Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

DE L'ESPACE ARISTOCRATIQUE AUX VILLES EMERGENTES :
L'UTOPIE DE LA VIE DE CHATEAU DANS LA LITTERATURE ENFANTINE
Versailles/Hollywood, via Moulinsart, Fleurville, Celesteville et Champignac
Etude réalisée par Pierre-Yves SCHANEN
L'hypothèse, qui est la base de mon travail, vise à compléter l'habituelle vision de la
croissance urbaine en tache d'huile : espaces périurbains, banlieues, villes émergentes,
naissent-ils seulement sur tabula rasa, des révolutions de transport d'industrie ou d'information
? Le périurbain n'est-il que le déchet d'un processus sans histoire, "sans lieu ni borne", écrit
sur page blanche, dont l'antique structure serait désactivée ? Peut-on retrouver l'influence de
ce qu'il y avait là ? Y a-t-il un substrat actif ? Est-il masqué ? Comment se serait effectuée la
transmission d'une structure pré-urbaine dans les banlieues ou le périurbain actuel ?
Autour des villes, L. Mumford identifie une "suburbia" historique, celle des aristocrates qui
ont, lentement, dans le contado, les plats pays, les campagnes, construit un mode de vie dans
des villae, fortifiées en mottes, puis en châteaux surveillant autant les villes que les chemins ;
défaits des fonctions militaires, ils sont devenus châteaux de la Loire, puis palais classiques
imitant Versailles. Les banlieues d'avant l'urbanisation sont couvertes de folies, de parcs, de
boulingrins, s'ouvrant par des allées sur les routes royales qui étoilent l'abord de la ville,
habités quelques semaines par an, dominant les grands domaines sur lesquels les
micropropriétaires des villages s'engagent comme brassiers.
On tentera ici d'identifier les traces d'une l'utopie de la vie de château qui serait constitutive du
périurbain, à partir d'un corpus de littérature enfantine.
Supposer un lien entre ces paysages et modes de vie perdus et la ZUP, les rocades et les
supermarchés manque d'évidence. Davantage encore si l'on doit passer par Babar et le
capitaine Haddock pour le montrer. Pourquoi supposer une chaîne signifiante dans ce collier
brisé ? Cette réflexion prendra la forme du récit de sa reconstitution : une étude du pouvoir
urbain dans l'œuvre d'Hergé croisée au travail sur les utopies ont fait naître une hypothèse :
l'idéal utopique de la "vie de château" a, inconsciemment, contribué à structurer les modes
d'urbanisation du périurbain et on trouve la trace de la transmission de cette vision de ce
périurbain-là dans certains textes de la littérature enfantine, parce que cette forme présente
bien des analogies avec le genre utopique.
Après avoir montré comment l'exemple de Tintin permet de proposer un lien entre l'idéal
aristocratique de l'ancien régime et les utopies de la ville émergente on s'attachera ensuite à
identifier la trace du lien entre littérature enfantine, vie de château, utopie et l'histoire des
banlieues, dans d'autres supports de la "culture enfantine" : y a t il, chez la comtesse de Ségur,
un lien entre cet idéal historique et les utopies qu'elle propose ? Peut-on identifier chez Babar
des utopies urbaines liées à ce modèle, mais annonçant les réalisations du périurbain ?
Comment interpréter les crises internes aux œuvres de Brunhoff, Franquin et Hergé au début
des années soixante ? Le Pagnol des souvenirs d'enfance, permet-il de mieux comprendre
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