Dossier20DD : quelles conséquences et quelles implications pour l’hygiéniste ?TH 728 • juillet-août 2011• relève d’une démarche stratégique et globale poursa mise en œuvre.Plus de la moitié soulignent la dimension exemplairede leur action avec majoritairement le rôle de préventiondes risques environnementaux, mais aussi l’éducationà la santé, l’amélioration du cadre de vie despatients et des conditions de travail du personnel.Dix-huit établissements sont impliqués dans les plansrégionaux qui déclinent au niveau local les orientationsdu plan national santé-environnement. Plus dutiers des projets d’établissements intègrent cette thématique.En résumé, le développement durable apporte unevision globale et à long terme en conciliant troisdimensions :• une gestion économique fiable ;• un établissement socialement intégré ;• un établissement de santé écologiquement respectueux.Quelles actions concrètespour l’hygiénisteCes actions peuvent être rangées en trois catégoriesselon le délai avec lequel elles peuvent être engagéesà court, moyen et long terme.Actions de court termeDans ce cadre, on peut citer l’affichage par l’hygiénisted’un comportement « vertueux » et son implicationdans la sensibilisation des personnes au sein de sonétablissement. Ainsi peut-il immédiatement donnerl’exemple dans son exercice professionnel en matièred’économie d’électricité, d’eau, de produits et matériels,de transport, etc. Il doit également s’impliquer dans desactions collectives cherchant à promouvoir un meilleurtri des déchets d’activités de soins à risques infectieux(générateur d’économies), le choix de produitsles moins néfastes pour l’environnement, la révisionde certaines prescriptions peu ou pas étayées par despreuves scientifiques (evidence based medecine), l’aideau diagnostic de situation de l’établissement (exempledes documents produits par le Comité pour le développementdurable en santé – C2DS).Actions à moyen termeL’hygiéniste passe alors à un travail plus délicat carpouvant remettre en cause des solutions mises enplace depuis des décennies mais qui ne tiennent pasencore compte du caractère « durable » (sustainable),tout en faisant attention à ce que la prise en comptede ce nouveau paramètre ne nuise pas à l’efficacité dela maîtrise du risque infectieux lié aux soins.On peut citer ici le diagnostic dans les bâtiments etla révision de la conception en matière de circuits,traitement de l’air, matériaux et les choix techniquesen matière de :• conditionnement ;• produits avec leur impact sur l’environnement, leurcollecte spécifique pour élimination (comme ceci aété fait pour les solvants) ou un traitement des eauxusées ;• matériaux avec leur cortège de polluants chimiquespour l’air intérieur des locaux qui sera de plus en plusrecyclé pour raisons énergiques ;• certification Haute Qualité environnementale des nouvellesconstructions : accessibilité aux usagers, bâtimentbasse consommation, etc.Dans ce cadre, la SF2H a produit un certain nombrede documents d’aide aux diagnostics, une fiche-projet« modèle » et a créé un certain nombre de groupes detravail sous la responsabilité de la commission DDEH,le tout étant consultable en ligne sur son site (www.sf2h.net).Actions de long termeCelles-ci ne peuvent s’envisager qu’après la réalisationd’études scientifiques ou techniques préalables,de niveau national ou international, intégrant les critèresd’efficacité mais aussi de toxicité et de durabilitécomme :• la conception éco-responsable de matériels et produits(cradle to cradle, du berceau au berceau) y inclusles dispositifs médicaux et autres matériels de soins,les antiseptiques, les désinfectants, etc. ;• le devenir des dispositifs médicaux : usage uniquecontre réutilisation, température de stérilisation (estil« durable » que la France soit le seul pays à toutstériliser à 134 ° C pendant 18 minutes ?) ;• la composition des sets pour les soins et les prescriptionstechniques qui pourraient être plus « économiques» ;• la pratique de l’entretien des surfaces ou matériaux :détergence seule ou désinfection chimique, méthodesalternatives de désinfection à moindre impact environnemental;• la révision de certaines « normes » peu éco-compatibles;• la prise en compte de la dimension sociale.Un seul exemple permet d’illustrer la complexité deschoix : on s’est lancé tête baissée dans l’usage des
