périphrases où la fausse élégance pataugeait en<br />

plein ridicule. C'est ainsi que ce bonjabbé Delisle, voulant désigner le coucou, se gar-<br />

dait bien de l'appeler u coucou », mais le nommait, avec le plus grand sérieux :<br />

Cet oiseau dont l'hymen craint le sinistre nom.<br />

Chose singulière, la période la plus épique de notre histoire, celle du premier<br />

Empire, est remplie de ce faux classicisme sans âme, sans couleur et sans voix. Napo-<br />

léon, un assez grand poète en action, a pour chantre officiel l'insipide Fontanes. C'est<br />

le règne du poncif et des pompiers.<br />

Mais, dira-t-on, et Chateaubriand ?<br />

C'est vrai, il y avait Chateaubriand, et aussi Mme de Staël! Au milieu de cette

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