Dossier <strong>Développement</strong> durableTH 728 • juillet-août 201132Olivier DubigeonPrésident fondateur de Sustainway*Comment intégrerl’ISO 26000de manière crédible ?Quatre-vingt-neuf pour cent des 500 managersinterviewés dans les établissements de santé 1considèrent le développement durable comme unobjectif stratégique. On les comprend : santé, intégritéde la personne et développement durable sontétroitement articulés. Au-delà des actions touchant lesimpacts environnementaux, pour les 6 725 établissementssanitaires et médico-sociaux français (énergie,gestion de l’eau et des déchets, construction, politiqued’achats…), leurs responsabilités sociale, sociétaleet économique sont manifestes. Elles appellentà passer des démarches « développement durable »,caractéristiques des années 2000, à une démarche de« responsabilité sociétale », plus à même de transformerles pratiques professionnelles.La norme ISO 26000 « Social Responsibility 2 » répondà cette mutation. Initiée au départ par la commissionconsommateurs (COPOLCO) de l’ISO 3 , elle a étéélaborée au niveau international par cent pays et sixcollèges de parties prenantes 4 , rédigée selon la règledu consensus, et approuvée à une très large majoritémi-septembre 2010 5 .Outil d’élaboration stratégique et de gouvernance, ellefournit une définition commune et un cadre internationalpartagé pour définir et qualifier par consensus :• les enjeux significatifs du développement de lasociété et des écosystèmes naturels ;• les pratiques professionnelles que chaque organisationest invitée à apprendre et à intégrer pour contribuerpositivement à ces enjeux.Par ce cadre de référence, la communauté internationaledécide de mettre en œuvre une démarche deresponsabilité sociétale d’organisation. Autrementdit, pour contribuer à valoriser ce qui est « commun» et « mieux vivre ensemble », les deux défisdu xxi e siècle. La norme ISO 26000 constitue, parson mode d’élaboration consensuel et multi partiesprenantes, le référentiel international permettant decadrer légitimement une démarche de « responsabilitésociétale ». Il s’agit d’une étape historique dansl’évolution de la communauté humaine vers une gouvernanceglobale.Les grands principesTrois grands principes déterminent l’« application »de la norme ISO 26000.L’ISO 26000 est d’application volontaireElle concerne tous les types d’organisations dans lessecteurs public et privé et dans tous les pays. Elle seveut un guide des pratiques professionnelles pertinentesdestinées à diminuer leurs impacts négatifs etaugmenter leurs impacts positifs au regard des enjeuxdu développement durable (sociaux, sociétaux, envi-* <strong>Développement</strong> responsable, intégration stratégique et leadership responsable - 33 (0)6 76 520 533 - olivier.dubigeon@sustainway.com1. Le baromètre du développement durable, publié mi-avril 2011 (voir article p. 11, NdlR).2. Responsabilité sociétale est la traduction proposée de Social Responsibility par la communauté des acteurs francophones du développement durable.Cette définition intègre les sept « questions centrales » de la norme, c’est-à-dire les sept enjeux du développement durable.3. International Standardisation Organisation.4. Entreprises, gouvernements, syndicats, consommateurs, ONG, académiques.5. Seuls cinq pays ont voté contre : États-Unis, Inde, Turquie, Cuba, Luxembourg.