TH 728 • juillet-août 2011DD : quelles conséquences et quelles implications pour l’hygiéniste ?21Dossierlampes à basse consommation pour découvrir queleur utilisation n’était pas sans poser quelques problèmespour certaines personnes et que la qualité desampoules vis-à-vis de ces effets indésirables (p. ex.UV) n’était pas du tout homogène, le moins cher s’apparentantsurtout à la plus mauvaise qualité.Les acheteurs hospitaliers auront aussi un grand rôledans ces actions et il convient dès maintenant qu’ilsy soient sensibilisés. En 1999, Philippe Kourilsky et Geneviève Viney rappelaientl’origine du principe de précaution : la gestiondes problèmes d’environnement et la réaction auxcarences de la prévention illustrées par les crises sanitairesde cette période (transfusion sanguine, hormonede croissance, encéphalopathie spongiforme bovine).Son objectif principal est de limiter les risques encorehypothétiques relatifs en particulier aux dangers(chimiques, physiques, biologiques, etc.) liés à la diffusiondes nouvelles technologies dont sont très friandsnotre société dite de consommation et son modèle dedéveloppement. Il se distingue ainsi du principe deprévention qui est de maîtriser les risques avérés enfixant des limites d’exposition de la population calculéessur la base d’un risque dit « acceptable », en généralde 10 -6 pathologie par vie entière pour un dangerpris isolément.Le champ du principe de précaution est bien celuide l’incertitude : « Dans le doute, mets tout en œuvrepour agir au mieux. » À la mobilisation de connaissanceset de compétences (domaine du scientifique)permettant une tentative d’évaluation des risques,succèdent la prise de décisions et le suivi (domainedu politique, en charge de la gestion des risques). Ilcomporte toutefois ses limites, une marge incompressiblede risques (risque résiduel jugé acceptable parrapport aux bénéfices attendus) et la fameuse phrase« le risque zéro n’existe pas » est largement répétée.Le concept de progrès environnemental partage avecle principe de précaution l’idée d’un développementécologiquement viable qui inclut dans son champ lasanté. La notion de développement durable (ou soutenable),issue du rapport Brundtland, veut que nousassumions notre développement sans obérer sur celuides générations futures. Comme l’a exprimé Saint-Exupéry: nous ne léguons pas la terre à nos enfants, nousla leur empruntons. Nous en sommes actuellementtrès loin et les exercices de prévision au-delà de 2050sont bien aléatoires. Une modification de nos comportementsest donc une ardente nécessité face à unepollution croissante au niveau mondial, à un épuisementdes ressources naturelles et au défi de nourrirune population de plus en plus nombreuse.Les établissements de santé n’y échappent pas. L’intégrationd’exigences relatives au développementdurable est clairement inscrite dans le manuel de certificationV2010 : gestion économique fiable, établissementsocialement intégré et écologiquementrespectueux. Ces aspects ne sont-ils pas, au moinspartiellement, au cœur la démarche d’assurance qualitéchère à la gestion des IAS : des procédures permettantun examen aussi complet que possible du risqueet des contrôles a priori pour amener l’incertitude auniveau minimal acceptable ? La prise en compte dela sécurité des soins dans une politique de développementdurable adaptée et au regard d’un principe deprécaution raisonné suppose une double obligation :l’intégration du développement durable dans les programmesde prévention et la préservation du niveaude sécurité atteint en matière de risque infectieux.Consciente de l’importance de cet engagement (immédiat,à moyen et à long terme), la SF2H a entamé dès2008 une réflexion autour de cette double obligationen créant une commission ad hoc. Les premièresconclusions et réalisations de cette commission ontété résumées dans cet article mais il est clair que nousn’en sommes qu’aux prémices. Les mesures les plusporteuses sont celles qui risquent de mettre le plusen cause tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant etéventuellement, en conséquence, les résultats obtenusen matière de lutte contre les infections. Durabilitéet sécurité des soins ne doivent pas s’opposer mais secompléter. Les incertitudes sont encore grandes, aussidevons-nous avancer résolument mais avec « précaution» afin d’éviter ces difficultés ; l’hygiéniste s’apparentantici au démineur qui progresse en tête pourgarantir la sécurité du chemin choisi.Les quelques exemples présentés dans cet article permettent,à notre avis, d’illustrer les points clés decette démarche :• l’engagement dans le développement durable estpossible, il a du sens, ce n’est pas une charge supplémentairede travail ;• l’engagement passe par une réflexion, la réalisationd’un diagnostic, le choix et la mise en œuvre de solutionsadaptées (pas de recettes !) ;• l’engagement est intégré au cœur du métier des professionnelset dans la prise en charge du patient enpréservant son intérêt immédiat mais aussi l’intérêtfutur de la collectivité. •