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CAUSERIES FRANÇAISES - World eBook Library

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LAMARTINE, VIGNY, MUSSET 33<br />

confessé qu'il avait élé très touché par les ouvrages de l'orientaliste Burnouf , qui souleva<br />

quelques-uns des voiles où se dérobaient les antiques prestiges de l'Inde. Aller vers<br />

l'Italie, pour lui, Lamartine, c'était aller vers l'Orient.<br />

Nous savons tous que le grand poMe reçut, d'autre part, des influences du Nord.<br />

Il fut fort ému par la vague poésie d'Ossian, dont on retrouve un écho dans maints<br />

de ses pobmes; il fut enthousiaste de Byron, mais ne le suivit pas. Toujours est-il que<br />

c'est en Italie qu'il rencontra sa première grande émotion. C'est dans le cadre enchan-<br />

teur de Napîes qu'il fut aimé de cette humble fille de pêcheurs, Graziella, qui devait<br />

devenir l'héroïne d'un de ses livres les plus populaires. La séparation fut navrante,<br />

et Graziella en mourut, après avoir envoyé au jeune homme une lettre d'adieu où elle<br />

lui disait : « Je le laisse mes cheveux coupés une nuit pour toi. Consacre-les à Dieu,<br />

dans une chapelle de ton pays, pour que quelque chose de moi soit auprès de toi. »<br />

Lamartine assure qu'il exauça ce vœu suprême; on ne sait en quelle chapelle il<br />

déposa la chevelure de la petite amoureuse napolitaine; ce serait une intéressante<br />

recherche à entreprendre, pour les amoureux qui ont pleuré en lisant les strophes si<br />

longtemps célèbres :<br />

Sur la plage sonore où la mer de Sorrente<br />

Déverse ses flots bleus au pied de l'oranger,<br />

Il est, près du sentier, sous la haie odorante,<br />

Une pierre petite, étroite, indifférente,<br />

Aux pas distraits de l'étranger.<br />

La giroflée y cache un seul nom sous ses gerbes.<br />

Un nom que nul écho n'a jamais répété.<br />

Quelquefois seulement, le passant arrêté,<br />

Lisant l'âge et la date en écartant les herbes,<br />

Et sentant dans ses yeux quelques larmes courir.<br />

Dit : « Elle avait seize ans ! C'est bien]|tôt pour mourir !<br />

Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ?<br />

Laissons le vent gémir et le flot murmurer.<br />

Revenez, revenez, ô mes tristes pensées !<br />

Je veux rêver et non pleurer.<br />

»<br />

(Applaudissements.)<br />

Mais il est bien inutile de vous lire entièrement un poème' que vous connaissez<br />

tous par cœur.<br />

Cet amour, sur lequel opéra plus tard la magie du souvenir, ne semble pas avoir<br />

été, sur le moment, très profondément ressenti par le jeune Lamartine. Il eut souvent<br />

le cœur cruel.<br />

Le poète revint à Paris, fréquenta les lieux où l'on s'amuse, se livra même au jeu,<br />

et il lui arriva un soir de perdre une somme assez forte. En i8i4, il entre au<br />

service de Louis XVIII, dans la Compagnie des Gardes du Corps, mais il n'y reste pas.<br />

Deux ans après, il est en Savoie, à Aix-les-Bains, où les médecins l'ont envoyé.<br />

C'est là que sa vie intérieure s'ouvre au miracle qui va faire sourdre en lui des<br />

sources mystérieuses, les sources mêmes de la nouvelle poésie française. Jusque-là, il<br />

avait surtout composé des vers légers, des madrigaux, des badinages. Son poète favori<br />

était Parny, poète léger aussi, de pensée et même de talent. Mais en cet automne de<br />

1816, Lamartine vit à Aix une jeune femme dont l'idéale beauté enchanta et boule-<br />

versa son cœur : c'était Elvire, ou plus simplement Mme Charles, mariée à un vieux<br />

savant. Elle portait l'atteinte de sa mort prochaine, et elle était un peu mélancolique,<br />

mais sa beauté n'en était que plus touchante. Après une courte idylle avec Lamartine,

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