TH 728 • juillet-août 2011Comment intégrer l’ISO 26000 de manière crédible ?33DossierGlossaireImpact : « Changement positif ou négatif subi par lasociété, l’économie ou l’environnement, résultant entièrementou en partie des décisions et activités passées etprésentes d’une organisation » (définition ISO 26000).Maturité de la pratique : Une pratique professionnellemature intègre la réduction des impacts négatifsou l’augmentation des impacts positifs au regard desenjeux du développement durable.Partie prenante : « Individu ou groupe ayant un intérêtdans les décisions ou activités d’une organisation »(définition ISO 26000). Les parties prenantes sontles parties, individuelles ou collectives, « fortes » ou« faibles », qui se perçoivent comme subissant l’impact(positif ou négatif) de l’activité d’une organisation.Pression d’impact : Balance entre impacts positifs etimpacts négatifs au regard des enjeux du développementdurable.ronnementaux, économiques, et de gouvernance).Ces pratiques sont harmonisées et non prescriptives: n’étant pas destiné à un usage réglementaireou contractuel, ce guide n’est pas contraignant, il nemodifie pas les obligations réglementaires des établissementsde santé. La mise en œuvre des pratiquesdécrites dans la norme s’opère à la fois au regard desaccords et traités internationaux et en fonction desspécificités des contextes locaux (culturels, géographiques,organisationnels, etc.).L’ISO 26000 n’est pas un nouveau systèmede managementElle complète les outils et instruments existants. Élémentde la solution et non solution à elle toute seule,l’ISO 26000 constitue une troisième génération denormes après les normes techniques et les normesde processus et de management (ISO 9000, 14000,18000…) ; les normes précédentes visaient à guiderles progrès continus de chaque organisation pouraméliorer la qualité de ses produits et de ses processusinternes. L’ISO 26000 constitue la première normed’« éco-système » dont la visée consiste à améliorer laqualité de la relation de l’organisation avec la société,à la fois localement et globalement.L’ISO 26000 n’est pas certifiableNe constituant pas un référentiel d’exigence, seslignes directrices n’ont pas pour objectif de rendreles résultats des démarches de responsabilité socié-tale conformes à des obligations spécifiques : contrairementaux normes ISO 9000, 14000, etc. ou encoreà la SA 8000 (responsabilité sociale du travail), ellen’est ni destinée ni appropriée à une certification.Certifier globalement la « bonne » application de lanorme conduirait en effet à :• un non-sens : la signification des pratiques dépenddu contexte culturel (par exemple : travail des enfantsau regard de la réalité socio-économique locale) ou decriticité (p. ex. : ressource en eau au regard du stresshydrique) ; le sens des pratiques et des résultats obtenusdépend donc de son interprétation locale ;• annihiler les capacités d’innovation des acteurs desa mise en application et de son déploiement alorsque, si ceux-ci sont mis en situation d’apprécier lesmeilleures pratiques locales, les possibilités d’innovationsont démultipliées.La conséquence :construire (ou rétablir) la confianceCette application « commune mais différenciée » asuscité des débats parfois vifs entre les pays car là sesitue le nœud de la difficulté : la confiance accordée àla pertinence (réelle ou déclarée) de chacune des pratiquesclés de l’organisation qui déclare « s’adosser »à l’ISO 26000, au regard du contexte d’application.Face à une crise grave du crédit, non pas tant bancaireque celui accordé aux engagements et aux allégations,les établissements de santé, interpellés par la sociétécivile quant à leurs impacts négatifs sur leur environnement,sont sommés d’être crédibles.Le terme clé dans la question de la crédibilité, est laconfiance. L’hôpital est invité à progresser en continusur ses pratiques clés de responsabilité sociétale. L’ISO26000 apporte aux parties prenantes un mécanisme« relationnel »/« contractuel » autour d’enjeux nonuniquement économiques destiné à instaurer uneconfiance mutuelle entre elles et l’établissement.La tentation est grande de rechercher la sécurité apparented’une certification : aussi bien compte tenu dela complexité de la démarche « éco-systémique » dela responsabilité sociale, que des habitudes prisesjusqu’alors au travers des démarches qualité. En l’absenced’une certification, la question devient : commentun établissement de santé peut-il faire reconnaîtrela crédibilité de ses efforts :• lorsqu’il « applique » les lignes directrices de l’ISO26000 ;• autrement dit lorsqu’il progresse dans la mise enœuvre d’une démarche de responsabilité sociétale ;