Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

PREMIERE PARTIE
VARIATIONS AUTOUR DU THEME DE L’UTOPIE
Introduction : Les univers latéraux de la ville « réelle »
Emmanuel Eveno
Nous voudrions poursuivre ici le voyage vers le curieux continent des villes dont l’existence
est fortement sujette à caution, à controverses : les villes chimériques, légendaires, les
fantômes urbains, les villes idéales, les villes imaginaires, les villes virtuelles, numérisées...
soit toutes villes dont le qualificatif conduit, au moins a priori, à les déréaliser ; toutes villes
qui auraient comme dénominateur commun, aux termes d’une équation d’inspiration
positiviste, d’être opposables aux villes réelles.
Pour autant, il ne s’agit pas ici de repartir en quête de l’Atlantide, d’Is ou d’Amaraute, mais de
fouiller, au creux des « villes réelles », la part qu’il convient de réattribuer aux chimères, aux
légendes, aux imaginaires, aux paradoxes, aux fantaisies... dans la production des réalités
urbaines.
Or, dans ce continent, se dresse un relief particulier, qui semble organiser une bonne partie du
paysage : l’utopie urbaine. L’utopie urbaine n’est pas la synthèse de toutes les autres figures
de l’irréalité urbaine et, d’ailleurs, il faut abandonner l’axiome simpliste selon lequel il y
aurait d’un côté des villes réelles et de l’autre, sur ce fameux continent, des villes irréelles. Il
faut y renoncer ne serait-ce que parce que, si le concept de réalité s’est considérablement
enrichi dans la philosophie contemporaine, celui de l’irréalité, par contre, s’est quant à lui
passablement appauvri... jusqu'à devenir assez peu utilisable.
L’hypothèse que nous formulons ici est que l’extension du concept de réalité permet de
reconnaître à certains aspects de notre continent, certaines valeurs ou certains attributs de
réalité.
Nous rejoignons en cela Mircéa Eliade qui, à propos des mythes, refusait de ne les concevoir
que comme mensonges ou superstitions, voire supercherie pour s’intéresser à la façon dont ils
acquéraient le statut d’objets du monde réel.
Que sortira-t-il de notre entreprise ? Peut-être une vision brouillonne et peu structurée du
monde urbain. Nous en assumons le risque. Notre seul garde-fou consistant à respecter le
rythme d’une progression pas à pas, terme à terme, nous nous efforcerons de réduire les
risques du confusionnisme mais, sans doute, dans notre circumnavigation, accosterons-nous
dans quelques criques que nous ne saurons interpréter ni catégoriser.
L’originalité de cette entreprise n’est d’ailleurs pas dans son fondement théorique. De
nombreuses pistes ont déjà été balisées par la recherche contemporaine sur les mythes, les
imaginaires, les rumeurs, les légendes et nombre de spécialistes de l’urbain s’intéressent
désormais à ces questions. Cependant, à notre connaissance, il en existe assez peu qui se
confronte aux données de l’utopie en tant que modèle pertinent pour rendre compte de
certaines des dimensions des villes contemporaines.
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