Dossier28Hygiène et protection du corps : acheter durablement avec profitTH 728 • juillet-août 2011• développer la contractualisation de résultats.Dans la politique achat et les leviers de la filière, ledéveloppement durable (DD) n’a pas de place particulière.Il apparaîtra par la suite que, comme pour laprose de M. Jourdain, dans une approche globale etsystémique de l’achat, l’acheteur fait naturellementdu DD sans le savoir.Acheter plus cher pour dépenser moinsDans une approche globale de l’essuyage des mains,notre conviction est que la satisfaction du besoin s’exprimedans la mesure de la performance globale desdépenses. En effet, acheter un essuie-mains (EM) debonne qualité au meilleur prix n’apparaît pas être gaged’économies au sens large du terme. C’est pourquoi,dans un processus de dialogue compétitif parfaitementadapté dans ce cas, le CHU de Nancy a modifiéles règles habituelles d’attribution de ce marché quiconcerne 48 adhérents du GCS :• pas d’évaluation qualitative du produit qui n’a doncpas été testé dans une phase d’essais ;• pas d’évaluation proprement dite du coût d’achat.L’attribution s’est faite pour l’essentiel sur la qualité etla profondeur des engagements contractuels :• réduire le budget des dépenses annuelles tout aulong du marché ;• rembourser l’hôpital en cas de dépassement par lehaut du budget (clause de pénalité). Pour cela, chaqueannée, les deux parties s’accordent sur les évolutionsdu périmètre de l’hôpital, par exemple l’ouverture delits ; de cette façon le titulaire n’est pas pénalisé parune augmentation de la consommation dont il ne peutêtre tenu pour responsable ;• se voir verser par l’hôpital une prime de surperformance(clause de profit) en cas de dépassement parle bas du budget, avec les mêmes réserves que précédemment.La solution mise en œuvre consiste au remplacementdes distributeurs d’essuie-mains pliés par des distributeursà rouleau à découpe automatique dans lesparties communes de l’hôpital (pas dans les chambresdes patients). Nous avons tous eu l’occasion de tempêtercontre les distributeurs d’essuie-mains pliéslorsque, voulant en extraire un seul et parfois avecdifficulté, tout un paquet nous en tombait dans lesmains. La distribution en rouleaux ne génère pas cegaspillage et incite même l’utilisateur à la modération.En effet, on ne peut prendre qu’un essuie-mainsà la fois. Par conséquent, remplacer un distributeuren formats pliés par un distributeur à rouleau faitbaisser la consommation de 30 % : c’est l’engagementdu titulaire du marché. Dans une approche classiquede l’achat où les critères qualitatifs de l’essuie-mainsseraient pondérés à 60 % et le prix d’achat à 40 %,cette solution n’aurait eu quasiment aucune chanced’être choisie car elle est plus coûteuse à l’achat. Dansle processus d’attribution nancéen, cette réductiondes consommations qui fait l’objet d’engagements surdes objectifs de résultats a été déterminante. À cejour, plus de 100 000 de ces distributeurs à rouleauxont été installés tout en garantissant la remise enconcurrence future avec une clause de réversibilité.Illustration avec les résultatsdu CHU de BordeauxEn 2008, situation initiale, le CHU girondin aconsommé 88,8 millions de feuillets essuie-mainspliés fournis par 6 000 distributeurs. En 2009, 4 111distributeurs à rouleaux ont été installés dans les partiescommunes du CHU et 2 206 distributeurs de feuilletspliés ont été remplacés dans les chambres despatients.Bilan économique• Situation initiale : 88,815 millions d’essuie-main.• Engagement du titulaire : 60,034 millions de feuilletssoit un engagement de baisse des consommationsde 32,4 %.• Engagement du titulaire sur l’évolution desdépenses : augmentation de 5,9 %.• Situation actuelle : 62,369 millions d’essuie-mains.• Baisse actuelle des consommations : 29,8 %• Écart dans les consommations par rapport à l’engagementdu titulaire : 2,6 %.• Évolution actuelle des dépenses : augmentation de6,9 %.Vu sous le seul angle du budget achat, le CHU de Bordeauxn’avait a priori aucun intérêt à entrer dans cemarché parce qu’il utilisait auparavant un produit pluséconomique à l’achat. Nous précisons qu’à l’échelle dugroupement, le gain prévisionnel sur achat sur lequels’est engagé le titulaire est toutefois de 14,1 % avec1,3 milliard d’essuie-mains. Dans une approche globalede l’essuyage des mains, le CHU est pourtantgagnant parce qu’il évite plus de 40 000 euros dedépenses inutiles soit l’équivalent de 14 % de sonbudget achat. Démonstration :• dans un sac-poubelle (0,10 euro HT) de 110 litreson jette l’équivalent de 1 200 essuie-mains, soit autotal 2 000 euros ou 0,7 % du budget EM qui sont évi-
