Cosumar L'entreprise du mois - FOOD MAGAZINE

droIT dE l’ENTrEPrISE
Concurrence
L’âme des relations
commerciales Maître Aziz BENKIRANE
Avocat à la Cour Suprême
Nul n’ignore, encore moins les dirigeants d’entreprises, que le monde des affaires est gouverné par le
principe de base de la liberté d’entreprendre le commerce de son choix, quand bien même il ne serait
pas le seul sur le marché. C’est à ce titre qu’il convient d’appréhender la notion de concurrence.
L’article 84 du DOC à contribution
C’est ainsi que revient donc aux juges
la mission de faire respecter, par les
opérateurs économiques à l’occasion des
instances dont ils sont saisis, l’éthique de
la concurrence, le respect de ses usages et
des règles qui la régissent.
Souvent invoqué devant les prétoires,
l’article 84 pose le principe de l’obligation
de réparation du préjudice causé du fait
d’un acte de concurrence déloyale.
Le régime juridique en la matière est
pour le moins original.
En effet, l’action judiciaire en
concurrence déloyale vise pour
Suite et fin
l’entreprise victime
à obtenir réparation
du dommage car
elle consiste à faire
appliquer et respecter
la loi, les usages et la
morale qui président à
l’activité commerciale.
A ce titre, le juge est
le gardien du
« temple » de l’éthique
de la concurrence
par la qualification
de l’agissement
répréhensible, le
tout dans un souci
de protection du
consommateur à travers
celle de l’entreprise.
Ainsi a-t-il été jugé
déloyal, l’acte par lequel
l’entreprise incriminée
induit le public par
tromperie à travers un
message publicitaire.
De même qu’est déloyale, l’utilisation de
l’appellation commerciale portant atteinte
à sa notoriété, à son exclusivité, à sa
distinctivité et à son inventivité.
C’est sur la théorie de la responsabilité
civile que les tribunaux ont fondé la
construction jurisprudentielle de la
concurrence déloyale avec ses trois
éléments constitutifs : la faute ou le fait,
le préjudice et le lien de causalité (ou de
connexité).
Si la faute en matière de commerce
concurrentiel déloyal reste la violation
de la loi, des usages professionnels et
des règles élémentaires d’éthique, de
morale et d’égalité, les juges sont amenés
à faire des agissements incriminés une
appréciation in concreto, circonstanciés,
attachés à l’intérêt légitime juridiquement
protégé de l’entreprise victime.
Quant au préjudice déjà difficile à cerner
en la matière, sa preuve est difficile à
rapporter tant est délicat de distinguer
entre le dommage causé par des moyens
déloyaux et celui résultant des pratiques
normales de la concurrence.
Les tribunaux ont eu à décider ici que
le simple comportement déloyal est
constitutif de la preuve irréfragable du
préjudice subi, allant jusqu’à accepter
de réparer le préjudice éventuel que
causeraient des actes patents de pratiques
fautives.
La causalité - lien entre le fait générateur
du dommage et le préjudice subi - reste
une notion fuyante car point n’est besoin
de rappeler que l’entreprise, sans être
victime d’actes de concurrence déloyale,
peut, dans une conjoncture économique
défavorable, voir baisser son chiffre
d’affaires.
Le rôle du juge est donc confiné à
veiller à la garantie de la loyauté de la
concurrence entre entreprises appelées
plus que jamais à parapher entre elles une
charte d’honneur commerciale dont le
respect éviterait la saisine précipitée des
tribunaux.
FOOD MAGAZINE - N° 11 / Du 15 Mai au 15 Juin 2009 17