TH 728 • juillet-août 2011Hygiène et protection du corps : acheter durablement avec profit29Dossiertés avec la suppression de 26,4 millions d’entre eux ;• il faut trois minutes (à 10 euros de l’heure) pourévacuer un sac-poubelle d’un service de soins jusqu’aupoint de collecte : 11 000 euros de main-d’œuvre soit3,9 % du budget EM sont économisés ici ;• 8 000 cartons ne sont plus manipulés et 95 000paquets d’essuie-mains ne sont plus installés dans lesdistributeurs, ce qui représente 20 000 euros d’économiessoit 7 % du budget achat ;• il faut 45 secondes pour installer un paquet d’essuiemainsdans un distributeur (du chariot ou du stockinterne jusqu’à la fermeture du distributeur) ;• il faut 1,5 minute de manipulation pour déplacerun carton du magasin jusqu’au service (autour de 20minutes pour acheminer un roll complet de cartonsdepuis le magasin) ;• 5 200 euros de déchets sont évités (100 euros HTpar tonne), soit 1,8 % du budget achats.Seules les dépenses évitées les plus élémentaires ontété évaluées ici, et de plus sur des bases sous-évaluées,pour démontrer aux adhérents le bien-fondé denotre politique. Nous n’avons pas pris en compte, parexemple, les gains de productivité : avec un rouleaucontenant 3,5 fois plus de feuillets qu’un paquet d’essuie-mainspliés, l’approvisionnement du distributeurest moins fréquent.InterprétationL’exemple du CHU de Bordeaux n’est pas unique dansnotre groupement de coopération sanitaire. Au CHUd’Amiens, par exemple, les consommations ont mêmechuté de 39 %, soit 8 % au-delà de l’objectif initial.Pour plusieurs autres centres hospitaliers, les engagementsde résultats ne sont pas encore atteints, maisnous maintenons le cap pour y parvenir.Par les coûts, le CHU de Nancy démontre que lesaspects du développement durable ne nécessitentpas de critères d’attribution spécifiques. Dans uneapproche globale de l’achat, les aspirations au DDsont ici et avant tout la conséquence naturelle d’unachat plus profitable.Le tableau I, bilan économique du CHU de Bordeaux,synthétise les calculs précédents et présente ceux dutitulaire du marché pour un établissement de santéde 1 800 lits.Approvisionner mieux pour gagner plusDans un groupement de dimension régionale ou nationale,les limites de la coopération dans les achats etde la massification des besoins, en dehors de cellesimposées par le marché, sont celles des contraintes etdes habitudes propres aux établissements de santé :• contraintes géographiques donc d’acheminementdes marchandises ;• environnement de l’établissement : accessibilité enville, typologie des quais de déchargement, horaires…• habitudes de consommation.Ces contraintes se traduisent naturellement par des(sur)coûts. Aussi, dans un marché où le prix seraitidentique pour tous les adhérents du groupement,indifféremment des contraintes spécifiques à supporter,les gros établissements ont-ils le sentimentTableau I - Bilan économique du CHU de BordeauxRéférence :Précisiondépenses initiales en essuie-mainsSurcoûtsSurcoût à l’achat des essuie-mains + 6,9 %Dépenses évitéesAchat de sacs poubelle – 0,7 % 21 000 sacsÉvacuation des sacs poubelle – 3,9 % 1 000 heuresManipulation de cartons – 7,0 % 8 000 cartons - 2 000 heuresDéchets – 1,8 % 52 tonnesNon évalué : gain de productivité, surface de stockage…Économie réelle – 6,5 %Évaluation du titulaire du marché pour un établissement de santé de 1 800 lits :10 millions d’essuie-mains en moins soit – 28 %3 800 cartons d’emballage en moins – 40 %190 palettes en moins – 45 %10 000 sacs poubelle en moins – 28 %27,5 tonnes de déchets en moins – 31 %